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SAR François 1er, père de la langue Française

SAR François 1er, père de la langue Française

En 1539, par l’ordonnance de Villers-Cotterêts, François Ier impose la pratique du français à la place du latin dans tous les actes juridiques et administratifs. Il donne ainsi une impulsion décisive à une langue qui est déjà celle de la cour et de la ville. Les humanistes et les poètes parachèveront sa victoire.

Quel rôle a joué le roi dans l’affirmation, la diffusion, le perfectionnement de la langue française ? S’agit-il d’une intervention officielle, directe, institutionnelle en quelque sorte, dont la fondation de l’Académie française en 1635 serait la manifestation la plus achevée et la plus éclatante ?

L’acte fondateur, dans cette relation privilégiée entre le roi et la langue, fut le choix par l’État monarchique du parlé de l’Ile-de-France comme mode d’expression.

CXI. Et pource que telles choses sont souventeffois ad-venues sur l’intelligence des motz latins contenuz esdictz arrestz, nous voulons que doresenavant tous arretz ensemble toutes autres procédeures, soyent de noz cours souveraines ou autres subalternes et inférieures, soyent de registres, enquestes, contractz, commissions, sentences, testamens et autres quelzconques actes et exploictz de justice, ou qui en dépendent, soyent prononcez, enregistrez et délivrez aux parties en langage maternel françois, et non autrement.

 

Ordonnance du Roy sur le faid de justice

francois, par La grâce de dieu, Roy de France,

Sçavoir faisons, à tous présens et advenir, que pour aucunement pourvoir au bien de notre justice, abréviation des procès, et soulagement de nos sujets, avons, par édit perpétuel et irrévocable, statué et ordonné, statuons et ordonnons les choses qui s’ensuivent.

Art. 1. – C’est à savçoir que nous avons défendu et défendons à tous nos sujets, de ne faire citer, ni convenir les laïcs pardevant les juges d’église, ès actions pures personnelles, sur peine de perdition de cause et d’amende arbitraire.

Art. 2. – Et avons défendu à tous juges ecclésiastiques, de ne bailler ni délivrer aucunes citations verbalement, ou écrit, pour faire citer nosdits sujets purs lays, èsdites matières pures personnelles. sur peine aussi d’amende arbitraire.

Art. 3. – Et ce, par manière de provision, quant à ceux dont le fait a été reçu sur la possession d’en connoître, et jusqu’à ce que par nous, autrement en ait été ordonné, et sans en ce comprendre ceux qui en auroient obtenu arrêt, donné avec notre procureur-général, si aucuns y a.

Art. 4. – Sans préjudice toutefois de la jurisdiction ecclésiastique ès-matières de sacrement et autres pures spirituelles et ecclésiastiques, dont ils pourront connoître contre lesdits purs laïcs selon la forme de droit, et aussi sans préjudice de la jurisdiction temporelle et séculière contre les clercs mariés et non mariés, faisans et exerçans états ou négociations, pour raison desquels ils sont tenus et ont accoutumé de répondre en cour séculière, où ils seront contraints de ce faire, tant ès-matières civiles que criminelles, ainsi qu’ils ont fait par ci-devant.

Art. 5. – Que les appellations comme d’abus interjettées par les prêtres et autres personnes ecclésiastiques, ès-matières de discipline et correction ou autres pures personnelles, et non dépendantes de réalité, n’auront aucun effet suspensif ; ains nonobstant lesdites appellations, et sans préjudice d’icelles pourront, les juges d’église, passer outre contre lesdites personnes ecclésiastiques.

Art. 6. – Que les appelans comme d’abus qui se départiront en jugement de leurs appellations relevées, payeront l’amende ordinaire du fol appel ; et hors jugement, la moitié de ladite amende ; et plus grande si métier est, à l’arbritation de nosdites Cours souveraines, eu égard à la qualité des matières et des parties.

Art. 7. – Et amende envers la partie pour leurs subterfuges et délais, et procès retardé; c’est à scavoir, de vingt livres parisis en jugement ; et hors icelui, de dix livres parisis.

Art. 8. – Et quant aux appellations plaidées et soutenues par lesdits appellans, ils soient condamnés, outre l’amende ordinaire, en une amende extraordinaire envers nous et la partie, selon l’exigence du cas, si la matière y est trouvée disposée.

Art. 9. – Que suivant nos anciennes ordonnances, tous ajournemens seront faits à personne ou domicile, en présence de recors et de témoins qui seront inscrits, au rapport de l’huissier ou sergent, sur peine de dix livres parisis d’amende, contre ceux qui seront trouvés en faute.

Art. 10. – Quand les récusations proposées ou baillées par écrit, seront frivoles et non-recevables, le juge récusé les pourra telles déclarer, et ordonner que nonobstant icelles, il passera outre selon la forme de droit.

Art. 11. – Et s’il y a appel, sera nonobstant icelui passé outre, non par le juge récusé, mais par celui qui a accoutumé tenir le siége en son absence, soit lieutenant particulier, ou le plus ancien avocat : tellement que pour la proposition de ladite récusation, et appellation sur ce interjeté, la poursuite et procédure ne soient aucunement retardées ou délaissées.

Art. 12. – Et s’il a été sur ce frivolement appelé, et la partie veuille acquiescer; si c’est hors jugement, sera condamnée à quarante livres parisis d’amende, moitié à nous et moitié à partie, et la moitié plus si c’est en jugement; et s’il plaide et succombe, en l’amende ordinaire, qui ne pourra être modérée, et en la moitié d’icelle envers la partie.

Art. 13. – Et si lesdites causes de récusation sont trouvées légitimes, sera baillé un seul délai pour les prouver et vérifier : non pas par le juge récusé, mais par icelui qui doit tenir le siége en son lieu, comme dit est, lequel à faute de ladite vérification, ou dedans ledit délai, et après icelui échu et passé, et sans autre déclaration ni forclusion, déboutera les proposans desdites causes de récusation.

Art. 14. – Et lequel proposant, sera pour chacun fait de récusation calomnieusement proposé en nos cours souveraines, condamné en vingt livres parisis d’amende, la moitié vers nous, l’autre moitié vers la partie, et de dix livres aussi par moitié, comme dessus, en nos justices inférieures.

Art. 15. – Et voulons en outre que nonobstant ladite récusation et délai baillé pour la vérifier, soit passé outre au principal pardevant le juge non récusé, qui aura baillé ledit délai; et qui a accoutumé tenir ledit siége au lieu dudit récusé.

Art. 16. – Que tous ajournemens pour faire et intenter nouveau procès, seront libellés sommairement, la demande et moyens d’icelle en brief, pour en venir prêt à défendre, par le défendeur, au jour de la première assignation.

Art. 17. – Ce qu’il sera tenu de faire, sinon que pour grande et evidente cause, lui fut baillé un délai pour tous, pour y venir défendre.

Art. 18. – Et défendons tous autres délais accoutumés d’être pris auparavant la contestation, soit d’avis, absence, attente de conseil, ou autres ; fors seulement le délai d’amener garant si la matière y est disposée, auquel cas y aura un seul délai pour amener ledit garant, qui sera ajourné à cette fin, par ajournement libellé comme dessus.

Art. 19. – Et si ledit garant compare et veut prendre la garantie, il sera tenu de ce faire au jour de la première assignation, et contester, sinon qu’il voulût amener autre garant, pour quoi lui serait pourvu d’un autre seul délai, et de commission libellée comme dessus.

Art. 20. – Que les sentences et jugemens donnés contre les garantis seront exécutoires contre les garants, tout ainsi que contre les condamnés, sauf les dépens, dommages et intérêts, dont la liquidation et exécution se feront contre le garant seulement.

Art. 21. – Qu’en vertu de deux défauts bien et duement obtenus contre le garant, sera donnée sentence ou arrêt après la vérification duement faite par le demandeur, en matière de recours de garantie, du contenu en sa demande.

Art. 22. – Que de toutes commissions et ajournemens, seront tenus les sergens, laisser la copie avec l’exploit aux ajournés, ou à leurs gens et serviteurs, et les attacher à la porte de leurs domiciles, encore qu’ils ne fussent point demandés, et en faire mention par l’exploit, et ce, aux dépens des demandeurs et poursuivans, et sauf à les recouvrer en la fin de cause.

Art. 23. – Nous ordonnons que tous plaidans et litigans, seront tenus au jour de la première comparition, en personne ou par procureur suffisamment fondé, déclarer ou élire leur domicile au lieu où les procès sont pendans, autrement faute de ce avoir duement fait, ne seront recevables, et seront déboutés de leurs demandes, défenses ou oppositions respectivement.

Art. 24. – Qu’en toutes matières civiles et criminelles, où l’on avait accoutumé user de quatre défauts, suffira d’y avoir deux bien et duement obtenus par ajournement fait à personne ou à domicile, sauf que les juges, (ex officio) en pourront ordonner un troisième si lesdits ajournements n’ont été fait à personne, et ils voient que la matière y fût disposée.

Art. 25. – Qu’ès matières criminelles par vertu du premier défaut donné sur ajournement personnel, sera décerné prise-de-corps, et s’il y a deux défauts, sera dit qu’à faute de pouvoir apprèhender le défaillant, il sera ajourné à trois briefs jours, avec annotation et saisie de ses biens, jusqu’à ce qu’il ait obéi.

Art. 26. – En toutes actions civiles où il y aura deux défauts, sera par vertu du second, le défendeur débouté des défenses, et par même moyen permis au demandeur de vérifier sa demande, et après l’enquête faite, sera la partie ajournée, pour voir produire lettres et billets, et bailler contredits si bon lui semble, et prendre appointement en droit, sans ce qu’il soit nécessaire ordonner que le défaillant, soit ajourné pour bailler son ny.

Art. 27. – Qu’auparavant que donner aucunes sentences contre les défaillans contumaces, et non comparans, le demandeur sera tenu de faire apparoir du contenu en sa demande.

Art. 28. – Que les vrais contumaces ne seront reçus appellans; ainçois, quant par la déduction de leur cause d’appel, et défenses au contraire, il appert que par vraie désobéissance et contemnement de justice, ils n’aient voulu comparoir, seront déclarés non-recevables comme appellans, et ordonné que la sentence dont a été appelé, sortira son plein et entier effet, et sera exécutée nonobstant oppositions quelconques.

Art. 29. – Et s’il y avait quelque doute sur la contumace, et que l’appellant alléguât aucunes défenses péremtoires, dont il fit promptement apparoir, à tout le moins sommairement, lui sera donné un seul délai pour informer plainement de sesdites défenses, tant par lettres que par témoins, et sa partie au contraire à ses dépens, pour le tout rapporté, leur être fait droit sur la cause d’appel, sans autre délai ni forclusion.

Art. 30. – Que les sentences par contumace données après vérification de la demande, seront exécutoires nonobstant l’appel, ès cas èsquels elles sont exécutoires selon nos ordonnances, quand elles sont données parties ouïes.

Art. 31. – Et quant aux sentences données par forclusion, ne seront mises au néant, mais se vuideront les appellations (an benè vel malé) par appellations verbales ou procès par écrit, selon ce que la matière sera disposée.

Art. 32. – Que tous délais pour prouver et informer, seront péremptoires pour tous, ainsi qu’ils seront arbitrés par les juges, tant de nos cours souveraines qu’autres, selon la qualité des matières et distances des lieux, lorsque les parties seront appointées à informer.

Art. 33. – Et il n’y aura qu’un seul délai pour informer, ainsi modéré et arbitré comme dit est, fors que si dedans ledit délai, il étoit trouvé que les parties eussent fait leur devoir et diligence, et n’eussent été en contumace et négligence, on leur pourra encore donner et modérer autre délai pour tous, faisant préalablement apparoir, à tout le moins sommairement et en première apparence, de leurs susdites diligences, et purgeans leursdites contumaces et négligences.

Art. 34. – Après le dit second délai passé, ne sera permis aux parties de faire aucunes preuves par enquètes de témoins, et ne leur en pourra être baillé ni donné délai, pour quelque cause ni occasion que ce soit, par relièvement ou autrement.

Art. 35. – Et défendons à tous gardes des sceaux de nos chancelleries, de bailler aucunes lettres, et à tous nos juges, tant de nos cours souveraines, que autres, d’y avoir aucun égard; ains voulons, les impétrans, être promptement déboutés, et condamnés en l’amende ordinaire, telle que du fol appel envers nous, et en la moitié moins envers la partie.

Art. 36. – Qu’il n’y aura plus de réponses par credit vel non credit, ni contredicts, contre les dicts et dépositions des témoins, et défendons aux juges de les recevoir, et aux parties de les bailler, sur peine d’amende arbitraire.

Art. 37. – Et néanmoins permettons aux parties de se faire interroger, l’une l’autre, pendant le procès, et sans retardation d’icelui, par le juge de la cause, ou autre plus prochain des demeurances des parties, qui à ce sera commis sur faicts et articles pertinens et concernans la cause et matière dont est question entr’elles.

Art. 38. – Et seront tenues, les parties, affirmer par serment les faicts contenus en leurs escritures et additions, et par icelles, ensemble par les réponses à leurs interrogatoires, confesser ceux qui seront de leur science et cognoissance, sans les pouvoir dénier ou passer par non sçavance.

Art. 39. – Et ce, sur peine de dix livres parisis d’amende pour chacun fait dénié calomnieusement en nos cours souveraines, et cent sols parisis ès-jurisdictions inférieurss : èsquelles amendes seront lesdites parties condamnées envers nous et en la moitié moins envers les parties pour leurs intérêts.

Art. 40. – Et semblable peine, voulons encourir ceux qui auront posé et articulé calomnieusement aucuns faux faits, soit en plaidant ou par leurs escritures ou autres pièces du procès.

Art. 41. – Que pour chacun fait de reproches calomnieusement proposé, qui ne sera vérifié par la partie, y aura condamnation : c’est à sçavoir, en nos cours souveraines, de vingt livres parisis d’amende, moitié à nous et moitié à la partie, ou de plus grande peine pour la grandeur de la calomnie desdits proposans à l’arbitration de la justice, et en la moitié moins en nos justices inférieures.

Art. 42. – Nous défendons aux parties, leurs avocats et procureurs, d’alléguer aucunes raisons de droit par leurs interdits, escritures, additions et responsifs fournis ès matières réglées en preuves et enquêtes, mais seulement leurs faits positifs et probatifs, sur lesquels ils entendent informer et faire enquête.

Art. 43. – Et que lesdits faits soient succintements posés et articulés sans redicte et superfluité.

Art. 44. – Les parties ne répondront que par une seule addition ou deux au plus, en quelque manière que ce soit.

Art. 45. – Et voulons que les avocats et procureurs contrevenans à ce que dessus, soient pour la première fois, punis envers nous d’une amende de dix livres parisis : pour la seconde fois de la suspension de leur état pour un an : et pour la troisième fois privés à toujours de leur état et office de postulation et sans déport.

Art. 46. – Qu’ès matières possessoires bénéficiales, l’on communiquera les titres dès le commencement de la cause, pour quoi faire le juge baillera un seul délai compétent, tel qu’il verra être à faire selon la distance des lieux : et par faute d’exhiber, se fera adjudication de recréance ou de maintenue sur les titres et capacité de celuy qui aura fourny : qui sera exécutée nonobstant l’appel quand elle sera donnée par nos juges ressortissans sans moyens en nosdites cours souveraines.

Art. 47. – Et après que les parties auront contesté et été appointées en droit, leur sera baillé un seul brief délai pour escrire et produire, qui ne pourra être prorogé pour quelque cause que ce soit.

Art. 48. – Et auront communication de leurs productions dedans trois jours, et de huictaine en huictaine après, pourront bailler contredicts et salvations, autrement n’y seront plus reçus, ainçois sera le procès jugé en l’estat sans autre forclusion ne signification de requête, et sans espérance d’autre délai par lettres de relièvement, n’autrement.

Art. 49. – Après le possessoire intenté en matière bénéficiale, ne se pourra faire poursuite pardevant le juge d’église sur le pétitoire, jusqu’à ce que le possessoire ait été entièrement vuidé par jugement de pleine maintenue, et que les parties y aient satisfaicts et fourny, tant pour le principal que pour les fruicts, dommages et intérêts.

Art. 50. – Que des sépultures des personnes tenans bénéfices, sera faict registre en forme de preuve, par les chapitres, colléges, monastères et cures, qui fera foi, et pour la preuve du temps de la mort, duquel temps sera fait expresse mention esdicts registres, et pour servir au jugement des procès où il seroit question de prouver ledit temps de la mort, au moins, quant à la récréance.

Art. 51. – Aussi sera fait registres, en forme de preuve, des baptêmes, qui contiendront le temps et l’heure de le nativité, et par l’extrait dudict registre, se pourra prouver le temps de majorité ou minorité, et sera pleine foy à ceste fin.

Art. 52. – Et afin qu’il n’y ait faute auxdits registres, il est ordonné qu’ils seront signés d’un notaire, avec celui desdicts chapitres et couvents, et avec le curé ou vicaire général respectivement, et chacun en son regard, qui seront tenus de ce faire, sur peine des dommages et intérêts des parties, et de grosses amendes envers nous.

Art. 53. – Et lesquels chapitres, couvents et cures, seront tenus mettre lesdicts registres par chacun an, par devers le greffe du prochain siège du baillif ou séneschal royal, pour y estre fidèlement gardés et y avoir recours, quand mestier et besoin sera.

Art. 54. – Et afin que la vérité du temps desdicts décès puisse encore plus clairement apparoir, nous voulons et ordonnons qu’incontinent après le décès desdicts bénéficiers, soit publié ledict décès, incontinent après icelui advenu par les domestiques du décédé, qui seront tenu le venir déclarer aux églises, où se doivent faire lesdictes sépultures et registres, et rapporter au vrai le temps dudict décès, sur peine de grosse punition corporelle ou autre, à l’arbitration de la justice.

Art. 55. – Et néantmoins, en tout cas, auparavant pouvoir faire lesdites sépultures, nous voulons et ordonnons estre faicte inquisition sommaire et rapport au vrai du temps dudit décès, pour sur l’heure, faire fidèlement ledict registre.

Art. 56. – Et défendons la garde desdicts corps décédés auparavant ladicte révélation, sur peine de confiscation de corps et de bien contre les laïz qui en seront trouvés coupables, et contre les ecclésiastiques, de privation de tout droit possessoire qu’ils pourroient prétendre ès bénéfices, ainsi vacans, et de grosse amende àl’arbitration de justice.

Art. 57. – Et pour ce qu’il s’est aucunes fois trouvé par cy-devant ès matières possessoires bénéficiales, si grande ambiguité ou obscurité sur les droits et titres des parties, qu’il n’y avoit lieu de faire aucunes adujdications de maintenue, à l’une ou l’autre des parties : au moyen de quoy estoit ordonné que les bénéfices demeureroient séquestrés, sans y donner autre jugement absolutoire ou condamnatoire sur l’instance possessoire, et les parties renvoyées sur le pétitoire pardevant le juge ecclésiastique.

Art. 58. – Nous avons ordonné et ordonnons, que d’oresnavant, quand tels cas se présenteront, soit donné jugement absolutoire au profit du défendeur et possesseur contre lequel a été intentée ladicte instance possessoire, et le demandeur et autres parties déboutés de leurs demandes et oppositions respectivement faictes, requestes et conclusions sur ce prinses, sans en ce cas ordonner aucun renvoi pardevant le juge d’église sur le pétitoire, sur lequel pétitoire, se pourvoyeront les parties, si bon leur semble, et ainsi qu’ils verront estre à faire et sans les y astreindre par ledit renvoi.

Art. 59. – Nous défendons à tous nos juges de faire deux instances séparées sur la recréance et maintenue des matières possessoires ; ains voulons être conduicts par un seul procez et moyen, comme il est contenu ès anciennes ordonnances de nos prédécesseurs, sur ce faictes.

Art. 60. – Nous défendons à tous nos subjets prétendans droict et titre, ès bénéfices ecclésiastiques de nostre royaume, de commettre aucune force ne violence publique esdicts bénéfices et choses qui en dépendent, et avons dès à présent comme pour lors déclaré et déclarons, ceux qui commettent lesdictes, force et violences publiques, privés du droict possessoire qu’ils pourroient prétendre esdicts bénéfices.

Art. 61. – Qu’il ne sera reçu aucune complainte après l’an, tant en matières prophanes que bénéficiales, le défendeur mesme n’ayant titre apparent sur sa possession.

Art. 62. – Que les sentences de recréances et réintégrandes en toutes matières, et de garnison, seront exécutoires nonobstant l’appel, et sans préjudice d’icelui en baillant caution, pourveu qu’elles soient données par nos juges ressortissans sans moyen, assistans avec eux, jusqu’au nombre de six conseillers du siège, qui signeront le dictum avec le juge, dont il sera faict mention au bas de la sentence, et ce pour le regard desdictes recréances et réintégrandes.

Art. 63. – Et seront toutes instances possessoires de complainte ou réintégrande vuidées sommairement les preuves faictes, tant par lettres que par tesmoins, dedans un seul délai, arbitré au jour de la contestation, et sans plus y retourner par relièvement de nos chancelleries, n’autrement.

Art. 64. – Si pendant un procès en matière bénéficiale, l’un des litigans résigne son droict, il sera tenu faire comparoir en cause, celui auquel il aura résigné, autrement sera procédé contre le résignant, tout ainsi que s’il n’avoit résigné, et le jugement qui sera donné contre lui, sera exécutoire contre son résignataire.

Art. 65. – Que les lettres obligatoires faictes et passées sous scel royal, seront exécutoires par-tout notre royaume.

Art. 66. – Et quant à celles qui sont passées sous autres sceaux authentiques, elles seront aussi exécutoires contre les obligés ou leurs héritiers, en tous lieux où ils seront trouvés demeurans lors de l’exécution, et sur tous leurs biens quelque part qu’ils soient assis ou trouvés, pourveu qu’au temps de l’obligation, ils fussent demourans au-dedans du destroit et jurisdiction où lesdits sceaux sont authentiques.

Art. 67. – Et à cette fin, tous notaires et tabellions, seront tenus mettre par leurs contrats, sur peine de privation de leurs offices et d’amendre arbitraire, les lieux des demeurances des contractans.

Art. 68. – Et si contre l’exécution desdites obligations y a opposition, sera ordonné que les biens prins par exécution, et autres, (s’ils ne suffisent) seront vendus, et les deniers mis ès mains du créancier, nonobstant oppositions ou appellations quelsconques, et ce, par provision, en baillant par le créancier bonne et suffisante caution, et se constituant acheteur de biens de justice.

Art. 69. – Et où le créancier n’auroit commencé par exécution, mais par simple action ; si l’exploit est libellé, et porte la somme pour laquelle on veut agir, y aura gain de cause par un seul défaut, (avec le sauf, selon la distance des lieux) en faisant apparoir par le créancier du contenu en sa demande, par obligation authentique comme dessus.

Art. 70. – Et si l’exploit n’est pas libellé, par deux défaux y aura pareil profit, pourveu que par le premier défaut soit insérée la demande et conclusion du demandeur, et qu’il informe, comme dessus par obligation authentique.

Art. 71. – L’héritier ou maintenu estre héritier de l’obligé adjourné par exploit libellé deuement fait et recordé, pour voir déclarer exécutoire l’obligation passée par son prédécesseur, s’il ne compare, sera par un défaut (avec le sauf selon la distance du lieu) ladite obligation déclarée exécutoire par provision, sans préjudice des droits dudict prétendu héritier au principal : et si l’exploit n’est libellé, sera exécutoire par deux défaux, pourveu que par le premier soit insérée la demande et libelle du demandeur, comme dessus.

Art. 72. – Et pourra néanmoins le créancier, si bon lui semble, faire exécuter lesdictes obligations ou condemnations, contre le maintenu héritier, sans préalablement faire faire ladicte déclaration de qualité d’héritier, de laquelle suffira informer par le procez, si elle est déniée, à la charge des dépens, dommages et intérêts, si ladicte qualité n’est vérifiée.

Art. 73. – Et aussi d’une amende envers nous et la partie, que nous voulons être imposée pour la calomnie des demandeurs en matière d’exécution, s’ils succombent : comme aussi contre les obligés qui n’ont fourny et satisfaict calomnieusement et sans cause, au contenu de leur obligation, dedans le temps sur ce par eux promis et accordé.

Art. 74. – Qu’en toutes exécutions, où il y a commandement de payer, ne sera besoin pour la validité de l’exploit des criées, ou autre, saisie et main mise de personnes ou de biens, faire perquisition de biens meubles, mais suffira dudict commandement deuement faict à personne ou à domicile.

Art. 75. – Et encore ne sera disputé de la validité ou invalidité du commandement ou exploit, quand il y aura terme certain de payer par les obligations ou par les sentences, jugemens ou condemnations suffisamment signifiées.

Art. 76. – Que par faute de paiement de moissons de grain, ou autres espèces deues par obligations, ou jugement exécutoire, l’on pourra faire faire criées, encores qu’il n’y ait point eu d’appréciation précédente, laquelle se pourra faire aussi bien après lesdites saisies et criées comme devant.

Art. 77. – Que toutes choses criées seront mises en main de justice, et régies par commissaires qui seront commis par le sergent exécuteur desdictes criées, lorsqu’il commencera à faire lesdictes criées, nonobstant les coutumes contraires.

Art. 78. – Et défendons aux propriétaires et possesseurs sur lesquels se feront lesdites criées, et toutes autres, de troubler et empêcher lesdits commissaires : sur peine de privation de droit et autre amende arbitraire à l’arbitration de justice.

Art. 79. – Que le poursuivant des criées, sera tenu incontinent après icelles faites, les faire certifier bien et deuement selon nos anciennes ordonnances, et faire attacher la lettre de la certification, à l’exploit des criées sous le scel du juge qui l’aura faite auparavant que s’en pouvoir aider, ni pouvoir faire aucune poursuite desdictes criées, et ce, sur peine de nullité d’icelles.

Art. 80. – Tous opposans calomnieusement à criées, déboutés de leur opposition, seront condamnés en l’amende ordinaire, tel que du fol appel en nos cours souveraines, et de vingt livres parisis ez-autres jurisdictions inférieures, et plus grande à la discrétion de justice, si la matière y est trouvée disposée, et autant envers les parties.

Art. 81. – Que pour les oppositions afin de distraire, ne sera retardée l’adjudication par décret, s’ils ont été six ans auparavant que d’intenter leurs actions sur lesquelles ils fondent leurs distractions, à commencer depuis le temps que prescription aura peu courir. Et néantmoins, en vérifiant leurs droicts, seront payez de leursdits droicts, sur le prix de l’enchère, selon leur ordre de priorité et postérieure.

Art. 82. – Que tous sequestres, commissaires et dépositaires de justice, commis au gouvernement d’aucunes terres ou héritages, seront tenus les bailler à ferme par authorité de justice, parties appellées au plus offrant et dernier enchérisseur, qui sera tenu de porter les deniers de la ferme jusques à la maison des commissaires, et d’entretenir les choses en l’estat qu’elles leurs seront baillées, sans y commettre aucune fraude ni malversation, sur peine d’amende, à la discrétion de justice.

Art. 83. – Que lesdits sequestres et commissaires seront tenus le jour dudit bail à ferme, faire arrêter par justice la mise et despense qui aura esté faite pour le bail d’icelle ferme, en la présence des parties ou elles dument appelées.

Art. 84. – Et ne pourront sur les deniers de la ferme faire autres frais et mises, sinon qu’il leur fût ordonné par la justice, par parties appelées, et partant recevront tous les deniers de la ferme sans aucune déduction, fors de ce qu’ils auront ainsi frayé comme dessus, et de leurs salaires raisonnables, après ce qu’ils auront été taxés par la justice.

Art. 85. – Qu’ès arrêts ou sentences d’adjudication de décret, ne seront doresnavant insérés les exploits des criées, ne autres pièces qui ont accoutumé, par ci-devant y être insérées, mais sera seulement fait un récit sommaire de pièces nécessaires, comme il se doit faire ez-arrêts et sentences données, et autres matières.

Art. 86. – Qu’en matières civiles il y aura par tout publication d’enquêtes, excepté en nostre cour de parlement, et requêtes de nostredit parlement à Paris, ou il n’y a accoustumé et avoir publication d’enquestres, jusques à ce qu’autrement en soit ordonné.

Art. 87. – Qu’en toutes matières civiles, y aura communication d’inventaires et productions.

Art. 88. – Qu’en toute matières réelles, personnelles, possessoires, civiles et criminelles, y aura adjudication de dommages et intérêts procédans de l’instance, et de la calomnie, ou témérité de celui qui succombera en icelles ; qui seront, par ladite sentence et jugement, taxés et modérés à certaine somme, comme il a esté dit ci-dessus, pourveu toutesfois que lesdits dommages et intérêts aient été demandés par la partie qui aura obtenu, et desquels les parties pourront faire remonstrance sommaire par ledit procez.

Art. 89. -Qu’en toutes condamnations de dommages et intérêts, procédant de la qualité et nature de l’instance, les juges arbitreront une certaine somme, selon qu’il leur pourra vraisemblablement apparoître par le procès, et selon la qualité et grandeur des causes et des parties, sans qu’elles soient plus reçues à les bailler par déclaration, ni faire aucune preuve sur iceux.

Art. 90. – Quand un procès sera en état d’être jugé, le juge pourra procéder au jugement, et prononcer la sentence, nonobstant que l’une ou l’autre des parties soit décédée, sauf à ceux contre lesquels on voudra la faire exécuter, à se pouvoir, si bon leur semble, par appel autrement fondé, que sur nullité de sentence comme donné contre un décédé.

Art. 91. – Que les sentences de provisions d’alimens et médicamens, données par les juges subalternes jusqu’à la somme de vingt livres parisis, seront exécutées nonobstant l’appel, et sans préjudice d’icelui, ne baillant caution, comme juges royaux.

Art. 92. – Que toutes parties qui seront ajournées en leurs personnes, en connoissance de cédule, seront tenues icelle reconnoître ou nier en personne ou par procureur spécialement fondé, pardevant le juge séculier en la jurisdiction duquel seront trouvées sans pouvoir alléguer aucune incompétence, et ce, avant que partir du lieu où lesdites parties seront trouvées, autrement lesdites cédules seront tenues pour confessées par un seul défaut, et emporteront hypothèque du jour de la sentence, comme si elles avaient été confessées.

Art. 93. – Si aucun est ajourné en connoissance de cédule, compare ou conteste déniant sa cédule ; et si par après est prouvée par le créancier, l’hypothèque courra et aura lieu du jour de ladite négation et contestation.

Art. 94. – Qu’en toutes matières réelles, pétitoires et personnelles, intentées pour héritages et choses immeubles, s’il y a restitution de fruits ils seront adjugés, non-seulement depuis contestation en cause, mais aussi depuis le temps que le condamné a été en demeure et mauvaise foi auparavant ladite contestation, selon, toutesfois, l’estimation commune qui se prendra sur l’extrait des registres au greffe des jurisdictions ordinaires, comme sera dit ci-après.

Art. 95. – Qu’en matière d’exécution d’arrêt ou jugement passé en force de chose jugée, donné en matière possessoire ou pétitoire, si le tout est liquidé par ledit jugement ou arrêt ; qu’en ce cas dans trois jours précisément, après le commandement fait au condamné, il sera tenu obéir au contenu dudit jugement ou arrêt, autrement à faute de ce faire, sera condamné en soixante livres parisis d’amende envers nous, ou plus grande selon la qualité des parties, grandeur des matières, et longueur du temps : et en grosse réparation envers la partie, à l’arbitration des juges, selon les qualités que dessus.

Art. 96. – Et où le condamné sera trouvé appelant, opposant, ou autrement, frivolement et induement, empeschant l’exécution dudit jugement ou arrêt, par lui ou par personne suscitée ou interposée, il sera condamné en l’amende ordinaire de soixante livres parisis ; et en outre, en autre amende extraordinaire envers nous, et en grosse réparation envers sa partie, empeschant induement ladite exécution, condamné à faire exécuter ledit jugement ou arrêt à ses propres coûts et dépens dans un bref délai, qui pour ce faire lui sera préfix, sur ces grosses peines, qui à icelui seront commuées ; et en défaut de ce faire dans ledit délai, sera contraint par emprisonnement de sa personne.

Art. 97. – Et si sur l’exécution dudit jugement ou arrêt, étoit requis connoissance de cause pour méliorations, réparations ou autre droits qu’il conviendra liquider, le condamné sera tenu vérifier et liquider lesdites réparations, méliorations ou autres droits pour lesquels il prétend retention des lieux, et chose adjugées, dedans certain bref délai seul et péremptoire, qui sera arbitré par les exécuteurs, selon la qualité des matières et distance des lieux : autrement à faute de ce faire dedans ledit temps, et icelui échu, sans autre déclaration ou forclusion, seront contraints les condamnés, eux désister et départir de la jouissance des choses adjugées, en baillant caution par la partie, de payer après la liquidation, ce qui serait demandé par le condamné, laquelle liquidation, et il sera tenu de faire dedans un autre bref délai qui lui sera préfixé par les juges, et néanmoins sera condamné en amende envers nous, et en réparation envers la partie, pour réparation de ladite exécution, selon les qualités que dessus.

Art. 98. – Et sur la liquidation des fruits, nous ordonnons que les possesseurs des terres demandées, ou leurs héritiers, seront tenus apporter pardevant les exécuteurs des jugements et arrêts, au jour de la première assignation en ladite exécution, les comptes, papiers et baux à ferme desdites terres, et bailler, par déclaration, les fruits pris et perçus, compris en la condamnation, et affirmer par serment icelle contenir vérité, et dedans un mois après pour tous délais, seront tenus payer les fruits selon ladite information.

Art. 99. – Et néanmoins pourra, la partie qui aura obtenu jugement à son profit, et qui prétend y avoir plus grands fruits ou de plus grande estimation, informer de plus grande quantité et valeur desdits fruits : et la partie condamnée, au contraire ; le tout dedans certain délai seul et péremptoire, qui sera arbitré par l’exécution.

Art. 100. – Et où il se trouveroit par lesdites informations et preuves, ladite partie condamnée avoir mal et calomnieusement affermé, et lesdits fruits se monter plus que n’avoir esté par elle affermé, sera condamnée en grosse amende enver nous, et grosse réparation envers la partie.

Art. 101. -Et pareillement où il se trouveroit lesdits fruicts ne se monter plus que ladite affirmation, celui qui a obtenu jugement, et qui auroit insisté calomnieusement à ladite plus grande quantité et valeur desdits fruicts, sera semblablement condamné en grosse amende envers la partie, à la discrétion des juges, selon les qualités des parties et grandeurs des matières.

Art. 102. – Qu’en tous les sièges de nos juridictions ordinaires, soient généraux ou particuliers, se fera rapport par chacune semaine de la valeur et estimation commune de toutes espèces de gros fruicts, comme bleds, vins, foins, et autres semblables, par les marchands faisant négociations ordinaires desdites espèces de fruicts, qui seront contraints à ce faire, sans en prendre aucun salaire, par mulctes et amendes, privation de négociation, emprisonnement de leurs personnes, et autrement à l’arbitration de justice.

Art. 103. – Et à cette fin, seront tenus lesdits marchands d’envoyer par chacun jour de marché, deux ou trois d’entr’eux, qui à ce seront par eux députés, et sans estre autrement appelés, ou adjournés au greffe de nosdites jurisdictions, pour rapporter et enregistrer ledit prix par le greffier ou son commis, qui sera incontinent tenu faire ledit registre, sans aucunement faire séjourner ni attendre lesdits députés, et sans en prendre aucun salaire.

Art. 104. – Et par l’extraict du registre desdits greffiers et non autrement, se verra d’oresnavant la valeur et estimation desdicts fruits tant en exécution d’arrests, sentences, ou autres matières, où il gist appréciation.

Art. 105. – Et quant aux sequestres ordonnés par justice, seront tenus les parties, dedans trois jours après la sentence, convenir de commissaires, après lesdits trois jours passés, soit qu’ils aient convenu ou non, seront tenus les possesseurs ou détenteurs des choses contentieuses, laisser la détention des choses sequestrées, sur peine de perdition de cause.

Art. 106. – Et pour le rétablissement des fruits, sera tenu le condamné rapporter par serment la quantité de ce q’il aura prins desdits fruits, et selon ledit rapport, en faire restablissement promptement, sur peine semblable de perdition de cause.

Art. 107. – Et sera néanmoins permis à la partie qui aura obtenu ledit sequestre, informer de la quantité et valeur desdits fruits, outre ledit rapport par serment, et le condamné au contraire, au pareil toutefois de l’amende ordinaire envers nous, et autant envers la partie contre celui qui succombera.

Art. 108. – Que les tiers opposants contre les arrêts de nos cours souveraines, s’ils sont déboutés de leurs oppositions, seront condamnés envers nous en l’amende ordinaire du fol appel, et la moitié moins envers la partie, et plus grande si mestier est, selon la qualité et malice des parties, et contre l’exécution des sentences non suspendues par appel, seront condamnés en vingt livres parisis d’amende envers nous, et la moitié moins envers la partie, et plus grande si métier est, comme dessus.

Art. 109. – Semblables condamnations seront faites contre ceux qui sans cause baillent requestes pour faire corriger et interprêter, changer ou modifier les arrests donnés par nos dites cours, qui seront déboutés de l’entérinement de leursdites requestes.

Art. 110. – Et afin qu’il n’y ait casue de douter sur l’intelligence desdits arrêts, nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait ni puisse avoir aucune ambiguité ou incertitude ne lieu à demander interprétation.

Art. 111. – Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l’intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d’oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement.

Art. 112. – Nous voulons que les impétrants de lettres, pour articuler calomnieusement faicts nouveaux, s’il est trouvé qu’ils ne servent à la décision du procez, seront condamnés envers nous en l’amende ordinaire du fol appel en nos cours souveraines, et vingt livres parisis ès-inférieures, et moitié moins aux parties, et sous grosses si métier est comme dessus.

Art. 113. – Que nos conseillers exécuteurs des arrests de nos cours souveraines, ne pourront estre refusés sur les lieux, ains nonobstant les récusations qu’on pourroit proposer contr’eux, passeront outre jusques à la perfection desdictes exécutions, mais bien pourront nosdicts conseillers, estre recusés auparavant leur partement, si bon semble aux parties, et s’il y ait matière de ce faire.

Art. 114. – Qu’ès-appellations des sentances des procez par escrit où il y aura plusieurs chefs et articles, seront les appellans tenus par la conclusion, déclarer ceux desdits chefs et articles pour lesquels ils voudront soustenir leur appel, et consentir que quant au surplus la sentence soit exécutée, autrement, et faute de ce faire, seront en tout et partout, déclarés non-recevables, comme appellans sans espérance de relief.

Art. 115. – Et pour chacun desdits chefs et articles séparés, y aura amende, sinon q’ils fussent tellement conjoincts, que la décision de l’un portast la décision de l’autre.

Art. 116. – Que les appellans de droit écrit seront condamnés en l’amende de fol appel, comme les appellans du pays coutumier.

Art. 117. – Nous déclarons et ordonnons, qu’il ne sera besoin ci-après aux appellans de droit escrit de demander apostres, ainsi qu’il a été fait ci-devant, ains seront receus les appellans à faire poursuite de leursdites appellations sans avoir demandé lesdits apostres, et sans qu’il soit besoin en faire aucunement apparoir, relever ne faire poursuite desdites appellations.

Art. 118. – Que toutes matières où il y aura plusieurs appellations, y aura pour chacun appel, sans le pouvoir aucunement réduire ou modérer, sinon en nos cours souveraines, s’il se trouvoit qu’il se deust ainsi faire pour très-grande et très-urgente cause, dont nous chargeons l’honneur et conscience de nosdites cours.

Art. 119. – Qu’ès-causes et matières d’appel, où il aura deux significations de requestes deuement faites au procureur de la partie, et l’un seulement des procureurs soit prest au jour de l’audience, lui sera donné exploit tout ainsi que la cause estoit au roolle qui ne pourra estre rabattu par relievement de nos chancelleries, ni autrement, en quelque manière que ce soit.

Art. 120. – Qu’il ne sera doresnavant baillé aucunes lettres de relievement de désertion ni présomption d’instance pour quelque cause et matière que ce soit, et si elles estoient baillées, défendons d’y avoir aucun esgard, ains les instances dessusdictes estre jugées, tout ainsi que si lesdictes lettres n’avoient esté obtenues ni empétrées.

Art. 121. – Que les conseillers de nos cours souveraines, ne donneront point de défaux à la barre ni ailleurs, si non aux procureurs des parties, et non aux clers ne solliciteurs.

Art. 122. – Nous voulons que les présidens et conseillers des chambres des enquêtes de nos cours souveraines, jugent les procès par escrit, dont le jugement est poursuivi, selon l’ordre du temps et de la réception, dont il sera fait rôle, qui sera publié et attaché au greffe, de trois mois en trois mois, auquel seront rayés par le greffier, ceux qui seront jugés incontinent après le jugement conclu et arrêté.

Art. 123. -Et voulons ladite ordonnance estre étroitement gardée, et sans y faillir ni mesprendre en quelque manière que ce soit : ordonnons néanmoins à nostre procureur-général d’y avoir l’oeil et la faire garder sur peine de s’en prendre à lui : et néanmoins nous advertir incontinent de la faute qui y seroit faite, pour y pourvoir comme il appartiendra.

Art. 124. – Nous défendons à tous présidens et conseillers de nos cours souveraines, de ne solliciter pour autrui les procez pendant ès-cours où ils sont nos officiers, et n’en parler aux juges directement ou indirectement, sur peine de privation de l’entrée de la cour, et de leurs gages pour un an.

Art. 125. – Qu’il ne se fera d’oresnavant aucun partage ès-procez pendans en nos cours souveraines, ains seront tenus nos présidens et conseillers convenir en une mesme sentence et opinion, à tout le moins en tel nombre qu’il s’en puisse ensuivre arrest et jugement auparavant de vacquer et entendre à autre affaire.

Art. 126. – Et à ceste fin, pour empescher lesdits partages, voulons et ordonnons que quand il passera d’une voix, soit le jugement et arrest conclu et arresté.

Art. 127. – Que tous impétrans de lettres royaux, en forme de requeste civile, relievement ou restitution contre les arrests de nos cours souveraines, s’ils sont déboutés de leursdites lettres, ils seront condamnées envers nous, en une amende arbitraire qui ne pourra être moindre que l’ordinaire du fol appel, et en la moitié moins envers la partie, et plus grande si métier est, selon la qualité et matière des parties.

Art. 128. – En toutes appellations, sera jugé an benè velmalé, sans mettre les appellations au néant, ne modérer les amendes du fol appel, sinon en nos cours souveraines, si pour très-grande et urgente cause, ils voyent que ainsi se deust faire, dont nous chargeons leur honneur et conscience.

Art. 129. – Nous défendons à tous les présidens et conseillers, et autres officiers de nos cours souveraines, que durant la séance du parlement, ils ne puissent désemparer ni soi absenter de nosdites cours, sans expresse licence et permission de nous : et s’il y a cause, ils nous en pourront advertir, pour en ordonner comme verrons estre à faire, sinon que pour grande et urgente cause il se peust autrement faire, dont nous chargeons l’honneur et conscience de nosdites cours souveraines.

Art. 130. – Nous ordonnons que les mercuriales se tiendront de mois en mois ; sans y faire faute, et que par icelles soient pleinement et entièrement déduites les fautes des officiers de nosdites cours de quelque ordre et qualité qu’ils soient. Sur lesquelles fautes sera incontinent mis ordre par nosdites cours, et sans aucune retardation ou délai, dont nous voulons estre advertis, et lesdites mercuriales, et ordres mises sur icelles, nous estre envoyées de trois mois en trois mois : dont nous chargeons nostre procureur-général d’en faire la diligence.

Art. 131. – Nous déclarons toutes dispositions d’entrevifs ou testamentaires qui seront ci-après, faictes par les donateurs ou testateurs, au profit et utilité de leurs tuteurs, curateurs, gardiens, baillistes, et autres leurs administrateurs estre nulles et de nul effet et valeur.

Art. 132. – Nous voulons que toutes donations qui seront faites ci-après, par et entre nos sujects, soient insinuées et enregistrées en nos cours et jurisdictions ordinaires des parties, et des choses données, autrement seront reputées nulles, et ne commenceront à avoir leur effect que du jour de ladite insinuation, et ce quant aux donations faites en la présence des donataires et par eux acceptées.

Art. 133. – Et quant à celles qui seront faites en l’absence desdits donataires, les notaires, et stipulans pour eux, elles commenceront leur effet du temps qu’elles auront esté acceptées par lesdits donataires, en la présence des donateurs et des notaires, et insinuées comme dessus, autrement elles seront réputées nulles, encores que par les lettres et instrumens d’icelles, y eust cause de rétention d’usufruit ou constitution de précaire, dont ne s’ensuit aucun effet, sinon depuis que lesdites acceptions ou insinuations auront esté faites comme dessus.

Art. 134. – Nous voulons oster aucunes difficultés et diversités d’opinions, qui se sont trouvéez par ci-devant sur le temps que ce peuvent faire casser les contracts faits par les mineurs ; ordonnons qu’après l’age de trente-cinq ans parfaits et accomplis, ne se pourra pour le regard du privilège ou faveur de minorité, plutost déduire ne poursuivir la cassation desdits contrats, en demandant ou en défendant par lettres de relievement ou restitution ou autrement, soit par voie de nullité (pour aliénation des biens immeubles faite sans décret ni authorité de justice) ou pour lésion, déception, ou circonvention, sinon, ainsi qu’en semblables contracts, seront permis aux majeurs d’en faire poursuite par relievement ou autre voie permise de droit.

Art. 135. – Qu’auparavant que recevoir les articles d’erreur par nos amés et féaux les maistres des requestes de notre hostel, ils verront les faits avec les inventaires des productions des parties.

Art. 136. – Que ceux qui voudront proposer erreur sont tenus de consigner la somme de douze vingt livres parisis, et au lieu des deux ans qu’ils avoient par les anciennes ordonnances, auront seulement un an pour satisfaire à ce qu’ils estoient tenus fournir et satisfaire, dedans les deux ans ordonnés par lesdites ordonnances.

Art. 137. – Que pour vuider lesdites instances de proposition d’erreur, ne sera besoin assembler les chambres, ainsi qu’il est contenu par lesdites anciennes ordonnances : mais seront jugées, lesdites propositions d’erreur, en telle chambre de nosdites cours, et en telle compagnie et nombre de juges, qu’il sera advisé et arbitré par nosdites cours, selon la grandeur et qualité des matières.

Art. 138. – Et seront tenues les parties de les faire juger dedans cinq ans, autrement n’y seront plus reçues.

Art. 139. – Nous enjoignons à tous nos juges, qu’ils aient à diligemment vaquer à l’expédition des procès et matières criminelles, préalablement et avant toutes autres choses, sur peine de suspension, de privation de leurs offices, et autres amendes arbitraires, où ils feront le contraire : dont nous chargeons l’honneur et conscience de nosdictes cours souveraines.

Art. 140. – Ausquels semblablement nous enjoignons de procéder aux chambres criminelles, à l’expédition des prisonniers et criminels, sans ce qu’ils puissent vaquer au jugement d’aucuns autres procès, où il soit question d’intérêt civil, ores qu’il dépendist de criminalité, jusques à ce que tous les prisonniers et criminels aient esté despéchés.

Art. 141. – Et pour ce que plusieurs juges subalternes, tant de nostres que autres, ont par ci-devant commis plusieurs fautes et erreurs en la confection des procez criminels, qui ont esté cause que nos cours souveraines ont plusieurs fois donné arrests interlocutoires pour la réparation desdictes fautes, dont s’est ensuivie grande retardation de l’expédition desdits procez, et punition des crimes.

Art. 142. – Que les juges qui seront trouvés avoir fait fautes notables en l’expédition desdits procez criminels, seront condamnés en grosses amendes envers nous pour la première fois, et pour la seconde seront suspendus de leurs offices pour un an, et pour la troisième, privez de leursdits offices, et déclarez inhabiles à tenir les offices royaux.

Art. 143. – Et néantmoins seront condamnés en tous les dommages et intérests des parties qui seront taxés et modérés comme dessus, selon la qualité des matières.

Art. 144. – Et afin que lesdits juges subalternes ne tombent ci-après en si grandes fautes, nous voulons que tous procez criminels se fassent par leurs juges ou les lieutenans, et accesseurs, et non par nos procureurs et advocats, les Greffiers, ou leurs clers, commis, tant aux interrogatoires, récollemens, confrontations, ou autres actes et endroits desdits procez criminels, et ce sur peine de suspension de leurs offices, et de privation d’iceux, ou plus grande peine et amende, s’ils estoient costumiers de ce faire.

Art. 145. – Et sitost que la plainte desdits crimes, excez et maléfices aura esté faiste ou qu’ils en auront autrement esté advertis, ils en informeront ou feront informer bien et diligemment, pour incontinent après informations faites, les communiquer à nostredit procureur, et veuës ses conclusions (qu’ils sera tenu promptement mettre au bas desdites formations, sans aucun salaire en prendre) être décerné par le juge telle provision de justice qu’il verra estre à faire selon l’exigence du cas.

Art. 146. – Seront incontinent lesdits délinquants, tant ceux qui seront enfermez, que les adjournés à comparoir en personne, bien et diligemment interrogés, et leurs interrogatoires réitérés et répétés selon la forme de droict de nos anciennes ordonnances, et selon la qualité des personnes et des matières, pour trouver la vérité desdits crimes, délicts et excez par la bouche des accusés si faire se peut.

Art. 147. – Et après lesdicts interrogatoires parfaicts et parachevez et mis en forme, seront incontinent montrés et communiqués à nostre procureur, qui sera tenu les voir à toute diligence, pour avec le conseil de son advocat, prendre les conclusions pertinentes.

Art. 148. – Et si on trouve les confessions de l’accusé estre suffisantes, et que la qualité de la matière soit telle qu’on puisse et doive prendre droit par icelles, on communiquera lesdites confessions à la partie privée, si aucun en y a, pour veoir si elle veut semblablement prendre droit par icelles, pour ce faire bailler leurs conclusions par escrit, tant le procureur du roi ou fiscal que la partie à leurs fins respectivement, et icelles estre communiquées à l’accusé, pour y respondre par forme d’atténuation tant seulement.

Art. 149. – Et s’ils ou l’un d’eux ne vouloit prendre droict par lesdites confessions, sera incontinent ordonné que les tesmoins seront amenés pour estre récollés et confrontés audit accusé dedans délai, qui sur ce sera ordonné par justice, selon la distance des lieux et qualité de la matière et des parties.

Art. 150. – Sinon que la matière fust de si petite importance, qu’après les parties oyes en jugement, l’on deust ordonner qu’elles seroient reçeuës en procez ordinaire, et leur préfiger un délai pour informer de leurs faits, et cependant eslargir l’accusé à caution limitée, selon la qualité de l’excez et du délict, à la charge de se rendre en l’estat au jour de la réception de l’enqueste.

Art. 151. – Et si dans le délai baillé pour amener tesmoins, et les faire confronter, ou pour informer comme dessus, n’avoit esté satisfait et fourni par les parties respectivement, sera le procez jugé en l’estat qu’il sera trouvé après ledit délai passé, et sur les conclusions qui sur ce seront promptement prinses, et baillées par escrit de chacun costé, chacun à leurs fins, sinon que par grande et urgente cause l’on donnast autre second délai pour faire ce que dessus : après lequel passé ne pourront jamais retourner par relièvement, ne autrement.

Art. 152. – En matières sujettes à confrontation, ne seront les accusés eslargis pendant les délais qui seront baillés pour faire ladite confrontation.

Art. 153. – Quand les tesmoins comparoistront pour estre confrontés, ils seront incontinent récollés par les juges, et par serment, en l’absence de l’accusé ; et ceux qui persisteront en ce qui sera à la charge de l’accusé, lui seront incontinent confrontés séparément et à part, et l’un après l’autre.

Art. 154. – Et pour faire la confrontation, comparoistront, tant l’accusé que le tesmoin, pardevant le juge, lequel, en la présence l’un de l’autre, leur fera faire serment de dire vérité : et après icelui fait, et auparavant que lire la déposition du tesmoin en la présence de l’accusé, lui sera demandé s’il a aucuns reproches contre le tesmoins illec présent, et enjoint de les dire promptement : ce que voulons qu’il soit tenu de faire : autrement n’y sera plus reçeu, dont il sera bien expressément adverti par le juge.

Art. 155. – Et s’il n’allègue aucun reproche, et déclare ne vouloir faire, se voulant arrester à la déposition des tesmoins, ou demandant délai pour bailler par escrit lesdicts reproches, ou après avoir mis par escrit ceux qu’il verroit promptement allégués, sera procédé à la lecture de la déposition dudit tesmoin, pour confrontation, après laquelle ne sera plus reçeu l’accusé à dire ne alléguer aucuns reproches contre ledit tesmoin.

Art. 156. – Les confrontations faites et parfaites, sera incontinent le procez mis entre les mains de nostre procureur, qui le visitera bien et diligemment pour voir quelles conclusions il doit prendre, soient déffinitives ou péremptoires, et les bailler promptement par escrit.

Art. 157. – Et s’il trouve que l’accusé aye allégué aucuns faits péremptoires servans à sa décharge, ou innocence, ou aucuns faits de reproches légitimes et recevables, nostredit procureur requerra que l’accusé soit promptement tenu de nommer les tesmoins par lesquels il entend prouver lesdits faicts, soient justificatifs ou de reproches, ou sinon prendra les conclusions diffinitives.

Art. 158. – Et sur lesdites conclusions, verra le juge diligemment le procès, et fera extrait des faits recevables, si aucun en y a, à la décharge de l’accusé, soit pour justification ou reproche : lesquels il monstrera audit accusé, et lui ordonnera nommer promptement les tesmoins, par lesquels il entend informer desdits faicts, ce qu’ils sera tenu faire, autrement n’y sera plus reçeu.

Art. 159. – Et voulons que les tesmoins qui ainsi seront nommés par lesdits accusés, soient ouïs et examinés, ex officio, par les juges ou leurs commis et députés, aux dépens dudit accusé, qui sera tenu consigner au greffe la somme qui pour ce lui sera ordonnée, s’il le peut faire, ou sinon aux dépens de partie civile si aucune y a, autrement à nos dépens, s’il n’y a autre partie civile qui le puisse faire.

Art. 160. -Et à ceste fin, se prendra une somme de deniers suffisante et raisonnable, telle que sera délibérée et arbitrée par nos officiers du lieu, sur le receveur de nostre domaine, auquel ladite somme sera allouée en la despense de ses comptes, en rapportant l’ordonnance de nosdits officiers, et la quittance de la délivrance qu’il aura faite desdits deniers.

Art. 161. – Le surplus des frais des procez criminels se fera aux despens des parties civiles, si aucunes y a, et sauf à recouvrer enfin de cause, et s’il n’y en a point, ou qu’elle ne les puisse notoirement porter, sur les deniers de nos receptes ordinaires, comme dessus.

Art. 162. – En matières criminelles, ne seront les parties aucunement ouïes et par le conseil ne ministère d’aucunes personnes, mais répondront par leur bouche des cas dont ils seront accusés, et seront ouïes et interrogées comme dessus, séparément, secrètement et à part, ostant et abolissant tous styles, usances ou coutumes, par lesquels les accusés avoient accoutumés d’être ouïs en jugemens, pour sçavoir s’ils devoient être accusés, et à cette fin avoir communication des faits et articles concernant les crimes et délits dont ils étoient accusés, et toutes autres choses contraires à ce qui est contenu ci-dessus.

Art. 163. – Si par la visitation des procès, la matière est trouvée subjette à torture, ou question extraordinaire, Nous voulons incontinent la sentence de ladite torture estre prononcée au prisonnier, pour estre promptement exécutée s’il n’est appelant. Et s’il y en a appel, estre tantost mené en nostre cour souveraine du lieu où nous voulons toutes appellations en matières criminelles ressortir immédiatement, et sans moyen, de quelque chose qu’il soit appelé dépendant desdictes matières criminelles.

Art. 164. – Et si par la question ou torture, l’on ne peut rien gaigner à l’encontre de l’accusé, tellement qu’il n’y ait matière de le condamner : nous voulons lui estre fait droit sur son absolution, pour le regard de la partie civile, et sur la réparation de la calomnieuse accusation : et à ceste fin les parties ouïes en jugement pour prendre leurs conclusions, l’un à l’encontre de l’autre, et estre réglées en procès ordinaire, si mestier est, et si les juges y voyent la matière disposée.

Art. 165. – Que contre les délinquans et contumaux fugitifs, qui n’auront voulu obéir à justice, sera foi adjoustée aux dépositions des tesmoins contenus ès-informations faites à l’encontre d’eux, et récollés par authorité de justice, tout ainsi que s’ils avoient esté confrontés, et sans préjudice de leurs reproches : et ce, quant aux tesmoins qui seroient décédés, ou autres qui n’auroient peu estre confrontés lorsque lesdits délinquans se représenteront à justice.

Art. 166. – Qu’il n’y aura lieu d’immunité pour debtes ni autres matières civiles, et se pourront toutes personnes prendre en franchise, sauf à les réintégrer quand y aura prinse de corps décerné à l’encontre d’eux, sur les informations faites de cas dont ils sont chargés et accusés, qu’il soit ainsi ordonné par le juge.

Art. 167. -Le surplus des ordonnances de nous et de nos prédécesseurs, ci-devant faictes sur le faict desdites matières criminelles, demeurant en sa force et vertu, en ce qu’il ne seroit trouvé dérogeant ou préjudiciable au contenuu en ces présentes.

Art. 168. – Nous défendons à tous gardes des sceaux de nos chancelleries et cours souveraines, de ne bailler aucunes grâces ou rémissions, fors celles de justice ; c’est à sçavoir aux homicidaires, qui auraient esté contraints faire des homicides pour le salut et défense de leurs personnes, et autres cas où il est dit par la loi, que les délinquans se peuvent ou doivent retirer par devers le souverain prince pour en avoir grâce.

Art. 169. – Et si aucunes grâces ou rémissions avoient esté par eux données hors les cas dessusdits; nous ordonnons que les impétrans en soient déboutés, et que nonobstant icelles, ils soient punis selon l’exigence des cas.

Art. 170. – Nous défendons auxdits gardes des sceaux de ne bailler aucuns rapeaux de ban, ne lettres pour retenir par nos cours souveraines, la cognoissance des matières en première instance, ni aussi pour les oster hors de leurs juridictions ordinaires, et les évoquer et commettre à autres, ainsi qu’il en a esté grandement abusé par ci-devant.

Art. 171. – Et si lesdites lettres estoient autrement baillées, défendons à tous nos juges de n’y avoir aucun esgard, et condamner les impétrans en l’amende ordinaire, comme du fol appel, tant envers nous que la partie, et néantmoins qu’ils nous advertissent de ceux qui auroient baillé lesdites lettres, pour en faire punition selon l’exigence des cas.

Art. 172- Défendons auxdits gardes des sceaux, de ne bailler aucunes grâces ne rémissions des cas pour lesquels ne seroit requis imposer peine corporelle, et si elles étoient données au contraire, défendons à tous nos juges de n’y avoir aucun regard comme dessus, et en débouter les parties avec condamnation d’amende.

Art. 173 – Que tous notaires et tabellions, tant de nostre chastelet de Paris, qu’autres quelconques, seront tenus faire fidèlement registres et protocoles de tous les testamens et contrats qu’ils passeront et recevront, et iceux garder diligemment, pour y avoir recours quand il sera requis et nécessaire.

Art. 174 – Esquels registres et protocoles, seront mises et insérées au long les minutes desdits. contrats, et à la fin de ladite insertion sera mis le seing des notaire ou tabellion qui aura reçeu ledit contract.

Art. 175 – Et s’ils sont deux notaires à passer un contract ou recevoir un testament, sera mis et escrit au dos dudit testament ou contract, et signé desdits deux notaires, le nom de celui, ès livres duquel aura esté enregistré ledit contract ou testament, pour y avoir recours quand mestier sera.

Art. 176 -Et ne pourront lesdits notaires, sous ombre dudit registre, livre ou protocolle, prendre plus grand salaire pour le passement desdits contrats, réception desdits testamens ; bien seront-ils payés de l’extrait de leursdits livres, si aucun en étoit fait en après par eux, auxquels lesdits contrats appartiennent, ou auxquels ils auroient été ordonnés par autorité de justice.

Art. 177 – Et défendons à tous notaires et tabellions, de ne monstrer ni communiquer leursdits registres, livres et protocoles, fors aux contractans, leurs héritiers et successeurs, ou à autres ausquels le droict desdits contracts appartiendroit notoirement, ou qu’il fust ordonné par justice.

Art. 178 – Et que depuis qu’ils auront une fois délivré à chacune des parties, la grosse des testamens et contracts, il ne la pourront bailler, sinon qu’il soit ordonné par justice, parties ouyés.

Art. 179 – Le tout de ce que dessus, sur peine de privation de leurs offices, laquelle nous avons dès-à-présent déclaré et déclarons par cesdites présentes, ès cas dessusdits, et à chacun d’eux et des dommages et intérests des parties : et outre d’estre punis comme faussaires, quant à ceux qu’il apparoistroit y avoir délinqué par dol évident, et manifeste calomnie, dont nous voulons estre diligemment enquis par tous nos juges et chacun d’eux, si comme à lui appartiendra, sur peine de s’en prendre à leurs personnes.

Art. 180 – Nous défendons à tous notaires, de quelque jurisdiction q’ils soient, de ne recevoir aucuns contracts d’héritages, soit de venditions, échanges, ou donations, ou autres, sans estre déclaré par les contractans en quel fief ou censives sont les choses cédées et transportées, et de quelles charges elles sont chargées envers les seigneurs féodaux ou censuels, et ce sur peine de privation de leurs offices quant aux notaires, et de la nulltié des contracts quant aux contractans, lesquelles déclarons à présent, comme dès-lors, au cas dessusdits.

Art. 181 – Et défendons à tous contractans en matières d’héritages, de ne faire scientement aucune faute sur le rapport ou déclaration desdites tenues féodales ou censuelles qui seront apposées en leurs contracts, sur peine de privation de l’émolument desdits contracts contre les coupables : c’est à sçavoir contre le vendeur de la privation du prix, et contre l’acheteur, de la chose transportée : le tout appliquable à nous quant aux choses tenues de nous, et aux autres seigneurs, de ce qu’il en serait tenu d’eux.

Art. 182 – Que les taxations de despens et jugements de défaux, ne se feront d’oresnavant par les greffiers, mais par les conseillers et autres juges ordinaires, ou délégués, ausquels la cognoissance en appartient.

Art. 183 – Que par manière de provision, et jusques à ce qu’autrement en ait esté ordonné, le salaire des sergens royaux, taxé par nos ordonnances à douze sols parisis, sera augmenté de quatre sols parisis, qui font seize sols parisis par jour.

Art. 184 – Et où ils prendront aucune chose davantage, nous les déclarons dès à présent privés de leurs offices et subjets à punition corporelle, encore qu’il leur fust volontairement offert par les parties, ausquelles néantmoins défendons de non le faire, sur peine d’amende arbitraire.

Art. 185 – Que suivant nos anciennes ordonnances et arrests de nos cours souveraines, seront abattues, interdites, et défendons toutes confrairies de gens de mestier et artisans par-tout notre royaume.

Art. 186 – Et ne s’entremettront, lesdits artisans et gens de mestier, sur peine de punition corporelle, ains seront tenus dedans deux mois après la publication de ces présentes, faire en chacune de nosdites villes, apporter et mettre pardevers nos juges ordinaires des lieux, toutes choses servans, et qui auroient esté députées et destinées pour le fait desdites confrairies, pour en estre ordonné, ainsi que verront estre à faire.

Art. 187 – Et à fante d’avoir faict dedans ledit temps, seront tous les maistres du mestier constitués prisonniers, et jusques à ce qu’ils auront obéi, et néantmoins condamnés en grosses amendes envers nous, pour n’y avoir satisfaict dedans le temps dessusdict.

Art. 188 – Et pour passer les maistres desdits mestiers, ne se feront aucunes disnées, banquets, ni convis, ni autres despens quelconques, encore qu’on le vousist faire volontairement, sur peine de cent sols parisis d’amende, à prendre sur chacun qui auroit assisté audict disner ou banquet.

Art. 189 – Et sans faire autre despense, ne prendre aucun salaire par les maistres du mestier, voulons qu’ils soient tenus recevoir à maistrise icelui qui les requerra incontinent après qu’il aura bien et duement fait son chef-d’oeuvre, et qu’il leur sera apparu qu’il est suffisant.

Art. 190 – Lequel toutesfois nous déclarons inhabile et incapable de la maistrise, au cas qu’il auroit fait autre despense que celle de son chef-d’oeuvre pour parvenir à ladite maistrise, et l’en voulons estre privé et débouté par nos juges ordinaires des lieux ausquel la cognoissance en appartient.

Art. 191 – Nous défendons à tous lesdits maîtres, ensemble aux compagnons et serviteurs de tous mestiers, de ne faire aucunes congrégations ou assemblées grandes ou petites, et pour quelque cause ou occasion que ce soit, ni faire aucunes monopoles, et n’avoir ou prendre aucune intelligence les uns avec les autres du fait de leur mestier, sur peine de confiscation de corps et de biens.

Art. 192 – Et enjoignons à tous nos officiers de faire bien et estroitement garder ce que dessus contre lesdits maistres et compagnons, sur peine de privation de leurs offices.

Si donnons en mandement par cesdites présentes, à nos amés et féaux les gens de nos cours de parlement à Paris, Tholose, Bordeaux, Dijon, Rouen, Dauphiné et Provence, nos justiciers, officiers et tous autres qu’il appartiendra ; que nosdictes présentes ordonnances ils fassent lire, publier et enregistrer : icelles gardent entretiennent et observent, facent garder, entretenir et observer de point en point selon leur forme et teneur, sans faire ne souffrir aucune chose estre faicte au contraire : car tel est nostre plaisir.

Donné à Villiers-Cotterets au mois d’aoust, l’an 1539, et de nostre règne, le 25.

François.

A costé, Visa.

Et au-dessous, par le roi, Breton.

Et scellé du grand scel du roi, en cire verte, pendant à laqs de soye

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 10 juillet, 2014 |Pas de commentaires »

Respectons nos Ainés !

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Vidéo pour l’Humanité  :

 

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 18 novembre, 2010 |Pas de commentaires »

Devenir et être chevalier

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Devenir et être chevalier

Danielle Quéruel



Issu en général d’un lignage noble, mais parfois de naissance modeste, accepté par sa seule valeur, le chevalier doit mériter son intégration dans la communauté qui entoure le roi. Devenir chevalier et rencontrer le roi qui fait les chevaliers est le rêve qui habite le personnage de Perceval le Gallois, dans le Conte du Graal, à partir du moment où il a vu apparaître devant ses yeux éblouis les armures étincelantes des chevaliers qui sortent des profondeurs du bois où il chasse. Grâce à l’enseignement que lui donne le « preudomme », Gornemant de Goort, il va découvrir que la chevalerie ne se réduit pas à ces apparences brillantes et apprend non seulement le maniement des armes, mais aussi les obligations du chevalier : le respect de la vie de l’adversaire, l’utilisation raisonnable de la force qui doit servir la justice et le droit, l’aide à apporter aux dames, aux faibles et aux victimes, la fréquentation des églises et le salut de son âme. Perceval est alors adoubé et reçoit l’ordre de chevalerie, « l’ordre le plus élevé que Dieu ait établi et inspiré » qui « ne souffre aucune bassesse » [vv.1636-38]. La dernière étape que le chevalier doit parcourir est la découverte progressive de la charité, de l’ouverture aux autres et de la foi. Loin de n’être qu’un ordre militaire, la chevalerie est présentée comme l’aspiration aux plus hautes missions humaines.
 
Au cours du XIIIe siècle, sous l’influence grandissante de l’église et en particulier des ordres religieux, l’éthique chevaleresque se fait de plus en plus exigeante : le chevalier doit exclusivement mettre sa force et ses capacités guerrières au service de la foi et de la chrétienté. Y a-t-il ici la volonté de canaliser les forces vives d’une jeunesse souvent turbulente et brutale, qui aime se battre, qui cherche à s’enrichir dans les tournois et qui n’hésite pas à faire couler le sang dans des combats exclusivement mondains ? Il est probable aussi que le souvenir des croisades de la fin du XIIe siècle en particulier de la troisième croisade qui, pour venger la prise de Jérusalem par Saladin, vit partir outremer le roi Philippe-Auguste et la chevalerie de France, a fait réfléchir sur le rôle que devait jouer l’élite militaire du pays. Quant aux clercs qui écrivent au XIIIe siècle les suites romanesques de l’histoire arthurienne comme la Queste du Graal ou le Lancelot en prose, ils sont issus d’un milieu religieux et ont contribué à la christianisation de l’idéal chevaleresque.
 


Le soldat de Dieu

L’un des développements les plus complets sur les droits et les devoirs du chevalier se trouve dans le Lancelot en prose. La définition de la chevalerie donnée par la Dame du Lac au jeune Lancelot, âgé de dix-huit ans, se situe au moment où il va la quitter pour rejoindre la cour du roi Arthur.
 

Au commencement, quand l’ordre de chevalerie fut établi, on imposa à celui qui voulait devenir chevalier, et qui en avait reçu le don par droit d’élection, d’être courtois sans vilénie, magnanime sans félonie, hardi sans couardise, rempli de compassion à l’égard des malheureux, généreux et tout prêt à secourir ceux qui étaient dans le besoin, tout prêt aussi à confondre les bandits et les tueurs, juge impartial sans sympathie ni antipathie : sans sympathie qui le pousse à aider le parti en tort pour causer du mal au parti en droit, sans antipathie qui le fasse nuire à ceux qui ont raison pour favoriser ceux qui ont eu tort. Un chevalier ne doit pas faire par peur de la mort quelque chose qui puisse lui être imputé à déshonneur, mais il doit davantage redouter la honte que la mort. Les chevaliers ont été établis, fondamentalement, pour protéger la sainte Eglise, car elle ne doit pas se défendre par les armes, ni rendre le mal pour le mal : le chevalier a la tâche de protéger celui qui tend la joue gauche quand on l’a frappé sur la joie droite.

 Lancelot en prose, vers 1220-1230

 
La chevalerie n’est pas un privilège dû à la naissance et l’ordre a été créé pour protéger les faibles et assurer la justice et la paix. Le chevalier est devenu le bras de Dieu. Et la Dame du Lac ajoute :
 

Le chevalier doit être le seigneur du peuple et le soldat de Dieu, puisque son devoir est de protéger, défendre et soutenir la sainte Eglise.

 Lancelot en prose, vers 1220-1230

 
Ce discours nouveau, qui cherche à christianiser l’ordre profane de la chevalerie en le mettant au service de l’Eglise, fait écho aux discussions du XIIIe siècle sur l’articulation entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel. Ecrits sous l’influence cistercienne, ces préceptes ne pouvaient qu’être favorables à une Eglise qui s’impose comme puissance hégémonique de l’Occident.
Cependant les chevaliers arthuriens, tout en cherchant à atteindre cet idéal, ont leurs faiblesses et leurs limites. Ils ne pourront jamais complètement répondre à ces hautes exigences. C’est pourquoi les clercs du XIIIe siècle ont inventé le personnage de Galaad, le fils de Lancelot, seul parmi tous les chevaliers arthuriens à correspondre à la définition donnée.
 

De la chevalerie terrestre à la chevalerie célestielle


La littérature propose au XIIIe siècle un mythe de la chevalerie qui privilégie le salut individuel et l’oubli des valeurs terrestres. Le roi et sa cour n’occupent plus le centre des récits. Les chevaliers, même ceux de la Table ronde, n’ont plus comme priorité de rester auprès du roi Arthur. L’aventure suprême se présente à eux : la conquête de la royauté du Graal. Pourtant réputé pour sa valeur, Gauvain qui, dans les romans de Chrétien de Troyes, est la « fleur de chevalerie », demeure trop attaché aux valeurs mondaines et à la gloire. Lancelot, valeureux lui aussi, a aimé la reine Guenièvre et cela le disqualifie de la quête. La chevalerie terrestre représentée par ces chevaliers est condamnée au profit de ceux qui représentent la chevalerie célestielle. Trois chevaliers seulement parviennent à franchir un certain nombre d‘épreuves et à rejoindre Sarras : Bohort, Perceval et Galaad. Bohort est l’un des meilleurs chevaliers de la Table ronde ; célibataire, capable d’abstinence, il est généreux et en toutes circonstances il fait son devoir, aide les dames et répond à toutes les exigences de l’idéal chevaleresque. Il est le seul à revenir vivant à Camelot pour témoigner de ce qu’il a vu à Sarras. Perceval non plus ne peut arriver jusqu’au Graal. Bien qu’il ait parcouru toutes les étapes de l’intégration chevaleresque, il ne peut accéder à cette suprême aventure à cause du péché qu’il a commis en oubliant sa mère ou peut-être de sa rencontre avec Blanchefleur. S’il avait achevé le Conte du Graal, Chrétien de Troyes lui aurait-il permis d’accéder aux valeurs de la plus haute chevalerie célestielle et aux mystères du château du Roi-Pêcheur ? Les auteurs des Continuations en vers – Wauchier de Denain, Gerbert de Montreuil ou Manessier – insistent sur l’importance de la confession pour retrouver la pureté de l’âme et sur l’aspiration au divin qui dirige le héros vers la sainteté. Mais les grands cycles romanesques en prose composés au XIIIe siècle vont remplacer Perceval par Galaad, le fils de Lancelot. Valeureux, il demeure cependant étranger à l’univers arthurien. Dégagé des contingences terrestres, il ne combat pas des adversaires humains, mais des démons ou des allégories du péché. Il est le seul parmi tous les chevaliers à s’asseoir sur le Siège Périlleux, guérir le roi Mehaigné et voir le Graal. Emporté au ciel, il est alors, non plus un chevalier, mais une figure christique.
Selon Dominique Boutet : « L’assomption célestielle de la chevalerie arthurienne s’accomplit dans l’oubli de ce symbole terrien qu’est le royaume. » (Charlemagne et Arthur ou le roi imaginaire)

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 7 mars, 2009 |5 Commentaires »

La Chevalerie selon Marc Bloch (1886-1944)

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La chevalerie 

  

I. L’adoubemen

  

p.435 A partir de la seconde moitié du XIe siècle, divers textes, qui bientôt vont se multipliant, commencent à mentionner qu’ici ou là une cérémonie a eu lieu, destinée, disent‑ils, à « faire un chevalier ». Le rituel en est à plusieurs actes. Au postulant, généralement à peine sorti de l’adolescence, un chevalier plus ancien remet d’abord les armes significatives de son futur état. Notamment, il le ceint de l’épée. Puis vient, presque toujours, un grand coup que, du plat de la main, ce parrain assène sur la nuque ou la joue du garçon : la « paumée » ou « colée » des documents français. Épreuve de force ? Ou bien, comme le pensèrent, dès le moyen âge, certains interprètes un peu tardifs, mode de fixation du souvenir, qui, au jeune homme, devra, selon le mot de Raimon Lull, rappeler, sa vie durant, la « promesse » ? De fait, les poèmes montrent volontiers le héros appliqué à ne point plier sous cette rude gifle, la seule, observe un chroniqueur, qu’un chevalier doive jamais recevoir, sans la rendre (279). Nous le savons, d’autre part, le soufflet était, dans les mœurs juridiques du temps, un des procédés de commémoration le plus fréquemment infligés aux témoins des actes de droit — plutôt, en vérité, qu’à leurs participants. Mais de ce geste, originellement conçu comme si essentiel à la cérémonie que celle‑ci, tout entière, en prit son nom habituel d’ »  adoubement », (d’un vieux verbe germanique qui voulait dire : frapper), le sens premier p.436 était, semble‑t‑il, bien différent et beaucoup moins purement rationnel. Le contact ainsi établi entre la main de l’adoubeur et le corps de l’adoubé transmettait de l’un à l’autre une sorte d’influx : tout comme cet autre soufflet, que l’évêque donne au clerc qu’il consacre prêtre. Une manifestation sportive, enfin, terminait souvent la fête. Le nouveau chevalier s’élance à cheval et va, d’un coup de lance, transpercer ou abattre une panoplie fixée à un pieu : la « quintaine ». 

Par ses origines et par sa nature, l’adoubement se rattache visiblement à ces cérémonies d’initiation dont les sociétés primitives, comme celles du monde antique, fournissent tant d’exemples — pratiques qui, sous des formes diverses, ont toutes pour objet commun de faire passer le jeune garçon au rang de membre parfait du groupe, dont jusque‑là son âge l’avait exclu. Chez les Germains, elles étaient à l’image d’une civilisation guerrière. Sans préjudice peut‑être d’autres traits — tels que la coupe des cheveux, qui parfois se retrouvera plus tard, en Angleterre, unie à l’adoubement chevaleresque —, elles consistaient essentiellement en une remise des armes, que Tacite a décrite et dont la persistance, à l’époque des invasions, est attestée par quelques textes. Entre le rituel germanique et le rituel de la chevalerie, la continuité n’est pas douteuse. Mais, en changeant d’ambiance, l’acte avait également changé de sens humain. 

Chez les Germains, tous les hommes libres étaient des guerriers. Il ne s’en trouvait aucun, par suite, qui n’eût droit à l’initiation par les armes : du moins, là où la tradition du peuple imposait cette pratique, dont nous ignorons si elle était partout répandue. Par contre, une des caractéristiques de la société féodale fut, comme l’on sait, la formation d’un groupe de combattants professionnels, constitué avant tout par les vassaux militaires et leurs chefs. A ces soldats par excellence devait naturellement se restreindre l’application de l’antique cérémonie. Celle‑ci, à vrai dire, risquait de perdre dans ce transfert tout substrat social tant soit peu fixe. Elle avait servi de rite d’accès au peuple. Or le peuple, au sens ancien — la petite cité des hommes libres — n’existait plus. Elle commençait à servir de rite d’accès à une classe. Mais cette classe manquait encore de p.437 tous contours précis. Il arriva que, par endroits, l’usage disparut : tel semble avoir été le cas chez les Anglo‑Saxons. Dans les pays qu’avait marqués la coutume franque, il se maintint, au contraire ; mais sans être, pendant longtemps, d’un emploi bien général, ni, à aucun degré, obligatoire. 

Puis, à mesure que les milieux chevaleresques prenaient une conscience plus nette de ce qui les séparait de la masse « sans armes » et les élevait au‑dessus d’elle, le besoin se fit sentir plus impérieusement de sanctionner, au moyen d’un acte formaliste, l’entrée dans la collectivité ainsi définie : soit que le nouvel admis fût un jeune garçon qui, né parmi les « nobles », obtenait d’être accepté dans la société des adultes ; soit qu’il s’agit, beaucoup plus rarement, de quelque heureux parvenu qu’une puissance récemment acquise, sa force ou son adresse semblaient égaler aux membres des anciens lignages. Dès la fin du XIe siècle, en Normandie, dire du fils d’un grand vassal : « il n’est pas chevalier » équivalait à le supposer encore enfant ou adolescent (280). Assurément, le souci de signifier ainsi, par un geste sensible aux yeux, tout changement d’état juridique comme tout contrat répondait à des tendances caractéristiques de la société médiévale : témoin, le rituel, souvent si pittoresque, de l’accession aux corps de métier. Encore fallait‑il, cependant, pour imposer ce formalisme, que le changement d’état fût clairement perçu comme tel. C’est pourquoi la généralisation de l’adoubement se présenta vraiment comme le symptôme d’une modification profonde dans la notion de chevalerie. 

Durant le premier âge féodal, ce qu’on avait entendu par le terme de chevalier était, avant tout, tantôt une situation de fait, tantôt un lien de droit, mais purement personnel. On se disait chevalier parce qu’on combattait à cheval, avec l’équipement complet. On se disait le chevalier de quelqu’un lorsqu’on tenait de ce personnage un fief, qui obligeait à le servir ainsi armé. Or, voici que, maintenant, ni la possession d’un fief, ni le critère, forcément un peu flottant, du genre de vie ne vont plus suffire à mériter ce nom. Il y faudra, en outre, une sorte de consécration. La transformation était accomplie vers le milieu du XIIe siècle. p.438 Un tour de langage usité dès avant 1100 aidera à en saisir la portée. On ne « fait » pas seulement un chevalier. On l’ »  ordonne » tel. Ainsi s’exprime, par exemple, en 1098, le comte de Ponthieu, qui s’apprête à armer le futur Louis VI (281). L’ensemble des chevaliers adoubés constitue un « ordre » : ordo. Mots savants, mots d’Église, mais que l’on trouve, dès le début, dans des bouches laïques. Ils ne prétendaient nullement, du moins dans leur premier emploi, suggérer une assimilation avec les ordres sacrés. Dans le vocabulaire que les écrivains chrétiens avaient emprunté à l’Antiquité romaine, un ordo était une division de la société, temporelle aussi bien qu’ecclésiastique. Mais une division régulière, nettement délimitée, conforme au plan divin. Une institution, en vérité. Non plus seulement une réalité toute nue. 

Comment, cependant, dans une société habituée à vivre sous le signe du surnaturel, le rite, d’abord purement profane, de la remise des armes, n’aurait‑il pas reçu une empreinte sacrée ? Deux usages, l’un et l’autre fort anciens, servirent de point de départ à l’intervention de l’Église. 

D’abord, la bénédiction de l’épée. Elle n’avait originellement rien eu de particulier à l’adoubement. Tout ce qui était au service de l’homme semblait alors mériter d’être mis ainsi à l’abri des pièges du Démon. Le paysan faisait bénir ses récoltes, son troupeau, son puits ; le nouveau marié, le lit nuptial ; le pèlerin, son bâton de voyage. Le guerrier, naturellement, agissait de même pour les outils propres à sa profession. Le vieux droit lombard ne connaissait‑il pas déjà le serment « sur les armes consacrées » (282) ? Mais, plus que toutes autres, celles dont le jeune guerrier se parait pour la première fois semblaient appeler une pareille sanctification. Un rite de contact en était le trait essentiel. Le futur chevalier déposait un moment son glaive sur l’autel. Des prières accompagnaient ou suivaient ce geste. Inspirées du schéma général de la bénédiction, on les voit cependant, de bonne heure, se produire sous une forme spécialement appropriée à une première vêture. Telles, elles apparaissent déjà, peu après 950, dans un pontifical rédigé dans l’abbaye de Saint‑Alban de Mayence. Fait sans doute, pour une bonne part, d’emprunts à des sources plus anciennes, ce p.439 recueil se propagea rapidement dans toute l’Allemagne, la France du Nord, l’Angleterre et jusqu’à Rome même, où il fut imposé par l’influence de la cour ottonienne. Il répandit au loin le modèle de la bénédiction de l’épée « nouvellement ceinte ». Entendons bien, d’ailleurs, que cette consécration ne constituait alors dans la solennité qu’une sorte de préface. L’adoubement se déroulait ensuite selon ses formes particulières. 

La encore, pourtant, l’Église pouvait tenir son rôle. Le soin d’armer l’adolescent n’avait pu appartenir, originellement, qu’à un chevalier déjà confirmé dans ce titre : son père, par exemple, ou son seigneur. Mais il arriva aussi qu’on le confiât à un prélat. Dès 846, le pape Serge avait passé le baudrier au Carolingien Louis II. De même, Guillaume le Conquérant fit plus tard adouber un de ses fils par l’archevêque de Canterbury. Sans doute l’honneur ainsi rendu allait‑il moins au prêtre qu’au prince de l’Église, chef de nombreux vassaux. Un pape ou un évêque, cependant pouvaient‑ils renoncer à s’entourer d’une pompe religieuse ? La liturgie, par là, était comme invitée à imprégner la cérémonie tout entière. 

C’était chose faite au XIe siècle. Un pontifical de Besançon, qui fut établi en ce temps, ne contient, il est vrai, que deux bénédictions de l’épée, l’une et l’autre fort simples. Mais de la seconde il ressort clairement que l’officiant était supposé remettre lui-même l’arme. Cependant, pour trouver un véritable rituel religieux de l’adoubement, c’est plus au nord qu’il faut regarder, vers ces pays d’entre Seine et Meuse qui furent l’authentique berceau de la plupart des institutions proprement féodales. Notre plus ancien témoin est ici un pontifical de la province de Reims, compilé, vers le début du siècle, par un clerc qui, tout en s’inspirant du recueil mayençais, n’en puisait pas moins abondamment dans les usages locaux. La liturgie comporte, avec une bénédiction de l’épée, qui reproduit celle de l’original rhénan, des prières, de même sens, applicables aux autres armes ou insignes : bannière, lance, bouclier, à la seule exception des éperons dont la remise sera jusqu’au bout réservée à des mains laïques. Vient ensuite une bénédiction du futur p.440 chevalier lui-même. Enfin, la mention expresse que l’épée sera ceinte par l’évêque. Puis, après une lacune de près de deux siècles, le cérémonial apparaît pleinement développé, en France encore, dans le Pontifical de l’évêque de Mende, Guillaume Durant, rédigé vers 1295, mais dont les éléments essentiels datent vraisemblablement du règne de saint Louis. Ici le rôle consécrateur du prélat est poussé aux dernières limites. Il ne ceint plus seulement le glaive ; il donne aussi la paumée ; il « marque », dit le texte, le postulant « du caractère chevaleresque ». Passé au XIVe siècle dans le Pontifical Romain, ce schéma, d’origine française, devait devenir le rite officiel de la chrétienté. Quant aux pratiques accessoires — le bain purificateur, imité de celui des catéchumènes, la veillée des armes —, elles ne semblent pas s’être introduites avant le XIIe siècle ni avoir jamais été autre chose qu’exceptionnelles. Aussi bien, la veillée n’était‑elle pas toujours vouée entièrement à de pieuses méditations. A en croire un poème de Beaumanoir, il arrivait qu’elle se fît, profanement, au son des vielles (283)

Ne nous y trompons pas — aucun de ces gestes religieux ne fut jamais indispensable à l’acte. Les circonstances, d’ailleurs, en eussent assez souvent empêché l’accomplissement. Ne fit‑on pas, de tout temps, des chevaliers sur le champ de bataille, avant ou après le combat ? Témoin encore, après Marignan, la colée que — de l’épée, selon l’usage du moyen âge finissant — Bayard donna à son roi. En 1213, Simon de Montfort avait entouré d’un pieux éclat, digne d’un héros croisé, l’adoubement de son fils, que deux évêques, au chant du Veni Creator, armèrent chevalier pour le service du Christ. Au moine Pierre des Vaux‑de‑Cernay, qui y assista, cette solennité arrache un cri caractéristique : « O nouvelle mode de chevalerie ! Mode jusque‑là inouïe. » Plus modeste, la bénédiction de l’épée elle‑même, au témoignage de Jean de Salisbury (284), n’était pas générale vers le milieu du XIIe siècle. Elle semble cependant avoir été alors très répandue. L’Église, en un mot, avait cherché à transformer l’antique remise des armes en un « sacrement » — le mot, qui se rencontre sous la plume de clercs, n’avait rien de choquant à une époque où, la théologie étant encore p.441 bien loin de la rigidité scolastique, on continuait volontiers à confondre sous ce nom toute espèce d’acte de consécration. Elle n’y avait pas réussi pleinement. Mais elle s’était du moins taillé une part, ici plus large, là plus restreinte. Ses efforts, en marquant l’importance qu’elle attachait au rite d’ordination, contribuèrent grandement à aviver le sentiment que la chevalerie était une société d’initiés. Et, comme à toute institution chrétienne il fallait la sanction de fastes légendaires, l’hagiographie vint à la rescousse. « Quand on lit, à la messe, les épîtres de saint Paul », dit un liturgiste, « les chevaliers restent debout, pour l’honorer, car il fut chevalier (285). » 

  

II. Le code chevaleresque 

  

Cependant, une fois entré en scène, l’élément religieux ne borna point ses effets à fortifier, dans le monde chevaleresque, l’esprit de corps. Il exerça également une puissante action sur la loi morale du groupe. Avant que le futur chevalier ne reprît son épée sur l’autel, un serment lui était ordinairement demandé, qui précisait ses obligations (286). Tous les adoubés ne le prêtaient point, puisqu’ils ne faisaient pas tous bénir leurs armes. Mais, avec Jean de Salisbury, les écrivains d’Église estimaient volontiers que, par une sorte de quasi-contrat, ceux‑là même qui ne l’avaient point prononcé des lèvres s’y étaient « tacitement » soumis, par le seul fait d’avoir accepté la chevalerie. Peu à peu les règles ainsi formulées pénétrèrent dans d’autres textes : d’abord, dans les prières, souvent fort belles, qui scandaient le déroulement de la cérémonie ; plus tard, avec d’inévitables variantes, dans divers écrits en langue profane. Tel, peu après 1180, un passage célèbre du Perceval de Chrétien de Troyes. Puis ce sont, au siècle suivant, quelques pages du roman en prose de Lancelot ; dans le Minnesang allemand, une pièce du « Meissner » ; enfin et surtout, le petit poème didactique français intitulé L’Ordene de Chevalerie. Cet opuscule eut un vif succès. Bientôt paraphrasé en une « couronne » de sonnets italiens, imité, en Catalogne, par Raimon Lull, il ouvrit la voie à la foisonnante littérature qui, p.442 durant les derniers siècles du moyen âge, devait épuiser jusqu’à la lie l’exégèse symbolique de l’adoubement et, par ses outrances, dénoncer, avec la décadence d’une institution passée du droit à l’étiquette, l’affadissement de l’idéal même qu’on affectait de faire sonner si haut. 

Dans sa fraîcheur, pourtant, cet idéal n’avait pas été sans vie. Il se superposait aux règles de conduite dès auparavant dégagées par la spontanéité des consciences de classe : code de fidélité des vassaux — la transition apparaît clairement, vers la fin du XIe siècle, dans le Livre de la Vie Chrétienne de l’évêque Bonizon de Sutri, pour qui le chevalier, visiblement, est encore, avant tout, un vassal fieffé ; — surtout code de classe des gens nobles et « courtois ». A ces morales mondaines, le nouveau décalogue emprunta les principes les plus acceptables à une pensée religieuse : largesse, poursuite de la gloire, le « los » ; mépris du repos, de la souffrance et de la mort — « celui-là », dit le poète allemand Thomasin, « ne veut pas faire métier de chevalier qui ne veut vivre que doucement » (287). Mais c’était en colorant ces normes mêmes de teintes chrétiennes ; et, plus encore, en nettoyant le bagage traditionnel des éléments de nature très profane qui y avaient tenu et, en pratique, continuaient d’y tenir une si large place : ces scories qui, sur les lèvres de tant de rigoristes, depuis saint Anselme jusqu’à saint Bernard, avaient amené le vieux jeu de mots, tout gonflé du mépris du clerc pour le siècle non militia, sed malitia (288). « Chevalerie égale méchanceté » après l’annexion définitive, par l’Église, des vertus chevaleresques, quel écrivain désormais eût osé répéter cette équation ? Enfin aux préceptes anciens, ainsi épurés, d’autres étaient venus s’ajouter, qui portaient l’empreinte de préoccupations exclusivement spirituelles. 

Du chevalier, clercs et lais s’accordent donc à exiger cette piété, sans laquelle Philippe Auguste lui-même estimait qu’il n’était point de vrai « prudhomme ». Il doit aller à la messe, « tous les jours » ou, du moins, « volontiers » ; il doit jeûner le vendredi. Cependant ce héros chrétien demeure, par nature, un guerrier. De la bénédiction des armes, n’attendait‑on pas avant tout qu’elle les rendît efficaces ? Les prières expriment clairement cette croyance. Mais l’épée, p.443 ainsi consacrée — si nul ne songe à interdire de la tirer, au besoin, contre des ennemis personnels ou ceux d’un maître — le chevalier l’a reçue, avant tout, pour la mettre au service des bonnes causes. Déjà les vieilles bénédictions du Xe siècle finissant mettent l’accent sur ce thème, que développent largement les liturgies postérieures. Ainsi une discrimination, d’intérêt capital, s’introduisait dans le vieil idéal de la guerre pour la guerre, ou, pour le gain. Avec ce glaive, l’adoubé défendra la Sainte Église, particulièrement contre les païens. Il protégera la veuve, l’orphelin, le pauvre. Il poursuivra les malfaiteurs. A ces préceptes généraux, les textes laïques joignent volontiers quelques recommandations plus spéciales qui touchent la conduite au combat : ne point tuer le vaincu sans défense ; — la pratique des tribunaux et de la vie publique : ne point participer à un faux jugement ou une trahison ; si on ne peut les empêcher, ajoute modestement l’Ordene de Chevalerie, quitter la place ; — enfin les incidents de la vie quotidienne : ne pas donner de mauvais conseils à une dame ; aider, « si l’on peut », son prochain dans l’embarras. 

Que, tissée de beaucoup de ruses et de violences, la réalité fût loin de répondre toujours à ces aspirations, comment s’en étonner ? Inclinera‑t‑on, d’autre part, à observer que du point de vue, soit d’une morale d’inspiration « sociale », soit d’un code plus purement chrétien, une pareille table des valeurs peut sembler un peu courte ? Ce serait se laisser aller à juger, là où l’historien a pour seul devoir de comprendre. Il est plus important de noter qu’en passant des théoriciens ou liturgistes d’Église aux vulgarisateurs laïques, la liste des vertus chevaleresques paraît bien avoir souvent subi un assez inquiétant amenuisement. « Le plus haut ordre que Dieu ait fait et commandé, c’est l’ordre de chevalerie », dit, avec son ampleur coutumière, Chrétien de Troyes. Mais il faut avouer qu’après ce préambule sonore les enseignements que son prudhomme donne au jeune garçon par lui armé paraissent d’une déconcertante maigreur. Peut‑être, à vrai dire, Chrétien représente‑t‑il plutôt la « courtoisie » des grandes cours princières du XIIe siècle que la « prudhommie », pénétrée de souffles religieux, comme, au siècle suivant, on l’entendait autour de Louis IX. Ce p.444 n’est pas hasard sans doute si l’époque et le milieu mêmes où vécut ce saint adoubé ont donné naissance à la noble prière qui, recueillie dans le Pontifical de Guillaume Durant, nous offre comme le commentaire liturgique des chevaliers de pierre, dressés par les imagiers au portail de Chartres ou au revers de la façade de Reims : « Seigneur très saint, Père tout Puissant… toi qui as permis, sur terre, l’emploi du glaive pour réprimer la malice des méchants et défendre la justice ; qui, pour la protection du peuple as voulu instituer l’ordre de chevalerie… fais, en disposant son cœur au bien, que ton serviteur que voici n’use jamais de ce glaive ou d’un autre pour léser injustement personne ; mais qu’il s’en serve toujours pour défendre le Juste et le Droit. » 

Ainsi l’Église, en lui assignant une tâche idéale, achevait de légitimer l’existence de cet « ordre » des guerriers qui, conçu comme une des divisions nécessaires d’une société bien policée, s’identifiait de plus en plus avec la collectivité des chevaliers adoubés : « O Dieu, qui après la chute, as constitué dans la nature entière trois degrés parmi les hommes », lit‑on dans une de ces prières de la liturgie bisontine. C’était en même temps fournir à cette classe la justification d’une suprématie sociale, dès longtemps ressentie en fait. Des chevaliers, le très orthodoxe Ordene de Chevalerie ne dit‑il pas qu’il convient de les honorer par‑dessus tous les autres hommes, prêtre excepté ? Plus crûment, le roman de Lancelot, après avoir exposé comment ils furent institués « pour garantir les faibles et les paisibles », ne poursuit‑il pas, conformément au goût du signe, familier à toute cette littérature, en montrant dans les chevaux qu’ils montent le propre symbole du « peuple » qu’ils tiennent « en droite subjection » ? « Car dessus le peuple doit seoir le chevalier. Et de même qu’on point le cheval et que celui qui dessus sied le mène où il veut, de même le chevalier doit mener le peuple à son vouloir. » Plus tard, Raimon Lull ne croira pas heurter le sentiment chrétien en déclarant conforme au bon ordre que le chevalier « tire son bien‑être » des choses que lui procurent « la fatigue et la peine » de ses hommes (289). État d’esprit nobiliaire, s’il en fut, éminemment favorable à l’éclosion de la noblesse la plus stricte. 

 http://classiques.uqac.ca/classiques/bloch_marc/societe_feodale/bloch_societe_feodale.rtf 

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 12 décembre, 2008 |Pas de commentaires »

Le Moyen Âge au féminin

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  Le Moyen Âge au féminin dans VALEURS DE FRANCE hab_dot hab_dot dans VALEURS DE FRANCE Le Moyen Âge au féminin


Marie Weigelt
Conférencière des Musées nationaux

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Si la société médiévale reste fondamentalement masculine, les femmes, dont l’image et la place évoluent, jouent un rôle essentiel dans le processus civilisateur.

« En ma folie, je me désespérais que Dieu m’ait fait naître dans un corps féminin. » Cette réflexion de Christine de Pizan (vers 1364-vers 1430) dans Le Livre de la Cité des Dames (1405) illustre à merveille l’ambiguïté ou l’ambivalence du statut féminin au Moyen Âge : si elle met bien au jour, quoique de manière allusive, l’état de dépendance et de soumission auquel furent généralement réduites les femmes, elle révèle en même temps une prise de conscience et une protestation qui témoignent, a contrario, d’une certaine autonomisation !

Une image contradictoire

Ève impure ou Vierge Notre-Dame, matrone ou dame des tournois… Dans les mentalités médiévales (mais c’est sans doute vrai de toute civilisation à toute époque), les images de la femme sont multiples et parfois contradictoires. Descendante d’Ève – cette figure de l’impureté et du péché responsable de l’expulsion du Paradis terrestre –, la femme est associée à la chair et au péché. Mais le XIIe siècle est aussi celui de l’essor du culte rendu à la Vierge Marie. Placée au-dessus de tous les saints, médiatrice de sagesse et de salut, Marie s’oppose à Ève, comme la virginité à la sensualité, l’esprit au corps, l’idéal au péché. À cela s’ajoute le fait que la plupart des œuvres d’art consacrées à la Vierge la représentent en compagnie de l’Enfant Jésus, ce qui contribue à identifier la femme à la mère.

La femme rachetée par la mère

Car la maternité est alors une étape essentielle dans la vie de toute femme. Si celle-ci ne peut rester chaste, elle se doit au moins de procréer, et de le faire dans la douleur, afin de racheter la faute d’Ève et, ce faisant, les péchés de l’humanité tout entière. Souvent au péril de sa vie. Le nombre de femmes qui meurent en couches est considérable, ce que résume une formule usitée au XIIe siècle : « Toute femme arrivée au moment des couches a d’ordinaire la mort à sa porte. » Contrairement à ce qu’on a pu croire à une certaine époque, le Moyen Âge a bien connu l’attachement maternel : la naissance d’un enfant réjouit tout le foyer (on comptait environ sept enfants par famille), et les indices archéologiques comme les œuvres d’art (celles qui sont consacrées à Marie, mais aussi à sa mère, sainte Anne) sont là pour témoigner de l’amour que la mère portait à ses enfants. C’est elle qui leur transmet les valeurs, leur fait la lecture (pour le milieu noble) et les instruit des rudiments de la religion, mais elle participe aussi à l’éducation des adolescentes et prépare la future jeune femme à l’entrée dans le monde des adultes, qui se fait généralement dès l’âge de 12 ans !

Le mariage : servitudes et libertés

Le temps du mariage suit ainsi aussitôt celui de l’enfance. Pour l’Église, le couple doit être consentant. Mais, dans la réalité, il s’agit davantage d’un contrat d’intérêts passé entre deux familles, et plus la jeune fille est de bonne condition, moins elle aura de liberté de choix. Clairement défini comme monogame et indissoluble, le mariage ne crée pas pour autant uniquement de l’oppression, même si le sentiment amoureux est rarement la condition première pour mener à bien une vie conjugale. Avant tout, dans la noblesse, la femme est la représentante de la position sociale du mari : elle est sa vitrine, mais aussi sa conseillère. Christine de Pizan, dans le Livre des Trois Vertus, précise même que l’épouse peut devenir le guide spirituel de l’homme pour son propre salut.
Pour devenir de bonnes épouses, les femmes de l’aristocratie peuvent s’instruire dans des manuels d’éducation, comme le Speculum dominarum (le miroir des dames) écrit par Durand de Champagne pour la reine Jeanne de Navarre, épouse de Philippe le Bel. Ces manuels témoignent de l’importance de la dame de la noblesse, vue comme un modèle de rigueur et de moralité pour toutes les femmes.
Aux XIVe et XVe siècles, certaines femmes possèdent des biens propres, bijoux, argent, etc. D’ailleurs, dans toute l’Europe, à la fin du Moyen Âge, les grandes familles pratiquent généralement la gestion séparée des biens de l’épouse et du mari. Toute femme peut disposer d’un personnel et d’appartements privés pour sa propre liberté d’action. Mais le couple se doit au moins de partager le lit conjugal.

La valeur émancipatrice du travail

Dans la bourgeoisie, si gouverner la maison reste sa principale activité, et si elle demeure soumise à son mari à qui elle doit respect, obéissance et fidélité, la femme n’en connaît pas moins une certaine promotion par le travail. En 1268, dans son Livre des métiers, Étienne Boileau, prévôt de Paris en 1261 sous Saint Louis, établissant la liste des métiers parisiens, nous apprend que, sur cent métiers, vingt-six sont ouverts aux femmes. Environ 1,5 % des médecins sont des femmes, même si elles n’ont pas accès à l’Université : l’indispensable sage-femme (la « ventrière ») apprend le métier par la pratique. En 1351, une ordonnance de Jean le Bon fixe pour les femmes, notamment dans l’artisanat, des salaires largement inférieurs à ceux des hommes : au XIVe siècle, une femme gagne par jour 12 deniers, un homme, 16 en hiver et 20 en été. Il n’en reste pas moins que le travail confère à la femme une certaine importance. En ville, elle exerce essentiellement des activités dans l’artisanat textile (peignage, cardage, filage), dans la cordonnerie, dans la vente ou dans les arts, comme Jehanne la Verrière qui réalisait des vitraux. À la campagne, elle s’occupe de la tonte des moutons, de la moisson, des vendanges, de la surveillance du troupeau, sans oublier le travail au jardin (« la terre natale des femmes » selon Abélard), très utile pour nourrir et soigner la famille. Ainsi Le Ménagier de Paris, ouvrage écrit par un anonyme parisien au XIVe siècle, est un véritable manuel d’éducation de la jeune femme, avec ses nombreuses recettes de cuisine, mais aussi ses « leçons » de bonne conduite.

La femme dans la vie publique

Dans l’aristocratie, certaines circonstances peuvent favoriser une forme d’émancipation féminine : veuve ou momentanément séparée de son mari, comme lors des croisades, la femme peut devenir chef de famille, et détentrice de seigneuries, de fiefs, voire de royaumes. Mais déjà au VIIe siècle, Bathilde, veuve de Clovis II, avait exercé le pouvoir au nom de son fils aîné, Clotaire III, avant de se retirer au monastère de Chelles. Et, en 1226, à la mort de son mari Louis VIII, la reine Blanche de Castille, mère de douze enfants, veuve à trente-huit ans, garde le royaume pour son fils Louis IX, futur Saint Louis.
Mais malgré ses capacités à gouverner, la femme ne peut accéder à la tête de l’État que pour une période transitoire : la loi salique l’éloigne en effet de la succession directe et du trône, à la différence d’autres pays occidentaux. Cela explique que l’iconographie médiévale présente surtout la femme de l’aristocratie durant le temps des loisirs : la danse (parfois jugée scandaleuse), la musique, les festins, les spectacles, et autres distractions. Cet amour du divertissement est chanté par le poète Eustache Deschamps : « Elles désirent les cités/les doux mots qu’on leur dit/les fêtes, les marchés et le théâtre/lieux de délices qui leur permettent de s’ébattre. »

La voie religieuse

À l’opposé, la religion offre aux femmes une autre voie possible de valorisation sociale, en leur permettant d’entrer dans les monastères, de créer des fondations, et parfois même de rendre compte par écrit de leur expérience. C’est le cas notamment d’Hildegarde de Bingen, la Prophétesse du Rhin, née à la fin du XIe siècle. Entrée à l’âge de 8 ans au service du Seigneur, devenue abbesse bénédictine de Disboden et de Rupertsberg, près de Mayence, elle ose prendre la parole, exposant son interprétation scientifique de l’univers dans des traités de médecine et de sciences naturelles et composant des œuvres religieuses où elle évoque ses visions mystiques (Le Livre des œuvres divines). Ses écrits circulent, ses lettres sont lues par les plus grands du royaume, tels Aliénor d’Aquitaine, des empereurs, des évêques.

Une reconnaissance littéraire

Dès le XIIe siècle apparaît la fin’amor, qui établit un nouveau type de relation amoureuse, faite de générosité et de sublimation du désir. La femme devient la domina, l’épouse du seigneur, et le vassal, son amant. À travers une construction de l’esprit assez complexe sont mises à l’honneur les prouesses chevaleresques pour la dame, suzeraine à laquelle est rendu un véritable culte. Si des jeux réels furent élaborés dans les cours d’amour, il faut garder à l’esprit que la fin’amor fut avant tout un jeu poétique, et la promotion féminine qu’il établissait demeura largement fictive. Il n’en reste pas moins que la fin’amor s’inscrit dans un contexte général où la femme – de l’aristocratie – joua un rôle important, comme commanditaire et destinataire (les romans de Chrétien de Troyes pour Aliénor d’Aquitaine), mais aussi comme auteur. Ainsi, dans la seconde moitié du XIIe siècle, Marie de France, première grande poétesse française, écrit ses Lais, nouvelles relatant des épreuves amoureuses.
Un siècle plus tard, Christine de Pizan, admirée par le roi Charles V en personne, fait des lettres son métier. Veuve à 25 ans, elle s’insurge contre la misogynie des propos du Roman de la Rose, le best-seller de l’époque, et développe une réflexion autour de la condition féminine. Dans son œuvre allégorique, Le Livre de la Cité des Dames, elle crée un royaume, Féménie, dirigé par Raison, Justice et Droiture. Dans la cité, de nobles dames peuvent se libérer par les loisirs, leurs conversations et l’écriture. Disposant d’un scriptorium avec artisans, Christine de Pizan livra même ses idées sur l’iconographie de ses manuscrits.

Mécènes et bienfaitrices

Quand elle n’écrit pas elle-même, la femme de l’aristocratie fait souvent écrire. La commande d’œuvres, notamment de manuscrits enluminés, est fréquente de la part des dames des XIVe et XVe siècles, désireuses de beauté et d’édification morale. Jeanne d’Évreux, reine de France, troisième femme de Charles IV, est connue pour son amour des livres. Elle commande au célèbre Jean Pucelle son Livre d’heures (certainement l’un des plus beaux de cette époque), ainsi que plusieurs objets précieux pour l’abbaye de Saint-Denis : deux statues de la Vierge, une châsse dite de la Sainte-Chapelle, une statue d’or de saint Jean et une couronne royale. Elle se préoccupe également de son vivant de l’exécution de son gisant pour son futur tombeau.
À la fin du XVe siècle, Anne de France, fille aînée de Louis XI, se lance, en accord avec son époux, le duc de Bourbon, Pierre II de Beaujeu, dans une politique de travaux d’art, avec un grand artiste, le Maître de Moulins. On peut encore citer les bienfaitrices de noble naissance comme la reine Jeanne de Bourgogne, femme de Philippe V le Long, qui, en 1319, patronne la fondation de l’hôpital Saint-Jacques-aux-Pèlerins, laquelle avait déjà reçu l’aide de sa propre mère, Mahaut d’Artois.

Une influence profonde

L’image du Moyen Âge, ces « temps obscurs » d’avant la Renaissance, a longtemps été celle d’un monde brutal et sauvage, exclusivement religieux et guerrier, et donc profondément misogyne. Comme toutes les caricatures, celle-ci n’est pas totalement fausse. Sans doute, la société médiévale a-t-elle été une société essentiellement masculine. Sous l’influence de la religion (ou y trouvant comme une légitimation), qui voit en elle un être excessif et dépendant en raison de sa faiblesse physique et morale, elle réserve à la femme une position inférieure et véhicule d’elle une image volontiers négative. Il n’en reste pas moins qu’une étude plus approfondie des textes et des indices archéologiques tempère cette vision univoque et révèle que la femme, surtout il est vrai dans les classes élevées, joua entre le VIIIe et le XVe siècle un rôle social et culturel non négligeable, contribuant notablement à la « civilisation des mœurs ».

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 7 novembre, 2008 |2 Commentaires »

Les Chevaliers, Une élite guerrière

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  Les Chevaliers, Une élite guerrière  dans VALEURS DE FRANCE hab_dot Une élite guerrière
Jean Flori
Docteur d’État, directeur de recherche au CNRS, Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (Poitiers)
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D’abord simple corps de combattants à cheval, la chevalerie devient, au cours du Moyen Âge, un ordre de guerriers d’élite réservé à la noblesse.


La notion de chevalerie n’est pas simple à définir. Pas plus d’ailleurs que le mot chevalier. Ces deux termes se sont en effet chargés, au fil du temps, de connotations diverses (sociales, idéologiques, religieuses, culturelles même) qui ont fini par prévaloir, reléguant du même coup le concept initial au second plan. Il en est résulté un « imaginaire » qui, dans la pensée commune, a parfois totalement oblitéré la réalité fluctuante propre aux divers stades de son évolution. Ainsi, les réalisateurs de films dits « historiques » reproduisent le plus souvent les miniatures tardives des XIVe et XVe siècles. L’historien, lui, peut assez aisément éviter de commettre ce « péché d’anachronisme » lorsqu’il s’agit d’éléments purement matériels. Le risque est plus grand, en revanche, au niveau des comportements, aspirations et mentalités des chevaliers dans la société de leur temps. Ceux-ci ont évolué, lentement, sous des influences diverses. À la fin du Moyen Âge, au terme de cette évolution, la « Chevalerie » est devenue une institution, une idéologie, voire un mythe, et n’a plus guère de traits communs avec la notion originelle. Sa dimension militaire, fondamentale, n’a pas totalement disparu, mais a cédé le pas aux connotations sociales, honorifiques et nobiliaires, sous les influences parfois rivales des cultures ecclésiastiques et profanes.

Origines et fonction de la chevalerie

Les mots qui désignent les chevaliers soulignent leur fonction guerrière et leur condition sociale relativement humble : dans le latin de l’Empire romain, militia désigne l’armée et, par extension, une fonction de service public ; les milites accomplissent cette forme de service qui, au Moyen Âge, perd son caractère public et tend à se privatiser. Avant le XIIe siècle, on ne peut pas encore traduire milites par chevaliers, car le terme s’applique aussi bien aux cavaliers qu’aux fantassins. Dans les langues vernaculaires du XIIe siècle, il évoque le guerrier, sans connotation de rang social élevé. Le mot allemand Ritter, à l’origine du français reître, ne donne pas des premiers chevaliers une image bien reluisante, pas plus que l’ancien anglo-saxon cniht, qui désignait un serviteur, parfois armé, plus proche du garçon d’écurie que du noble. En provençal, en espagnol et en ancien français, c’est le cheval qui est pris comme référent sémantique : chevalier s’applique au guerrier capable de combattre à cheval. Le mot n’évoque d’abord aucune autre connotation, sinon celle du service armé, domestique, vassalique ou mercenaire.
Le niveau social des milites n’est donc en rien comparable à celui de la noblesse. Aux XIe et XIIe siècles, les chevaliers « ordinaires » sont, pour la plupart, issus des rangs de la paysannerie. Ils s’en distinguent seulement par leur profession : le métier des armes. S’ils ne peuvent plus l’exercer, ils cessent d’être milites et retournent à leur état de rustici. Un bon nombre des chevaliers de château (milites castri) sont des serviteurs armés du seigneur, formant son escorte ou sa garnison. Même en France, au XIIe siècle, on connaît encore des serfs qui deviennent chevaliers. L’exercice des armes les rend libres, mais d’une liberté viagère, conditionnelle, liée à leur profession.
Jusqu’au milieu du XIIIe siècle, on ne saurait donc confondre chevalerie avec noblesse, liberté, exercice d’une fonction publique ou richesse. Ce n’est ni une classe sociale, ni un statut juridique, ni un état, ni un ordre. C’est, pourrait-on dire, la « corporation honorable des guerriers d’élite » dont les seigneurs et les princes détiennent le commandement ; les milites ordinaires constituent leurs « mains armées ».
Noblesse et chevalerie demeurent ainsi distinctes tout au long du Moyen Âge, même si le prestige militaire et social du chevalier, soutenu par la littérature, renforce ses traits aristocratiques. La chevalerie reste donc longtemps relativement ouverte. Elle tend toutefois à exclure les non-nobles par des exigences juridiques précises. Dès le milieu du XIIIe siècle, on ne peut plus guère y entrer que par naissance ou décision royale d’anoblissement. La « noble corporation des guerriers d’élite à cheval » se mue ainsi en « corporation élitiste des guerriers nobles ». Après 1300, cette dimension sociale et honorifique s’accentue alors même que son rôle militaire tend à diminuer sur le champ de bataille. Elle traduit un rang social élevé, un honneur suréminent, une décoration que tous les nobles n’atteignent pas. Certains historiens estiment que la chevalerie se réfugie dans un monde imaginaire, celui de l’idéologie, où elle joue les premiers rôles.
À la fin du Moyen Âge, le mot chevalier en vient à désigner un grade nobiliaire sans cesser de s’appliquer à l’exercice au moins théorique d’une fonction armée. Les aspects culturels et idéologiques l’ont emporté sur les aspects fonctionnels. Les ordres laïcs de chevalerie accentuent encore ces aspects honorifiques et y ajoutent des dimensions diplomatiques. La chevalerie, pendant ce temps, devient une institution, un modèle culturel se nourrissant de ses propres valeurs exaltées par la littérature qui, à son tour, influence les mentalités et contribue à la formation de l’idéologie chevaleresque, élément culturel majeur de la société médiévale.

L’entrée en chevalerie

Dans les annales et les chroniques antérieures au XIe siècle, les plus anciennes mentions de remise des armes, en particulier de l’épée, concernent des empereurs, des rois, puis des princes au moment où ils atteignent l’âge des responsabilités. Il ne s’agit pas ici d’adoubement, mais d’une sorte de cérémonie d’investiture ou d’intronisation liée au sens symbolique de l’épée, signe d’exercice des pouvoirs de justice, de police et de coercition armée. Les bénédictions sur l’épée prononcées dans ces cérémonies de couronnement seront par la suite (à partir du XIe siècle) réutilisées pour les guerriers partant en campagne, puis plus tard pour les adoubements, faisant ainsi glisser sur la chevalerie de nombreux traits de l’éthique royale.
On ne connaît pas de rituel d’adoubement de chevaliers « ordinaires » avant le milieu du XIIe siècle. Il se confond sans doute avec la simple remise des armes comme « outils de travail », marquant leur entrée, par recrutement seigneurial, dans l’exercice légitime de leur profession. Celle-ci implique pour eux les devoirs ordinaires des soldats : obéir à leur patron-seigneur et le servir par les armes. S’il s’agit, en revanche, d’un châtelain ou d’un grand seigneur, l’entrée dans la carrière s’insère dans un ensemble bien plus vaste de fonctions, de services et de rapports de pouvoir que nous traduisons généralement par le terme générique de « féodalité ». Tous impliquent l’action guerrière, mais ils la dépassent singulièrement.
En d’autres termes, par la remise des armes, le guerrier est admis à agir dans le cadre des fonctions qui lui incombent compte tenu de son rang. Il s’agit donc d’un acte déclaratif public d’ordre professionnel, et non d’une promotion sociale ou honorifique. Contrairement à ce que l’on a longtemps cru, la chevalerie, aux XIe et XIIe siècles, n’est pas une confrérie égalitaire dans laquelle on entre par un adoubement promotionnel qui serait une collation d’un titre ou d’un grade. C’est une corporation inégalitaire, avec ses patrons et maîtres (les princes et sires recruteurs) ; ses compagnons (les chevaliers de base) ; ses apprentis (les juvenes, bachelers, écuyers, valets, servant « pour armes » dans l’entourage des sires) ; ses saints patrons (Georges, Démétrius, Mercure, etc.) ; ses outils spécifiques, armes défensives (heaume, haubert, écu) et offensives (épée, lance) ; son rituel d’entrée (l’adoubement, à la fois rite initiatique et de passage faisant d’un jeune un adulte, et d’un civil un guerrier).
Cette corporation, on l’a dit, demeure ouverte jusqu’à la fin du XIe siècle. Mais avant cette date, contrairement à ce que l’on a longtemps répété après Marc Bloch, la chevalerie ne confère nullement la noblesse. Grâce à ses qualités physiques, à son courage et à ses aptitudes au combat, le nouveau chevalier de base entre cependant en contact avec la société aristocratique qu’il sert. S’il défend bien son seigneur, il peut espérer recevoir un bénéfice, une terre, voire une noble épouse (il ne deviendra pas noble pour autant, mais ses descendants le seront car la noblesse se transmet par la mère). Cet espoir d’ascension sociale, si largement présent dans la littérature du XIIe siècle, disparaît peu à peu lorsque la noblesse réserve la chevalerie à ses fils et la transforme en caste, exigeant, pour l’adoubement d’un jeune, la preuve que quatre de ses ancêtres au moins furent eux-mêmes nobles et chevaliers. Cette fermeture ouvre une crise profonde dans la société médiévale en durcissant les clivages et les exclusions.
Les meilleures descriptions d’adoubement chevaleresque nous sont fournies par les textes du XIIe siècle. La plupart des éléments connus par la suite y figurent déjà, et ces descriptions, destinées à plaire au public des cours seigneuriales, ont l’avantage de mettre l’accent sur ce qui lui importait le plus. Les aspects religieux révélés par la liturgie, que l’on pourrait croire essentiels, y figurent peu, voire pas du tout. Certes, les armes ont pu préalablement faire l’objet d’une bénédiction. On sait que l’épée, au moins dans certains cas, avait été auparavant déposée sur l’autel pour y être bénite ; les auteurs ecclésiastiques en déduisent que, ayant « pris leur épée de l’autel », les chevaliers devraient par-là même se sentir des devoirs envers l’Église ; il est très probable que cette perception demeure un vœu pieux. Ces aspects religieux et liturgiques n’ont guère retenu l’attention des épopées. L’adoubement y reste foncièrement laïc. Il reste aussi ouvert : les textes signalent des personnages qui ne sont manifestement pas nobles mais qui, par leur courage au combat et leur fidélité, sont « adoubés ». Dans ce cas, la cérémonie est des plus sobres : on leur remet seulement des armes. Elle prend par la suite des traits fastueux (et coûteux) lorsqu’elle devient purement nobiliaire.

Église et chevalerie

Au fil du temps, l’adoubement prend aussi une teinte sacramentelle. Avant le Xe siècle, l’Église ne s’intéresse guère aux milites, guerriers subalternes des châtelains. Elle en perçoit la menace à propos des conflits entre seigneuries voisines, dans lesquels elle est elle-même impliquée. Dans les assemblées de paix (Paix de Dieu), l’Église menace d’excommunication les guerriers qui se livrent au brigandage et surtout ceux qui lui portent atteinte. La remise des armes, en revanche, retient toute son attention, car il s’agit alors de personnages qui détiennent le pouvoir de la société seigneuriale, et dont elle a tout à attendre ou à craindre. Les rituels du sacre royal en témoignent ; ils sont lourdement chargés de déclarations éthiques demandant à Dieu qu’il aide le roi dans les divers aspects de sa mission : bonne justice, fidélité à la foi, protection des églises, défense de ses intérêts, assistance aux pauvres et aux faibles. L’empereur est d’abord le défenseur attitré. Mais l’éclatement politique et la multiplication des conflits qui accompagnent le déclin du pouvoir central et l’essor des principautés (vers l’an mil), obligent à trouver d’autres défenseurs. Au XIe siècle, l’Église de Rome recrute ainsi des « soldats de Saint-Pierre » (milites sancti Petri), guerriers mercenaires.
Les riches monastères ou les églises sont menacés par les Normands, Hongrois et Sarrasins (jusqu’au XIe siècle au moins), mais aussi par les seigneurs du voisinage contestant, à tort ou à raison, les donations faites par leurs ancêtres, ou désireux d’imposer les taxes, redevances et « coutumes ». Pour se défendre (le port des armes étant interdit aux clercs et aux moines), ces établissements doivent recruter. Certains rémunèrent directement des guerriers, les milites ecclesiæ ; d’autres, plus nombreux encore, confient à un seigneur laïc la charge lucrative de leur protection armée (advocati ou defensores ecclesiæ). C’est pour eux que l’Église, s’inspirant des bénédictions du sacre royal, compose des rituels d’investiture, longtemps considérés, à tort, comme des rituels d’adoubement. Leur fonction de défenseurs des églises permettait aisément de valoriser et même de sacraliser leur combat sous les bannières du saint patron. Très riches en bénédictions, ces rituels rappellent la dignité et les devoirs de la mission. À partir du XIIe siècle, certains de leurs éléments ont été réutilisés pour des adoubements de chevaliers ordinaires. La prédication de la croisade par Urbain II en 1095, peut être considérée comme une tentative de la papauté de prendre le commandement d’une nouvelle chevalerie, qui se mettrait désormais à son service dans le contexte de la lutte pour le dominium mundi initiée par la réforme grégorienne. L’échec de cette tentative conduit à la formation des ordres religieux militaires, à commencer par celui des Templiers en 1119, ces moines-croisés pour lesquels Bernard de Clairvaux rédige son Éloge de la nouvelle chevalerie.

L’évolution de l’adoubement

La tentative de l’Église d’infuser ses valeurs dans l’idéologie de la chevalerie se traduit par la cléricalisation de l’adoubement, à partir du premier tiers du XIIe siècle. De nombreux auteurs s’efforcent, dans des œuvres didactiques ou poétiques (par exemple L’Ordène de Chevalerie), de donner des divers aspects de cette cérémonie une interprétation allégorique spiritualisante. Tous les rites y prennent alors une signification religieuse, voire mystique. Le bain du chevalier est comparé au baptême ; sa ceinture blanche doit l’écarter de toute luxure ; ses éperons symbolisent le courage et l’ardeur qu’il lui faut avoir pour Dieu ; son épée, la droiture et la loyauté qui doivent le pousser à défendre la religion, le pauvre et le faible. Vers 1230, Lancelot du Lac utilise la même interprétation symbolique pour montrer que le chevalier doit être à la fois le seigneur du peuple et le serviteur de Dieu. L’aspect aristocratique de l’adoubement se renforce au cours du XIIIe siècle. La noblesse étant maintenant acquise par le seul droit de naissance, tous les nobles ne sont plus tenus, comme jadis, de se faire adouber. L’adoubement devient alors une « décoration » supplémentaire interdite aux roturiers. Seule la dispense royale, véritable lettre d’anoblissement, autorise un non-noble à être « fait chevalier ». La plupart des nobles et beaucoup de roturiers pratiquent pourtant le métier des armes et combattent en chevaliers sans en avoir le « titre ». L’adoubement glisse alors de plus en plus vers une signification honorifique et promotionnelle. Aux XIe et XIIe siècles, on adoubait souvent à la veille d’une bataille pour disposer de guerriers à cheval plus nombreux. Aux XIVe et XVe siècles, on le fait plus fréquemment après la bataille, récompensant ainsi par l’octroi d’un titre honorifique les nobles guerriers à cheval. On comprend que la cérémonie soit ici abrégée, réduite à son rite principal, transformant la colée en accolade.
L’aspect militaire de l’adoubement, cependant, ne disparaît pas. La corporation s’est seulement aristocratisée, muée en caste élitiste, non seulement sur le plan professionnel mais aussi social. La valeur morale et religieuse de la cérémonie ne s’est pas renforcée pour autant, et l’on peut même considérer la formation des ordres laïcs de chevalerie, à partir du XIVe siècle, comme une tentative de redonner un lustre moral que la chevalerie réelle avait perdu aux yeux de beaucoup.

Focus

La bataille d’Azincourt (25 octobre 1415)
Elle est l’illustration funeste de la dérive d’une chevalerie française fort éloignée de ses fonctions premières et n’en ayant conservé que les traits idéologiques caricaturaux. Malgré leur supériorité numérique, les Français furent sévèrement battus et massivement exterminés pour plusieurs raisons : une hypertrophie de l’avant-garde, due au fait que tous souhaitaient se réserver la gloire d’une victoire prévisible ; le choix de faire combattre à pied la quasi-totalité de la chevalerie, à l’exception des ailes ; des chevaliers trop lourdement armés du « blanc harnois », qui furent vite épuisés par une marche sur un sol détrempé. Par ailleurs, on peut incriminer l’option de ne pas préparer l’attaque par un tir nourri des arbalétriers, relégués au second plan. Enfin, il faut noter l’efficacité très supérieure des archers anglais polyvalents, qui tuèrent les chevaux de la cavalerie de secours, achevant ou capturant les chevaliers blessés.

La fonction militaire

L’armement et les méthodes de combat spécifiques de la chevalerie en font un corps de combattants d’élite, la « reine des batailles ». Il convient pourtant de relativiser son rôle réel dans la guerre médiévale. Sa prépondérance est probablement moins absolue dans les faits que dans les récits historiques ou littéraires. Plusieurs faits inclinent à cette conclusion. Les opérations militaires médiévales consistent moins en charges de cavalerie qu’en sièges ou assauts de forteresses. Les acteurs principaux sont les archers, arbalétriers, piétons, sapeurs et ingénieurs. L’artillerie, au XVe siècle, accroît encore l’importance de ces spécialistes. Jusqu’au XIIIe siècle au moins, les grandes batailles rangées, où règnent les chevaliers, sont rares : les princes répugnent à risquer toutes leurs forces dans de tels affrontements massifs. D’ailleurs, même dans ces « batailles champel », l’archerie prépare la charge, l’infanterie tient les lignes et parachève la victoire. C’est pour avoir négligé ou méprisé leur apport que la chevalerie française fut souvent mise à mal à la fin du Moyen Âge, par exemple à Crécy (1346) ou à Azincourt (1415). Tout au long du Moyen Âge, les chevaliers ont parfois mis pied à terre pour combattre parmi les fantassins. C’est le cas à Bourgthéroulde (1124), Lincoln (1141), Crécy (1346), Poitiers (1356), etc. Ils participent surtout à des opérations de razzia, à des chevauchées destinées à piller un territoire, à secourir une place assiégée ou à tenter une sortie. C’est là, surtout, que la rapidité et la puissance de leurs interventions sont irremplaçables. Il ne faut donc pas surestimer leur part dans la guerre, même si leur prestige était immense. Ainsi, certaines batailles furent perdues par leur faute, dans un excessif souci de prouesse, préférant l’exploit, personnel ou collectif, à l’efficacité d’ensemble des armées (Mansourah ou Crécy par exemple). Rares furent les cas où ils parvinrent à triompher seuls, sans l’appoint des piétons et des archers. Le conservatisme dans les méthodes de combat et la fidélité à l’idéal de prouesse leur fit retarder la nécessaire adaptation au monde moderne, marqué par l’apparition des armées de mercenaires, la prépondérance de l’infanterie et le rôle croissant de l’artillerie (au XVIe siècle). Mais il ne faut pas, à l’inverse, lui imputer tous les déboires des armées. Car si, tout au long du Moyen Âge, aucune bataille ne fut remportée par la chevalerie seule, aucune ne fut non plus remportée sans elle.
Le perfectionnement des armes défensives des chevaliers et le renforcement de leur caractère élitiste accentuent la dimension ludique de la guerre, et en réduisent les risques par l’adoption de règles déontologiques. Elles constituent les fondements des futures « lois de la guerre » qui s’élaborent entre le XIIe et le XVe siècle. Ainsi en est-il du traitement des vaincus. Dans les charges, malgré leurs armures, les chevaliers risquaient bel et bien leur vie, vulnérables à la lance du chevalier, à la dague et aux armes d’hast (armes munies de hampes) du piéton ou au carreau de l’arbalétrier. Après assaut ou réduction par la famine d’une place forte, ils pouvaient d’être passés au fil de l’épée pour avoir refusé la reddition honorable. Pourtant, peu à peu, le sort des vaincus s’améliore. Dès le XIIe siècle, on ne pratique plus guère l’extermination des populations vaincues ou leur réduction en esclavage, sauf aux marges de l’Occident chrétien. Au cours du siècle, l’usage s’impose de ne pas tuer les chevaliers vaincus. On préfère les mettre en prison et les libérer contre rançon. Cette pratique diminue le nombre des morts, améliore le sort des captifs qu’il faut maintenir en bon état, mais accroît les occasions de conflits : la guerre devient une activité rentable. Le montant de la rançon dépend, bien sûr, du rang social du captif. Elle peut atteindre des sommes colossales pour des rois ou des grands princes (100 000 marcs d’argent pour Richard Cœur de Lion en 1194), mais se réduit à quelques livres pour les petits chevaliers. Les effectifs de la chevalerie, surévalués par les chroniqueurs, donnent lieu à débats entre historiens. Aux XIe et XIIe siècles, on peut accepter une proportion d’un chevalier pour 7 à 12 piétons. La chevalerie constitue donc une élite très minoritaire dans les armées médiévales, ce qui n’entame nullement sa prééminence réelle et surtout admise. Les sergents à cheval, plus rarement les écuyers, combattent également montés. Tous les autres guerriers sont des fantassins. La hiérarchie est reflétée par le montant des soldes : vers 1200, un sergent à cheval touche deux fois plus qu’un piéton, un chevalier quatre fois plus. Même hiérarchie dans le partage du butin : jusqu’au XIVe siècle, la part du chevalier est le double de celle d’un sergent à cheval, le quadruple de celle d’un piéton. Les vainqueurs prennent possession de l’équipement du vaincu, auquel s’ajoutent la rançon et le pillage.

Les tournois

La pratique de la charge exige force et habileté individuelles, cohésion et discipline collectives. Tout cela ne peut s’acquérir que par un entraînement assidu. Ni les exercices physiques, ni les jeux d’escrime, ni la quintaine ne remplacent sur ce plan le tournoi, dont on connaît mal les origines. Sa faveur ne cesse de croître dès son apparition, dans la seconde moitié du XIe siècle, jusqu’à la fin du Moyen Âge. Il est particulièrement prisé des jeunes, turbulents et instables, cadets de famille ou pauvres chevaliers, en quête d’aventures, de bonnes fortunes ou simplement de subsistance. Les rois et les princes y prennent également part, à la tête de véritables équipes de tournoyeurs professionnels, dont les meilleurs (tel le fameux Guillaume le Maréchal, au XIIe siècle) peuvent parfois se hisser, par leur prouesse, à un rang social très élevé, généralement par le biais d’un riche mariage.
Les tournois présentent quatre traits principaux qui expliquent leur succès : un aspect utilitaire d’entraînement aux combats de la guerre ; une dimension ludique qui en fait un jeu mais aussi un sport de professionnels dont le but est de vaincre pour la gloire et le gain ; un enjeu socio-économique : les chevaliers sans fortune y cherchent l’occasion de capturer un adversaire pour en tirer rançon, s’emparer du même coup de son équipement fort coûteux, se faire remarquer et embaucher par les princes, ou même – qui sait ? – séduire une riche héritière ; un caractère festif, qui en fait un spectacle rassemblant des foules considérables. Ces quatre éléments cristallisent des valeurs exaltées par les romans courtois et arthuriens, dans lesquels les tournois occupent une place de choix. Occasion, pour les meilleurs, d’obtenir prix de vaillance, louanges, renommée, admiration et faveurs des dames. Les plus réputés peuvent dans une certaine mesure être comparés, à notre époque, aux vedettes de la chanson, du cinéma ou du sport !
Le tournoi-mêlée domine jusqu’à la fin du XIIe siècle. C’est une guerre véritable, mais codifiée, opposant deux camps parfois inégaux, constitués par affinité. Le terrain d’affrontement est un espace ouvert à proximité d’une ville : il comprend village, champs et bosquets propices aux embuscades. Les charges y sont massives et collectives comme à la guerre. Mais le but n’est pas de tuer, seulement de vaincre et de capturer l’adversaire. S’il y a parfois des morts et souvent des blessés, c’est toujours par accident. L’aspect collectif de l’engagement n’exclut pas la prouesse individuelle : les participants élisent le meilleur d’entre eux. Le tournoi constitue ainsi un creuset social, développant le compagnonnage et assurant la cohésion sociale, unissant princes et chevaliers dans une mentalité corporatiste et élitiste, dans un type de comportement empreint d’un réel complexe de supériorité.
La littérature courtoise s’empare de ce thème, glorifie l’exploit individuel, exalte l’amour « courtois » qu’il fait naître chez les dames, accroissant à son tour la valeur du chevalier. Le tournoi prend alors des aspects plus mondains. Pour les rendre moins meurtriers, on emploie parfois, au XIVe siècle, des lances dites « à plaisance », dont la pointe est remplacée par une couronne crantée. La joute individuelle, à l’intérieur des lices (aspect tardif), souvent au cœur des villes, devant tribunes, prend alors le pas sur le tournoi-mêlée. Au XVe siècle, des barrières séparent les combattants, et les cuirasses de joute, renforcées côté gauche, peuvent dépasser 50 kg. Le rôle des dames, dont les champions portent les couleurs, s’amplifie. Elles leur distribuent parfois le prix selon le verdict des hérauts d’armes, spécialistes de l’héraldique, devenus indispensables depuis que les chevaliers en armures ne peuvent plus être distingués que par leurs armoiries.
Le tournoi, à la fois sport, entraînement et fête, traduit mieux que la guerre la mentalité et les valeurs chevaleresques. Il permet d’affermir les règles, coutumes et mœurs transposées dans la guerre elle-même.

L’idéologie chevaleresque

Qu’est-ce que la chevalerie ? Ce concept, on l’a vu, a considérablement évolué au cours des temps. Dans son acception latine antique, militia désigne la force armée au service de l’État romain. Dès le début du Moyen Âge, l’affaiblissement de la notion d’État a conduit à la privatisation de la fonction publique et au renforcement du caractère aristocratique de la fonction militaire. Sous l’Empire carolingien, entre les mains des seigneurs qui la dirigent, la militia prend des connotations sociales qui la rapprochent de la vassalité, de la féodalité, de la noblesse, sans que l’on puisse toutefois la confondre avec aucune de ces notions. Dans le même temps, du ixe au XIe siècle, l’évolution économique et sociale de l’Europe conduit au renforcement de la prééminence du cavalier, qui devient alors le guerrier par excellence. La militia, dans son acception guerrière, se confond avec la cavalerie lourde. Ce caractère élitiste se renforce encore, au cours du XIe siècle, avec l’évolution technique de l’armement offensif et surtout défensif. Certes, il serait naïf de faire naître la chevalerie de la seule méthode de la lance couchée, qui se répand alors ! Les chevaliers ne combattent pas toujours à cheval ni seulement avec la lance. L’adoption de cette méthode par l’élite de la cavalerie est pourtant significative. Elle symbolise ce qui distingue désormais la chevalerie de tous les autres guerriers, fussent-ils à cheval. Elle s’accompagne de la formation progressive d’un comportement commun, ébauche d’un code déontologique fondé sur la notion d’honneur, qui va, dans une certaine mesure, humaniser les « lois de la guerre ». Dans le même temps, l’Église tente de lui donner une mission et une éthique. Ainsi s’ébauchent, du XIe au XIIIe siècle, les traits que nous considérons aujourd’hui comme majeurs et caractéristiques de la chevalerie. Il convient d’en apprécier la portée en examinant, dans la réalité plus que dans la fiction, le comportement des chevaliers durant les guerres. La littérature n’est toutefois pas à négliger. Elle exalte l’aventure, les vertus de prouesse, largesse et courtoisie, et contribue à forger le thème du parfait chevalier, supérieur au clerc, modèle culturel. Il ne sera supplanté, plusieurs siècles plus tard, que par celui d’« honnête homme ». C’est dire la puissance de l’idéologie chevaleresque qui se forge au XIIe siècle. La chevalerie devient alors un mode de vie, une éthique, un modèle social et moral, bientôt un mythe.

Savoir +

La Chevalerie
FLORI Jean.
Paris : Jean-Paul Gisserot, 1998 (Coll. « Bien connaître »).
Chevaliers et chevalerie au Moyen Âge
FLORI Jean.
Paris : Hachette, 1998. (Coll. « La Vie quotidienne »).

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 7 novembre, 2008 |2 Commentaires »

Le Chevalier, la Chevalerie, son armement et sa technique

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Le choc de la charge


Jean Flori
Docteur d’État, directeur de recherche au CNRS, Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (Poitiers)

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Professionnel de la guerre, le chevalier est propriétaire de ses armes. Son équipement ne cesse de se perfectionner, pour répondre à de nouvelles pratiques de combat.

Un chevalier, pendant tout le Moyen Âge, est avant tout un guerrier combattant à cheval avec des armes et des méthodes caractéristiques. Celles-ci ont évidemment évolué entre le Xe et le XVe siècle. Les trois images de cet article permettent en partie de visualiser cette évolution.

Se défendre

Parmi les armes défensives, l’écu de type normand, en bois peint ou recouvert de cuir, se répand en France aux XIe et XIIe siècles. Sa forme allongée, pointue à la base, facilite son utilisation à cheval. Il est porté au bras gauche, la main droite tenant la lance ou l’épée. Il protège efficacement des flèches, des javelots et des coups d’épée, mais ne peut guère résister à la force de pénétration de la lance dans la nouvelle méthode de combat (à partir du XIe siècle). Il tend alors à devenir plus petit, parfois échancré pour permettre le passage de la lance. Il devient inutile lorsque l’armure rigide remplace la cotte de maille.
Le haubert ou cotte de maille se répand à partir du Xe siècle et remplace peu à peu la broigne, vêtement de cuir sur lequel sont cousues des écailles de métal. Véritable tissu de mailles métalliques, il couvre tout le haut du corps, des épaules jusqu’aux genoux, et est fendu devant et derrière pour permettre de chevaucher. On le retrouve presque identique au milieu du XIIe siècle, porté cette fois par-dessus une tunique en tissu protégeant des écorchures. Cette tunique est parfois rembourrée (gambaison). Quelques textes font état de l’usage de deux hauberts superposés, à ne pas confondre avec le haubert à maille double ou triple (treslis). Un haubert, au XIIe siècle, pèse entre 10 et 13 kg. Il protège très bien contre les coups de taille, mais mal contre les coups d’estoc, particulièrement contre la lance couchée. Au XIIIe siècle, le haubert se renforce de plaques de métal aux endroits les plus exposés (poitrine, épaules, articulations) et, au XIVe siècle, continue à se porter, allégé, sous l’armure de plate, formée de pièces métalliques rigides articulées, aboutissant, au XVe siècle, au grand harnois blanc, protégeant l’ensemble du corps. L’armure de joute, renforcée du côté le plus exposé, peut atteindre 50 kg et interdit tout mouvement au sol.
Le heaume est d’abord un casque à nasal. Les documents connus en représentent la version normande, presque conique, répandue en France. Dès la fin du XIIe siècle, il tend à se fermer, pourvu de deux fentes au niveau des yeux et percé de trous pour respirer. Il prend alors des formes diverses selon les régions (cylindrique, semi-sphérique, en forme d’obus, etc.), puis évolue vers le bassinet à visière mobile (XIVe siècle). La fermeture du heaume et l’usage général de la cotte de maille, puis de l’armure, rendent impossible l’identification du chevalier. Les romans tirent parti de cet anonymat, tandis que se développe l’usage des signes distinctifs et armoiries, sur les écus, bannières, surcots et cimiers, parfois extravagants.

Attaquer

Avant le milieu du XIe siècle, les armes offensives du chevalier ne se distinguent pas de celles d’un piéton. À pied comme à cheval, il combat comme un fantassin, usant de l’épée et de la lance, mais jamais de l’arc, sauf dans les sièges. L’épée se manie surtout comme arme de taille et tend à s’allonger au fil du temps, pour aboutir aux énormes épées à deux mains des XIVe et XVe siècles. L’épée d’acier trempé, décorée tel un bijou, au pommeau contenant parfois de petites reliques, exige comme le haubert près de 200 heures de travail de forgeron.
La lance est l’arme caractéristique de la chevalerie. Avant le milieu du XIe siècle, elle ne se distingue pas de la pique des piétons. La nouvelle méthode de combat permet d’en faire une arme redoutable et spécifique. Dès lors, elle s’allonge et peut atteindre 3 à 4 mètres à la fin du Moyen Âge. Pour éviter qu’elle ne glisse vers l’arrière lors de l’impact, on la munit d’un arrêt de main, plus tard d’un arrêt de cuirasse pour solidariser l’arrière de la lance avec l’armure et soulager le bras. Le chevalier peut parfois aussi user d’autres armes, comme la masse d’arme ou plus rarement la hache. À partir du XIe siècle, les chevaliers d’un certain rang utilisent des lances munies de bannières (chevaliers bannerets). Elles sont bientôt enrichies de symboles héraldiques, signes de ralliement et affirmation de pouvoir et de rang social.
Toutes ces armes sont solennellement remises au nouveau chevalier lors de son adoubement, acte déclaratif de son entrée dans la chevalerie, corporation des guerriers d’élite. Il a lieu le plus souvent dans la salle du château, parfois en plein air, à des dates variables (Pentecôte, Pâques, Saint-Jean, plus rarement Noël), et donne lieu à des festivités de plus en plus somptuaires : festin, jeux, joutes et quintaines. Il n’a guère lieu avant l’âge de 16 ans. Aux XIe et XIIe siècles, l’épée, souvent déposée sur l’autel pour y être bénie, est remise au chevalier par un personnage du plus haut rang possible : seigneur allié de la famille, parent, oncle maternel chez lequel le futur chevalier aura fait son apprentissage. L’Église cherche à faire de l’adoubement un acte presque sacramentel en créant des rituels contenant de nombreuses bénédictions sur les armes (épée, bouclier, bannière), puis sur le chevalier ainsi armé. Ces rituels liturgiques, issus des formules du sacre royal, tendent à faire glisser sur la chevalerie dans son ensemble les devoirs qui depuis toujours incombaient au roi : protection de l’Église, du pays et de ses habitants sans défense, pauvres, femmes et orphelins. Dans ces adoubements liturgiques, l’officiant est un ecclésiastique, généralement un évêque. Seule la remise des éperons reste jusqu’à la fin du Moyen Âge un geste accompli uniquement par des chevaliers. Le coût croissant de l’équipement complet (50 bœufs vers 1250) conduit, à partir du XIIIe siècle, à la levée d’une aide financière de la population à son seigneur lorsqu’il adoube son fils aîné (ou lorsqu’il marie sa fille, part en croisade ou doit se libérer contre rançon), et à la raréfaction des adoubements, réservés à l’aîné.

Changement de technique

La plupart des aspects de cette évolution sont issus de l’adoption, dans la seconde moitié du XIe siècle, d’une nouvelle méthode de combat qui devient spécifique de la chevalerie : la charge massive, lance couchée en position horizontale fixe. Jusqu’à cette date, à pied comme à cheval, on pouvait user de la lance de deux façons différentes, à la manière d’un javelot ou d’une pique.
À la bataille d’Hastings, les piétons anglo-saxons d’Harold comme les chevaliers normands de Guillaume projettent contre leurs adversaires ces javelots, par un geste fort bien illustré par le cavalier de gauche. Ces javelots sillonnent les airs entre les deux groupes adverses. Cette méthode ne disparaît pas totalement, mais les chevaliers la dédaignent peu à peu.
Le même document montre aussi l’usage de la lance à la manière d’une pique, dans le combat rapproché.  Un piéton anglo-saxon qui, bras levé , cherche à porter un coup descendant. On pouvait aussi frapper de bas en haut ou directement, par simple extension du bras devant soi. Dans ces trois cas, cependant, le cavalier qui en usait ne se trouvait en rien avantagé par rapport à un piéton. Bien au contraire, si l’impact avait lieu en mouvement, il risquait fort de s’occasionner une luxation de l’épaule ou du coude, le mouvement tendant à arracher son bras du corps. C’est pourquoi les chevaliers arrivaient à cheval sur le champ de bataille et mettaient pied à terre, ou bien combattaient dans la mêlée, pratiquement à l’arrêt.
Une troisième méthode apparaît, adoptée par toute la chevalerie européenne à des dates variables selon les régions, entre 1066 et 1140 au plus tard. Il s’agit de la lance couchée en position horizontale fixe. Elle est probablement liée à l’emploi des lances à bannière, difficiles à utiliser comme javelots et même comme piques. On en voit quelques exemples sur la broderie de Bayeux. Le chevalier central y est représenté tenant sous son bras, coude replié, une lance à bannière. Cette méthode, rendue possible par l’emploi de selles plus profondes, permet de tenir la lance fermement tout en conservant l’avantage du mouvement du cheval, sans risquer la luxation de l’épaule. Elle rend désormais possible la charge massive, rapide et compacte de chevaliers groupés, serrés ensemble en petits escadrons ou conrois. La force de pénétration et la panique causée par de telles charges ont été parfois comparées à celles des blindés lors de la Première Guerre mondiale.
Cette méthode  (XIIe siècle). Il faut le lire à la manière d’une bande dessinée. La charge s’y déploie en trois phases successives, décomposant le mouvement. La première phase, en haut, montre les chevaliers au début de la charge. La lance, d’abord tenue verticalement, s’abaisse progressivement de la position du chevalier de gauche à celle du chevalier de droite. Ce dernier, lance couchée, abat déjà un adversaire en le désarçonnant. La poursuite continue au second niveau : les chevaliers de droite chargent lance couchée, tandis que le chevalier de gauche, qui a probablement perdu sa lance brisée ou plantée dans le corps de son adversaire, a dégainé son épée pour continuer le combat dans la mêlée. Le troisième niveau, en bas, est plus explicite encore. On y voit les dernières phases de la charge. Le chevalier de droite, lance tenue sous le bras en position horizontale fixe, dirige de sa main la pointe de sa lance vers le corps de l’adversaire, ici en fuite (en général, dans les combats entre chevaliers, la charge est symétrique, frontale de part et d’autre, ce qui accroît encore la violence du choc). Il tient son écu au bras gauche et a lâché les rennes après avoir éperonné pour lancer son cheval à pleine vitesse, comme l’explique avec précision un texte du XIIe siècle. Le chevalier de gauche, quant à lui, est représenté lors de la phase ultime de la charge. L’adversaire, désarçonné, gît à terre, la lance enfoncée dans le corps. Par un mouvement du bras de bas en haut lui remontant l’épaule, le chevalier retire sa lance avant qu’elle ne se rompe pour poursuivre le combat avec cette arme redoutable.
La nouvelle méthode exige un entraînement assidu, mais ses avantages sont évidents : désormais, seule la précision du coup dépend de celle de la main qui dirige la lance vers son objectif. La puissance de l’impact, donc son efficacité, est assurée, elle, par la vitesse du cheval. On comprend alors pourquoi les épopées, les romans, les chroniques et l’iconographie nous décrivent des chevaliers traversant de part en part le corps de leur adversaire, la bannière ressortant de l’autre côté. On comprend aussi pourquoi l’on a dû perfectionner les armes défensives, en particulier les armures, pour résister à une telle force de pénétration ; pourquoi, dans les tournois, il pouvait y avoir de nombreux blessés, parfois des morts, malgré les efforts des chevaliers pour désarçonner l’adversaire en frappant son écu plutôt que de chercher à le tuer ; pourquoi, toujours dans les tournois et plus encore dans les joutes qui se multiplient aux XIVe et XVe siècles, on utilise des lances dites « à plaisance » (où la pointe acérée est remplacée par une pointe émoussée ou crantée), et des armures de joute très renforcées du côté de l’impact. Il s’agit d’une fête qui se déroule devant un public de dames et de seigneurs, chacun des participants affrontant un seul adversaire qui lui fait face, les deux combattants étant désormais (depuis le XIVe siècle) séparés par une barrière. Chaque participant est accompagné d’un écuyer. La joute, alors, est devenue fête et distraction aristocratique, tout en conservant un peu du caractère premier des tournois : un entraînement nécessaire aux chevaliers. Richard Cœur de Lion l’avait bien compris quand, en 1194, il autorisa les tournois, jusqu’alors interdits en Angleterre.

http://www.cndp.fr/RevueTDC/908-77837.htm

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 7 novembre, 2008 |22 Commentaires »

Symbolique Héraldique

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Symbolique Héraldique

 

 

 

Les symboles présents sur les blasons sont choisit pour se faire reconnaitre mais aussi pour transmettre un message, nous vous proposons quelques description de ces symboles.
Comme tous symboles, ceux de l’héraldisme peuvent prendre différentes significations. En effet un symbole est placé pour transmettre un message, une idée, et chacun peut y voir une interprétation différente.

http://www.esonews.com/Heraldisme/symbolefigures.asp

Aigle :
Symbole de la souveraineté.
Arbre :
Symbole de l’autonomie et de la liberté, il évoque aussi la richesse forestière.
Arc et flèches:
Symbole de la distance, de la portée.
Symbole également de l’amour en référence à Cupidon
Blé :
Symbole de la fécondité et de la capacité à nourir.
Centaure :
Symbole de la concupiscence.
Cercle :
Symbole ancien qui représente l’infini, il est également associé au sacré, il respresente alors l’éternité. Symbole parfois féminin également.
Cerf :
Symbole du médiateur.
Chimère :
Symbole de la violence des éléments naturels.
Chateau fort:
Symbole de la protection et du refuge.
Cheval :
Symbole de la chevalerie et noblesse, de la rapidité et de la puissance.
Clefs de Saint Pierre :
Symbole le pouvoir spirituel ou plus rarement le pouvoir temporel.
Coq :
Symbole du courage et de la fièrté.
Coquilles :
Symbole du pellerin.
Couronne :
Symbole de l’élévation, mais également du spirituel et du divin.
Croissant :
Il represente le changement, il correspond à une naissance ou renaissance mais aussi la transformation (naturelle, magique ou alchimique).
Croix :
Initialement associé aux relations regilieuse (croissades, missions,…) est s’est développé pour symbolisée les valeurs, la victoire et toujours la relation avec Dieu.
Epée :
Symbole de la justice et de la parole divine.
Etoile :
Symbole du chemin à suivre.
Faucon :
Symbole de la domination et de la capacité à voir juste.
Griffon :
Symbole de la force, de la puissance, de la capacité à surmonter des obtacles.
Hermine :
Symbole de la pureté.
Labyrinthe :
Il symbolise le chemin à parcourir, l’épreuve, l’initiation
Licorne :
Symbole de la virginité, de la pureté, de la beauté.
Lion :
Symbole du courage, de la force, de la bravoure, la sagesse, la souveraineté.
Lune :
Symbole de la force magique.
Lys :
Symbole de la pureté, de la souveraineté, fleur de la gloire.
Main
Ouverte : Symbole de l’acceuil, de la bienveillance.
Fermée :
Symbole du secret.
Ours :
Symbole du courage et de la force.
Pont :
Symbole du passage de la vie à la mort, également du danger rencontré sur le(s) chemin(s) spirituels.
Pyramide :
Symbole spirituel principalement, il indique une élévation, une hiérarchie, son sommet montre que l’ascencion permet d’arriver à une fin.
Rose :
Symbole du secret.
Salamandre :
Symbole du feu et gardien des trésors (spirituels et matériels)
Serpent :
Symbole de l’énergie et de la suptilité.
Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 25 juillet, 2008 |8 Commentaires »

COURONNE DES ROIS DE FRANCE ET AUTRES.

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COURONNE DES ROIS DE FRANCE ET AUTRES. Sous la troisième race de nos rois, on observe dans leurs monnaies et dans leurs sceaux pour Couronne un cercle d’or, enrichi de pierreries et rehaussé de fleurs de lys. Dominicy nous a représenté les sceaux de Robert et de Henri Ier, rois de France, avec cette espèce de Couronne, où les fleurs de lys sont assez mal figurées. Les monnaies de Philippe le Bel et des rois qui lui ont succédé présentent l’image de ces princes avec cette même Couronne. Quelques auteurs avancent que ce fut François Ier qui commença à la porter fermée, pour contrecarrer CharlesV, roi d’Espagne, qui avait été élu empereur, et pour montrer qu’il était souverain d’un royaume qui ne relevait que de Dieu. Quoique cette assertion ait quelque fondement, on lit qu’à l’entrée de Louis XII dans Paris, en 1498, le grand écuyer porta son heaume et tyambre, sur lequel y avoit une Couronne de fines pierres précieuses et au dessus du heaume, au milieu de la dite Couronne, y avoit une fleur de lys d’or, comme empereur. Ce sont les termes du Cérémonial de France, qui semblent marquer que cette Couronne était fermée, puisqu’elle avait au sommet une fleur de lys. Il faut néanmoins remarquer que dans les monnaies de ce prince, la Couronne n’est qu’un cercle rehaussé de fleurs de lys, comme dans la monnaie d’or qu’il fit battre à l’honneur du pape Jules II. Le même roi, dans les testons qu’il fit forger à Milan, est représenté avec un bonnet retroussé et une Couronne de fleurs de lys sur le retroussis. François Ier est pareillement figuré dans quelques testons avec ce même bonnet, mais avec cette différence, que la Couronne de fleurs de lys est au-dessus du retroussis. Il paraît encore en quelques cas, avec une Couronne entremêlée de fleurs de lys et de rayons. Enfin il est représenté en d’autres, avec une Couronne rehaussée de fleurs de lys et de fleurons, et fermée par en haut, ce qui a été continué par ses successeurs. Nous reproduisons, ci-contre, la Couronne de François Ier, roi de France, d’après le portrait de ce prince, peint par Raphaël et conservé à Fontainebleau. (Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale.)
Il est constant que les Rois de France n’ont porté la Couronne fermée que dans les derniers siècles ; ce qui a donné sujet à l’auteur de l’ancienne Chronique de Flandre, de dire qu’entre les Couronnes des Rois, celle de l’Empereur est seule couverte par dessus. Mais Du Cange ne sait si l’on ajoute créance à ceux qui ont écrit que François Ier prit la Couronne fermée pour contrecarrer Charles v ; car il estime plutôt qu’il le fit, parce qu’il s’aperçut que les rois d’Angleterre, ses inférieurs en dignité, la portaient de cette façon, il y avait longtemps. En effet, non seulement toutes les monnaies d’or et d’argent de Henri VIII le représentent avec la Couronne fermée, mais même dans celles de Henri VI et de Henri VII, elle est figurée de la même manière. On croit que cette Couronne est celle d’Édouard-le-Confesseur, dont les rois d’Angleterre sont couronnés le jour de leur sacre, laquelle Couronne est archée en croix, dit Froissart, lorsqu’il raconte les cérémonies du couronnement de Henri dit de Lancastre, en l’an 1399. Pourtant, cet Henri, ou du moins Henri v, son successeur, paraît avec une Couronne de fleurs de lys non fermée, sur une monnaie d’argent frappée à Calais, qui représente, d’un côté, la face entière et le buste de ce prince, avec de grands cheveux, et la Couronne précitée. Les monnaies d’Édouard III sont semblables.
Il peut se faire encore que François Ier adopta la Couronne fermée, pour se distinguer des princes non souverains, des ducs et des comtes, qui avaient aussi le droit de porter la Couronne, et qui la faisaient graver sur leurs monnaies. Le savant Selden, en ses Titres d’honneur, a avancé que cette espèce de Couronne est d’une invention récente, et qu’en l’an 1200 les ducs et les comtes n’en avaient point. Il le prouve par un passage de l’Histoire de Geoffroy de Ville-Hardouin, qui fait parler ainsi le duc de Venise, aux députés du marquis de Montferrat, des comtes de Flandre, de Blois, de Saint-Paul, de Brienne et autres : Bien avons quenu que vostre seignors sont li plus hauts homes que soient sans Couronne. Cette citation semble être formelle pour conclure que le marquis de Montferrat et les autres comtes ne portaient pas alors de Couronnes. Du Cange trouve néanmoins que les ducs même en France, ont porté Couronne avant cette époque. Car nos Annales rapportent que Charles le Chauve au retour de Rome vint à Pavie, où il tint ses états, et qu’après avoir établi Boson, frère de sa femme, duc de ces provinces, et l’avoir ceint la tête d’une Couronne ducale, il vint en France : « Romam exiens, Papiam venit, ubi et placitum suum habuit ; et Bosone, uxoris suæ fratre, duce ipsius terra constituto, et corona ducali ornato, et collegis ejus in eodem regno relictis, ad monasterium Sancti Dionysii pervenit. » Nous lisons même qu’au temps de Geoffroy de Ville-Hardouin, les Couronnes de ducs étaient aussi en usage. Roger de Howden raconte que Jean, comte de Mortain, ayant appris en France la mort de Richard ier, roi d’Angleterre, son père, il se mit en route pour aller recceillir la Couronne, et que, passant par Rouen, le jour de la fête de Saint Marc, « accintus est gladio ducatus Normanniæ, in Matrici ecclesia, per manum Wateri, Rotomagensis archiepiscopi ; et prædictus archiepiscopus posuit in capite ducis circulum aureum, habentem in summitate per circuitum rosas aureas. »
Il est constant qu’aux sacres des rois, les ducs et les comtes qui avaient la qualité de pairs de France, ou ceux qui les ont représentés, s’y sont trouvés avec la Couronne sur la tête. Le Cérémonial français dit qu’au sacre de Charles VIII les pairs séculiers étaient vestus de manteaux, ou socques de Pairie, renversez sur les épaules, comme un épitoge, ou chappe de docteur, et fourrez d’hermines, ayans sur leurs testes des cercles d’or, les ducs à deux fleurons, et les comtes tout simples. (Du Cange — Glossarium — Des Couronnes des rois de France).
On doit ajouter que Charles V est le premier roi de France dont le contre-sceau porte un écu sommé d’une Couronne (1364- 1389).
La Couronne de la reine Catherine de Médicis, sommant son sceau armorial en bronze, dont l’original est conservé à l’Hôtel des Monnaies, à Paris, paraît être unique de son genre. Elle consiste en un étroit bandeau d’or, enrichi de pierres précieuses rondes, surmonté de quatre fleurs de lys alternées avec quatre feuilles d’ache, entre lesquelles quatre petites perles sont posées sur des pointes aussi d’or. Les fleurs de lys et les feuilles d’ache sont diadémées de huit demi-cercles croisés d’or, surmontés d’un trèfle aussi d’or. La figure, ci-contre, en est la reproduction exacte.
La réglementation des Couronnes, tant pour la noblesse que pour les princes du sang de France, n’a été complétée que sous le règne de François Ier, et probablement au moment où ce monarque prit définitivement lui-même la Couronne fermée, dont le cercle-bandeau resta toujours rehaussé de fleurs de lys, comme auparavant, pour signe du rang suprême. De là pour point de départ :
Le Prince héritier eût la Couronne entièrement ouverte à huit fleurs de lys ; et après la réunion du Dauphiné à la France, une Couronne close par quatre dauphins posés la tête en bas, issants du cercle-bandeau fleurdelisé, et réunis par la queue au sommet par une fleur de lys.
Le Prince du sang royal, non héritier du trône, la Couronne ouverte à quatre fleurs de lys et quatre fleurons d’ache alternatifs.
Mais l’une et l’autre de ces Couronnes avaient les cercles-bandeaux moins larges et les fleurs de lys moins hautes que ceux de la Couronne royale. Cette hiérarchie, ayant été jugée nécessaire pour désigner le rang de aucun des princes de la famille royale, elle dut provoquer et amener naturellement une semblable réglementation hiérarchique pour les Couronnes qui seraient attribuées désormais à chacun des titres nobiliaires de duc, marquis, comte, vicomte et baron, laquelle réglementation était désirée par les grands eux-mêmes dont la Couronne à fleurons, de même forme pour tous, causait des erreurs déplorables que tous aspiraient à voir cesser. Il est incontestable que cette règlementation date du commencement du xvie siècle, si ce n’est de la fin du XVe.
DESCRIPTION EXACTE DES COURONNES EN USAGE POUR LES DIFFÉRENTS TITRES NOBILIAIRES
Couronne de prince. — Un bonnet évasé en velours cramoisi, retroussé d’hermine et diadémé de quatre demi-cercles croisés d’or surmontés d’un globe d’azur sommé d’une croix et cintré d’or.
Couronne de duc. — Un cercle d’or, enrichi de rubis et d’émeraudes, surmonté de huit fleurons d’ache d’or, posés sur des pointes aussi d’or.
Couronne de marquis. — Un cercle d’or, enrichi de rubis et d’émeraudes, surmonté de huit fleurons d’or ; quatre de feuilles d’ache et quatre alternatifs formés de trois grosses perles, posées en trèfle.
Couronne de comte. — Un cercle d’or enrichi de rubis et d’émeraudes, surmonté de seize grosses perles de compte, élevées sur des pointes d’or.
Couronne de vicomte. — Un cercle d’or enrichi de rubis et d’émeraudes, surmonté de quatre grosses perles de conte, entre chacune desquelles eut une perle plus petite, posée un peu plus bas.
Couronne de baron. — Un cercle d’or enrichi de rubis et d’émeraudes, entortillé d’un collier ou chapelet de perles moyennes. Depuis certain temps, l’usage s’est répandu de surmonter le cercle d’or de cette Couronne, de quatre grosses perles. C’est une imitation de la Couronne des lords de la Grande-Bretagne. (Marquis Claude Drigon de Magny — Des couronnes héraldiques, Florence, 1878).
Couronne de chevalerie. — Dans les Pays-Bas espagnols et autrichiens, les souverains accordaient une Couronne de noblesse dite de chevalerie qu’on posait sur le casque. Elle se composait d’un cercle d’or, orné de rubis et de saphirs, surmonté de quatre feuilles d’ache, alternées avec quatre grosses perles, posées sur des pointes aussi d’or. Elle est encore concédée ainsi en Néerlande et en Belgique, aux simples écuyers ou nobles.
Couronne de prince Romain. — Les princes actuels créés par le Saint-Siége usent, par erreur, de la Couronne de prince du Saint-Empire Romain. Or, le Saint-Empire Romain n’existe plus depuis 1806. La Couronne de prince romain consiste en un étroit cercle d’or, enrichi de pierres précieuses, surmonté de seize pointes triangulaires aussi d’or.
La Couronne est fourrée d’un bonnet conique de pourpre se terminant en pointe, ainsi qu’on le voit sur les diplômes modernes des SFORZA CESARINI, ducs de Savelli, princes romains (1818). Elle surmonte un manteau de pourpre fourré d’hermine, sur lequel on pose les armoiries du titulaire.
Couronne du roi d’Aragon. — Il existe une médaille d’Alphonse v, surnommé le Magnanime, roi d’Aragon, (né en 1416, mort en 1458), gravée par Victor Pisanello, en Italie, représentant le buste de ce souverain, à côté duquel on voit sa Couronne qui est composée d’un cercle surmonté de quatre fleurons d’ache dont les interstices sont ornés de perles. Ces fleurons sont alternés avec quatre grosses perles et montés, comme celles-ci, sur des pointes curvilignes. (Trésor de numismatique et de glyptique, Paris, 1834).
Couronne de Russie. — Les anciens grands princes de Russie portaient sur la tête, non point une Couronne, mais un bonnet rond (Koibok), orné de perles et de pierres précieuses. La Couronne des tzars, au contraire, forme un bonnet conique. On conserve dans le Trésor du monastère de Saint-Alexandre Newski, à Pétersbourg, la toque ronde du prince Alexandre Newski.
Sur le cercueil de l’empereur de Russie, Alexandre ier, on plaça, en 1826, lors des obsèques de ce souverain, la Couronne impériale et la Couronne royale de Pologne. On y vit porter aussi les vieilles Couronnes de Sibérie, de Kazan, d’Astrakhan, de Crimée et de Géorgie, tirées du Palais des Armures (Oranjeinala Palata), dépôt précieux de joyaux et d’antiquités nationales.
Couronne impériale de la tzarine Elisabeth i — Parmi les Couronnes diverses dont les souverains russes ceignent tour à tour leur front dans la cérémonie du couronnement et qui figurent dans l’Atlas des Antiquités de l’Empire de Russie, aucune ne donne l’idée de plus de richesse et d’éclat que la Couronne impériale d’Elisabeth i. Il ne paraît pas que cette Couronne ait été conservée intacte au Trésor du Kremlin. Probablement, à une époque qui n’est pas connue, on en aura démonté les rubis et les diamants pour les disposer d’autre manière, suivant un caprice ou un goût plus moderne Cette Couronne rappelle la forme de la Couronne impériale actuelle des tzars dont elle parait être le type. C’est un diadème plutôt qu’une Couronne héraldique. Elle est formée d’un cercle de pierreries supportant deux parties semi-sphériques renflées à l’extérieur seulement. Le centre ou vide entre ces deux segments est traversé par un demi-cercle courbé portant à son sommet un globe surmonté d’une croisette de pierreries. Le travail en est tout à fait oriental et rappelle le style russe.
Couronne d’Irlande. — On ne peut pas refuser aux anciens Irlandais l’usage des Couronnes ; leurs annales en font souvent mention. On y trouve que l’Asiou, c’est-à-dire la Couronne de la reine épouse de Cahire-More, fut volée à l’assemblée de Téamor ; que Dorinog ô Brien, roi de la Momonie, et en partie de l’Irlande, avait emporté la couronne de ses ancêtres, lorsqu’il fit le voyage de Rome ; Ward, antiquaire de quelque réputation, dit que les rois d’Irlande paraissaient dans toutes les solennités, même dans les combats, la Couronne en tête. Cette marque de distinction fut fatale, selon Marianus Scotus, au monarque Brien-Boiromhe, à la fameuse bataille de Clontarfe, où il fut reconnu et tué par des fuyards Danois. Selon Hector Boétius, les rois d’Écosse, depuis Fergus jusqu’à Achaius, qui mourut en 819, portaient une Couronne d’or, unie en forme de palissade ou rempart, Militaris valli forma. On ne peut douter qu’ils n’aient emprunté cette enseigne de royauté de leurs ancêtres les Milésiens, comme ils en avaient tiré leur origine. On trouva, en 1692, à dix pieds en terre, une Couronne d’or en forme de bonnet ; ce furent des ouvriers qui la découvrirent en coupant de la tourbe dans un marais à Barnanely, autrement the Devils-Bit, dans le comté de Tippérary, en Irlande. Cette Couronne, qui pèse cinq onces d’or, est assez bien travaillée ; elle ressemble aux Couronnes des empereurs d’Orient, et est composée d’un casque et d’un diadème, selon la description qu’en fait Selden. Elle n’a ni croix, ni aucun autre attribut du christianisme, ce qui fait croire qu’elle a été faite à l’époque du paganisme. Cette curieuse pièce d’antiquité fut vendue à Joseph Comerford, et était conservée dans le château d’Anglure, en Champagne, dont il avait acheté la terre. Depuis cette époque, les journaux ont souvent fait mention de pareilles trouvailles dans des marais et tourbières. Il y a quelques années un sceptre d’or fut pareillement trouvé en défrichant un champ en Irlande. Il était travaillé en toile d’araignée, et presque tous les objets de cette nature et ornements qu’on a trouvés depuis sont travaillés de cette manière et avec beaucoup d’art. (P. O’KELLy, Essai historique sur l’Irlande, p. 53).
La Couronne princière en Irlande, au moyen-âge, était formée de trois feuilles de fraisier, montées sur un diadème d’or, telle que la portait les O’Neill, princes de Tvrone et de Clanaboy.
COURONNES, subst. fém. plur., marques de dignité sur les écus d’armoiries.
La Couronne du roi est un cercle de huit fleurs de lys, formé d’autant de demi-cercles qui soutiennent une double fleur de lys.
La Couronne du dauphin est un cercle de huit fleurs de lys, fermé de quatre dauphins en demi-cercles, dont les queues soutiennent une double fleur de lys. Ce n’est que depuis le règne de Louis xiv qu’ils la portent fermée.
La Couronne des enfants de France est un cercle surmonté de huit fleurs de lys ; la Couronne des princes du sang est semblable.
La Couronne ducale est un cercle à huit grands fleurons refendus. La plupart de ceux qui portent cette Couronne la mettent sur une toque de velours de gueules, terminée par une perle, à cause de leur titre de prince, ou de ce qu’ils prétendent descendre de maison souveraine.
La Couronne de marquis est de quatre fleurons et de trois perles en manière de trèfle entre chaque fleuron.
La Couronne de comte est un cercle d’or, à seize grosses perles au-dessus.
La Couronne de vicomte est un cercle d’or à quatre grosses perles au-dessus.
La Couronne de baron est un cercle sur lequel se trouvent, en six espaces égaux, des rangs de perles, trois à trois en bande.
La Couronne des vidames est un cercle sur lequel il y a quatre croix pattées, pour désigner qu’ils ont été établis afin de soutenir les droits de l’église.
Aucune Couronne de barons, comtes ou marquis ne pouvaient être mises sur les armes, sans y être autorisées par lettres-patentes en due forme, sous peine de 1500 fr. d’amende. (Arrêt du parlement, août 1663.)
Couronnes étrangères
Le pape porte sur son écu une Tiare, espèce de mitre environnée de trois Couronnes à fleurons l’une sur l’autre, la troisième terminée par un globe surmonté d’une croix, le tout d’or ; sur le derrière et au bas de la mitre il y a deux pendants.
L’empereur a sur ses armoiries une Toque en forme de tiare, avec un demi-cercle qui soutient un globe cintré, sommé d’une croix, le tout d’or ; il y a en bas deux pendants ou fanons.
Le roi d’Espagne porte sur l’écu de ses armes une Couronne dont la forme est semblable à celle de France, excepté qu’au lieu de fleurs de lys il y a des fleurons et un globe terminé par une croix pour cimier.
Les Couronnes des autres rois de l’Europe sont assez semblables à celle du roi d’Espagne.
La Couronne du grand-duc est un cercle à une fleur de lys épanouie à chaque face, et nombre de rayons aigus.
La Couronne de l’archiduc est un cercle à huit fleurons autour d’une toque d’écarlate, et un demi-cercle dessus, de dextre à sénestre, garni de perles, qui porte un globe cintré surmonté d’une croisette.
Les Couronnes des électeurs de l’Empire sont en manière de toque écarlate, rebrassées d’hermine, diadémées d’un demi-cercle couvert de perles, surmonté d’un globe terminé par une croisette.
Le doge de Venise portait sur ses armes et sur sa tête, les jours de cérémonies, une toque ducale d’étoffe d’or, avec quelques rangs de perles. On le nomme le Corne.
Les Romains avaient huit sortes de Couronnes pour récompenser les actions de valeur :
1° L’ovale, qui était de myrte, pour les généraux qui avaient vaincu sans effusion de sang. Ils étaient honorés du petit triomphe, qu’on appelait ovation ;
2° La navale ou rostrale, qui était un cercle d’or où il y avait des proues et poupes de navire gravées, pour un capitaine ou un soldat qui avait le premier sauté dans un vaisseau ennemi ;
3° La vallaire. C’était un cercle d’or ou d’argent, relevé de pals ou pieux, pour un soldat qui avait le premier forcé la palissade des ennemis ;
4° La murale. C’était un cercle d’or ou d’argent, sommé de tours, pour celui qui le premier avait monté sur la muraille d’une ville assiégée, et y avait arboré l’étendard ;
5° La civique. C’était une branche de chêne avec les glands, ou bien d’yeuse, pour celui qui avait sauvé la vie à un citoyen ;
6° La triomphale. C’était une branche de laurier (dans la suite on la fit d’or), pour un général qui avait gagné une bataille ou conquis une province ;
7° L’obsidionale ou graminée, parce qu’elle se faisait d’herbe appelée gramen, qu’on cueillait sur le lieu même. On la donnait aux généraux qui avaient forcé une armée de décamper ;
8° La castrense, qui se faisait d’or ou d’argent, et avait à l’entour des pieux de palissade qui faisaient comme autant de rayons. Elle se donnait à celui qui avait forcé le camp ennemi, ou qui avait gagné des tranchées et barrières où l’ennemi s’était fortifié
Courtoisie = ( Cte Philippe Michaux )

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 5 juin, 2008 |2 Commentaires »

La vie d’un Chevalier, 1171-1252, de Philippe Auguste à Saint-Louis

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La vie d’un chevalier, 1171-1252, de Philippe Auguste à Saint-Louis

Premier volume de la nouvelle collection  « Le reporter du temps », l’ouvrage nous mène sur les pas de Thibaut des Puys de Morsaing, chevalier médiéval, comme s’il avait été suivi par un photographe.
Les épisodes de la vie de ce personnage fictif sont prétextes à la mise en scène de matériels illustrant la réalité sociale de la France de Philippe Auguste à Saint Louis : son enfance à la campagne, la découverte du monde seigneurial, la Terre Sainte, les guerres, l’administration du domaine etc. Chaque scène proposée respecte au plus près la perception que nous avons de la réalité historique, telle qu’elle est actuellement conçue par les chercheurs.
112 pages
Plus de 160 photographies

ISBN : 978.2.35250.066.7

37,00 euros TTC

http://livres.histoireetcollections.com/publication-2109-la-vie-d-un-chevalier-1171-1252-de-philippe-auguste-a-saint-louis.html

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 27 mai, 2008 |Pas de commentaires »
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