Le glaive de l’Eglise médiévale

crosslivonia.png Le glaive de l’Eglise médiévale
 

 

Au cours des siècles précédents l’Église s’était enrichie. Ces dons, provenant des fidèles et des princes régnants, lui furent nécessaires pour assurer tant ses oeuvres de bienfaisance que son propre fonctionnement. Mais certains abus firent naître une horreur du pouvoir dissolvant de l’argent. Au sein du clergé, elle permit de saines réactions comme celle des ordres mendiants. Chez les fidèles elle en provoqua de néfastes, telles certaines déviations hérétiques. Il fallut que l’Église sévisse.Comme il fallut aussi qu’elle lève le glaive pour tenter d’arracher la Terre-Sainte à la domination musulmane. Mais si la délivrance du tombeau du Christ en fut le premier moteur, d’autres causes, notamment chez les princes la politique, prirent parfois le pas sur les préoccupations religieuses. Ce ne fut évidemment pas l’intention des papes, ni de l’Église.  

1 Les Hérésies

Deux sectes hérétiques virent le jour : Vaudois et Cathares. Elles constituèrent pour la société un réel danger. Prétextant, pour cause d’abus, vouloir réagir contre les richesses de l’Église, ces hérétiques entendaient en fait s’opposer à sa puissance. Visant l’autorité, ils menaçaient et l’Église et l’État en s’insurgeant contre l’ordre établi.

 

Les Vaudois

Pierre Valdez, du nom de son bourg natal de Vaux dans le Dauphiné, était marchand dans la ville de Lyon. Il était resté marqué par la lecture de la vie de saint Alexis, dont on avait fait au XI° siècle un remarquable ouvrage en vers, et qui relatait l’existence de ce jeune romain qui, au début du V° siècle, avait abandonné sa noble famille pour aller mendier sous le porche d’une église de Turquie, avant de revenir des années plus tard faire de même dans les églises de Rome, rentrant coucher le soir sous l’escalier de la maison paternelle, où son père, qui ne le reconnaissait pas, lui faisait jeter par ses serviteurs épluchures et détritus. Cet exemple de renoncement, et la mort subite d’un de ses amis au cours d’une fête, firent Pierre Valdez renoncer au monde.

Laissant une partie de sa fortune à sa femme et partageant le reste entre les indigents, il adopta une vie vouée à la pauvreté et la prédication errante. Ayant fait traduire la Bible en français et formé quelques disciples, il suivit l’exemple de l’Évangile en les envoyant deux par deux enseigner la Parole de Dieu, attendant tout de la charité de leurs convertis. Ils furent vite nommés les gueux de Lyon, mais soulevèrent l’hostilité du clergé. L’archevêque de Lyon s’opposa à leurs prédications et Rome désapprouva l’entreprise. Il faut dire qu’ils s’avéraient dangereux sur le plan social, condamnant sans distinction le travail, la propriété, le purgatoire, les indulgences, le service militaire, la peine de mort et le culte des Saints. Bientôt le troisième concile de Latran (1179) défendit d’une manière générale les prédications de ce genre, et le pape Lucius III déclara hérétiques Valdez et ses partisans, les excommuniant en 1184.

Les Vaudois, qui à l’origine voulaient rester soumis à l’Église, se séparèrent d’elle après cette condamnation. N’en tenant aucun compte ils entrèrent en lutte ouverte avec les autorités ecclésiastiques. Ils rejetèrent l’autorité de la hiérarchie, prétendant que seul le mérite personnel autorisait à conduire les âmes, et que de ce fait l’ensemble du clergé, du prêtre au pape, usurpait ses pouvoirs : spirituel, en distribuant les sacrements; temporel en jouissant de privilèges. Valdez s’était entre temps enfui en Bohème où il mourut en 1197. L’hérésie s’étendit autour de Lyon, vers le Nord jusqu’à la Lorraine, au Sud jusqu’en Italie, à l’Est en pays germaniques. Protégée à l’écart des hautes vallées alpines du Dauphiné et du Piémont, l’hérésie vaudoise survivra jusqu’au XVI° siècle, versant pour partie dans le protestantisme.

En effet, proches du manichéisme, ne gardant que deux Sacrements : le Baptême et la Cène, n’admettant que l’Écriture comme règle de foi, les Vaudois devançaient de plus de trois siècles la Réforme protestante.

Les Cathares (ou Albigeois) 1209-18

À la base de l’hérésie cathare se replace le Manichéisme, que nous avons rencontré au chapitre 5. Rappelons qu’il s’agit de la doctrine de Manès (240-274) dérivée du Gnosticisme, lequel, remontant au temps des Apôtres, était né de différents courants philosophiques tentant de concilier le christianisme avec certaines doctrines orientales et la mythologie grecque. Nous nous souvenons qu’en Orient, cette hérésie se répandit dans la Perse, l’Inde, le Tibet, la Chine, et qu’en Occident elle envahit le sud de l’Italie et la province d’Afrique, ce qui avait valu à Saint Augustin, avant sa conversion, d’en être lui-même adepte. Au X° siècle, l’hérésie avait gagné la Bulgarie, où Bogomile prêcha un manichéisme gouverné par Satan d’un côté et l’archange Michel de l’autre. Cent ans plus tard l’empereur fit brûler le médecin Basile son disciple, ce qui n’empêcha pas le mal de s’étendre jusque dans certains monastères. Ce fut l’époque où, d’Italie, il gagna le midi de la France, et apparut d’abord à Toulouse.

Nous retrouvons donc dans la doctrine des Cathares (du grec : « pur ») les deux principes divins en lutte éternelle : l’un bon, symbolisé par la lumière; l’autre mauvais, figuré par les ténèbres et maître de la matière. Or le mauvais principe a enfermé une partie des esprits dans la matière. Seul Dieu est en mesure de les délivrer par l’intervention de son Fils. Un Fils-ange, non corruptible, dégagé de toute matière, n’en ayant que l’apparence. Il ne sauve donc pas le monde par ses souffrances mais par son enseignement, apprenant à l’homme à se délivrer du joug de la matière. Ainsi le cathare rejette-t-il le pouvoir, les honneurs, le mariage, la propriété, la guerre, toute autorité temporelle. Il mate son corps par le jeûne et la mortification. Il favorise la mort de ce corps par la privation d’aliments voire tout autre moyen plus expéditif. Car ceux qui voulaient atteindre le plus haut degré de la perfection se laissaient mourir de faim. Bien entendu tous n’atteignaient pas un tel degré de négation physique, mais seuls les parfaits, qui recevaient alors le baptême du Saint-Esprit ou consolation par imposition des mains. Détachés de tous liens terrestres, ils partaient alors par paires, prêchant les masses et administrant à leur tour ce baptême de consolation. Les autres, les simples croyants, les « prêchés », vivaient comme le vulgaire mais s’engageaient à recevoir cette imposition des mains au seuil de la mort.

L’hérésie déborda rapidement autour de la Ville Rose, gagna Albi, s’étendit sur le Languedoc. Ses adeptes, que l’on nomma populairement les Albigeois, crurent mieux s’affirmer en se faisant persécuteurs des catholiques traditionnels. Pourtant, durant des années, l’Église persistera a vouloir ne réprimer l’hérésie que par des moyens pacifiques : nous avons vu au chapitre précédent le peu de succès rencontré par les prédications de saint Dominique et les efforts de saint Bernard. De 1198 à 1208, le pape Innocent III y déploya lui-même une louable énergie. Cependant depuis Rome, il ne pouvait réaliser combien, en Provence, le clergé était moralement affaibli, et par ses richesses que la noblesse enviait, et par le relâchement de ses moeurs, que le peuple critiquait.

Il fallut qu’un événement éclate pour changer les comportements : Ayant sollicité en vain l’intervention de Raymond VI de Toulouse contre l’hérésie, le légat du pape, Pierre de Castelnau, l’avait excommunié. Castelnau fut assassiné par un des écuyers du comte. Innocent III dut faire face et décida une croisade militaire. Prié d’en prendre le commandement, Philippe-Auguste se récusa, en guerre lui-même contre Jean-sans-Terre. L’armée et ses chefs fut donc constituée d’hommes du nord de la France placés sous les ordres du comte Simon de Montfort. Il rentrait de la quatrième croisade lorsqu’il se laissa entraîner en 1209 par l’abbé Guy, des Vaux-de-Cernay, à celle contre les Albigeois. Il se distingua à l’assaut de Carcassonne, mata assez cruellement quelques révoltes, conquit la citadelle de Mirepoix, les villes de Pamiers et de Saverdun, puis tout l’Albigeois. Fort de ces victoires il déclara en 1211 la guerre à Raymond VI de Toulouse. Sa victoire à Muret (1213) sur les armées de Raymond et de Pierre II d’Aragon le rendirent maître de tout le Midi, ce que reconnut le Concile du Latran de 1215. Pour peu de temps : il mourut en 1217, au moment où le fils de Raymond VI reprenait la Provence. La campagne ne se terminera qu’en 1229, sous le pape Grégoire IX. Elle aura duré vingt ans, longue et sanglante, rendue plus âpre encore par la querelle religieuse et l’antagonisme entre ceux d’Oïl et ceux d’Oc. Elle laissa les terres du Sud profondément ravagées. Mais tout à l’avantage du nouveau roi de France, Louis VIII, qui put ainsi étendre sa royauté au Midi et réaliser l’unité territoriale du royaume.

2 l’Inquisition

L’ordre public étant menacé, l’Église et l’État se prêtèrent un mutuel appui pour éradiquer l’hérésie qui, par ses doctrines antisociales, se montrait aussi dangereuse que n’importe quelle anarchie.

Jusqu’au XI° siècle, les hérétiques avaient été jugés par les tribunaux ecclésiastiques et soumis uniquement à des peines canoniques. Ce fut au moment de l’apparition de l’hérésie cathare que, pour la première fois, le pouvoir séculier agit contre eux. On comprend pourquoi : en cette époque médiévale, où l’unité de croyance était une valeur de civilisation, toute hérésie constituait un crime de lèse-société. l’Église et l’État luttèrent solidairement. Mais à la différence que si l’arme absolue de l’Église restait l’excommunication, l’État ne se privait pas de jugements plus contraignants, appuyé d’ailleurs par les réactions parfois violentes du peuple; et c’est ainsi que s’allumèrent les premiers bûchers.
Car, aux yeux des princes, l’hérésie était avant tout perturbatrice de l’ordre public. Qu’ils soient dévots comme Louis VII de France ou mécréants tels Barberousse de Germanie, les rois ne cessèrent à cette époque d’intervenir auprès du pape pour obtenir contre les hérétiques des
châtiments matériels. C’est ainsi qu’au concile de Vérone (1184), le pape Lucius III, sur l’insistance de Barberousse, décréta l’Inquisition (de inquisitio = recherche). Il ne suffisait plus de châtier les signes ostensibles de l’hérésie, il fallait traquer l’hérétique. L’évêque ayant, sur son diocèse, autorité pour le faire, il se vit confier la tâche peu enviable d’obtenir de chaque « délinquant » l’abjuration sous peine de châtiment, lequel restait du ressort civil.

Mais l’hérésie couvrant de vastes régions, et la coordination entre évêques étant entravée par les lenteurs de procédures, Grégoire IX, en 1231, se décida à confier le soin du châtiment matériel à une juridiction permanente et confia le rôle d’inquisiteurs aux Ordres mendiants : les Dominicains et les Franciscains, lesquels ne dépendaient que du pape. Il y eut donc deux inquisitions : l’une épiscopale, l’autre papale. Les conciles anticathares (Narbonne 1227 et Toulouse 1229) en organisèrent l’application en tous pays sauf l’Angleterre. Les trois principaux théâtres de l’inquisition furent la France, l’Italie et, plus tard, l’Espagne.

Évêques et légats appliquaient donc la même procédure, constituée de l’enquête, de la sentence et de la pénitence. Dès l’instant où l’enquête était décidée en un lieu donné, l’inquisiteur promulguait deux édits : l’édit de foi, ordonnant à tout fidèle la dénonciation des coupables d’hérésie sous peine d’excommunication; l’édit de grâce, dont l’effet était progressif. Il concernait les hérétiques, et leur accordait le pardon en cas d’abjuration dans un délai de trente jours de réflexion. Passé ce délai, le dénoncé devenait suspect, soumis à prison préventive ou en liberté sous caution. Il pouvait alors se repentir ou s’obstiner. Dans le premier cas l’inquisiteur le confessait et lui infligeait une peine canonique, telle qu’assistance à offices, pèlerinage, service en Terre Sainte. Dans le second, il le livrait au bras séculier. L’accusé encourait alors l’une des peines prévues par un large éventail : amende, confiscation des biens, démolition de la demeure, flagellation, cachot, torture, bûcher. Ces peines, rétrospectivement, paraissent bien lourdes; c’est méconnaître les moeurs du temps, d’une part (la torture ne fut abolie, en France, que sous Louis XVI!). C’est oublier aussi que, si parfois certains juges illustrèrent les faiblesses de tout tribunal, ou se montrèrent impitoyables (voire intéressés par les biens confisqués!), l’inquisiteur ecclésiastique fut le plus souvent miséricordieux dans sa ferveur à défendre la vérité religieuse. Les historiens reconnaissent que les Dominicains choisirent les inquisiteurs parmi les membres les plus recommandables de leur Ordre par leurs lumières, leur intelligence et leur courage. Ajoutons que, pour apprécier justement cette inquisition, il faut la distinguer de l’inquisition royale établie en Espagne au XV° siècle, dont nous parlerons plus tard, et dont la cruauté rendit odieux le nom des inquisiteurs.

3 Les Croisades

Si la cause première des croisades fut l’élan qui souleva la chrétienté entière pour délivrer le tombeau du Christ du joug musulman, elle fut loin d’être la seule. Pour ne parler que des religieuses, celles-ci furent sous-tendues par la nécessaire lutte de l’Église contre l’hégémonie croissante de l’Islam. À commencer par leurs nouveaux sévices, au XI° siècle, contre les chrétiens d’Espagne

Si la papauté a levé le glaive, ses efforts pour porter au plus haut point sa puissance n’eurent pas pour moteur une ambition personnelle des papes, mais le désir d’unir les volontés contre les ennemis de l’Église.

À l’origine des Croisades

Battus par Charles-Martel en 732, les Arabes avaient dû borner leur ambition à la possession de l’Espagne. Sous la domination des Omeyades depuis 796, les Mozarabes (chrétiens résidant en territoire musulman) n’y jouissaient que de bien maigres libertés et eurent à subir parfois de violentes persécutions. En 1031 les Espagnols réfractaires à l’occupation arabe organisèrent la résistance et, partant des Pyrénées vers le Sud, entreprirent la reconquête.

Le pape Alexandre II encouragea ce mouvement, invitant les chrétiens, par une bulle de 1063, à participer à l’expédition contre les Sarrasins d’Espagne. Les Français y furent sensibles, de même souche wisigothe. Leur influence était déjà grande, au delà des Pyrénées, du fait de leur action : fondation de la basilique de Ripoli, du monastère de Saint-Martin du Canigou, intervention de Cluny, en la personne de ses abbés saint Odilon et saint Hugues, dans l’aide à la réforme des monastères et du clergé espagnols. La renommée du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle acheva de convaincre l’opinion publique française du bien fondé d’une telle expédition. Aquitains, Bourguignons et Normands s’assemblèrent sous la conduite du duc d’Aquitaine, Guy Geoffroy, marchèrent sur l’Aragon, prirent Barbastro. Mais les Maures les en chassèrent en 1065.

De nouvelles forces se rassemblèrent; le pape Grégoire VII, secondé par les moines clunisiens, lança une invite pressante à tous les princes chrétiens. La première expédition internationale contre l’Islam s’organisa, le Champenois Eble de Roucy en prit la tête en 1078. Le duc de Bourgogne s’y joignit avec ses troupes. On courut porter assistance aux Espagnols. En 1085 Alphonse VI de Castille s’empara de Tolède, libérant ainsi une moitié de la péninsule. Saragosse, Valence et leurs terres résistaient. On s’y colleta avec le Maure, dont les forces vacillaient. C’est alors que, venus d’Afrique du Nord, les Almoravides apparurent. Ils mirent en déroute les chrétiens à Zalacca (1086). À l’appel du pape Urbain II, quatre armées françaises volèrent alors à leur secours. Français et Espagnols, côte à côte, continrent les musulmans au sud de l’Ebre. C’est ce que chante la Chanson de Roland.

À ce moment l’Islam cernait donc la Chrétienté, la menaçant au coeur de l’Espagne, à l’Est sous le Bosphore, et au centre contre la pointe de l’Italie, en Sicile occupée.

La première Croisade (1095-99)

La ville sainte de Jérusalem était occupée par les Arabes depuis 636. Jusqu’au XI° siècle, chrétiens et mahométans entretinrent des rapports assez pacifiques. Les navires arabes apportaient à Alexandrie et Constantinople de multiples denrées venues d’Extrême Orient et des Indes, que les flottes italiennes rapportaient à Bari, Gênes, Venise, avant qu’elles ne soient réparties dans toute l’Europe. Coopération commerciale aidant, les musulmans laissaient aux pèlerins chrétiens le libre accès à la Palestine et aux Lieux-Saints. Le calife Haroun-al-Raschid fit même don au IX° siècle des clés du Saint Sépulcre à Charlemagne.

Mais voici qu’au début du XI°siècle la tolérante domination arabe s’écroule en Asie, disparaissant sous la poussée des Turcs Seldjoukides, musulmans de race asiatique, descendant du Turkestan, au nord de la Perse. Déjà maîtres de Bagdad, ils envahissaient l’Asie Mineure : le Cappadoce, l’Arménie byzantine tombent sous leur coupe.

En 1073 Constantinople, qui se sent menacée, appelle Rome à son secours. Grégoire VII invite à l’union « tous ceux qui veulent défendre la chrétienté ». Mais la lutte qui oppose à ce moment le Sacerdoce et l’Empire (querelle des investitures, chapitre 10) paralyse toute action. Les Turcs avancent toujours : la Syrie est prise, Nicée est réduite. En 1078, les Turcs s’emparent de Jérusalem, centre du monde chrétien. Face à l’impossibilité de se rendre dorénavant dans ce fervent lieu de pèlerinages, le monde chrétien est bouleversé.

À partir de cet instant, l’objectif de l’Église fut de libérer le tombeau du Christ. Et l’objectif de l’Empire, qui craignait de voir s’interrompre les relations économiques entre l’Asie et l’Europe, fut d’empêcher les Turcs de couper les cités méditerranéennes d’avec les marchés d’Orient. Motif politique et motif religieux vont avoir partie liée, chacun s’appuyant plus ou moins habilement sur l’autre, ce qui n’ira pas sans déboires. Mais la première croisade fut d’abord l’effet de la ferveur religieuse et l’oeuvre du pape.

Élu en 1088, Urbain II fut aussitôt ému par les plaintes des pèlerins revenus de Palestine, et inquiet des progrès terrifiants des Almoravides en Espagne qui, souvenons-nous, venaient de battre les chrétiens à Zalacca. Dès 1089 il encouragea la lutte contre les Maures, qui devint sa seconde préoccupation majeure, après celle de la réunification de l’Église.

Or Constantinople à nouveau menacée fit appel à l’aide de Rome, offrant en retour l’union des Églises. Urbain II réunit immédiatement le concile de Clermont-Ferrand (novembre 1095) auquel assistèrent des milliers de chevaliers Français, Italiens et Anglais. Il leur narra les souffrances des pèlerins en Palestine et appela les chrétiens aux armes pour la défense du Saint Sépulcre. Au cri de « Dieu le veut! » la première croisade fut décidée. Le pape ayant cité la parole du Christ : « Qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne de moi » (Mt X 38), les auditeurs adoptèrent comme insigne une croix d’étoffe rouge qu’ils cousirent sur l’épaule droite ou la poitrine. D’où leur nom de Croisés. Le pape promit aux croisés l’indulgence pleinière au plan spirituel et, au temporel, la suspension de leurs dettes, la protection de leurs familles et leurs biens en leur absence, et invita les prédicateurs à relayer son action.

Le prêcheur le plus ardent et les plus éloquent fut le moine Pierre d’Amiens dit Pierre l’Ermite. Il fut si convainquant que, moins de trois mois après Clermont (en février 96), sans attendre les armées féodales lentes à s’organiser, plus de quarante milles hommes et femmes du peuple, de tout âge, sans attendre leurs seigneurs, se mirent en route sous la direction de Pierre l’Ermite et du chevalier normand Gauthier Sans Avoir. Vinrent s’y adjoindre, au fil des routes, des pèlerins allemands, flamands, anglais. Mais, sans armes et sans ressources, ces bandes misérables, qui jalonnèrent leur parcours de quelques regrettables violences, parvinrent décimées à Constantinople. Les survivants qui, contre le gré de Pierre l’Ermite, voulurent traverser le Bosphore, furent exterminés par les Turcs deux cents kilomètres plus bas, à Nicée, en octobre 1096. Ainsi finit la croisade populaire.

Durant ce temps, quatre corps d’armée composant la croisade seigneuriale prenaient le départ pour Constantinople, empruntant des itinéraires différents pour des raisons de facilité de ravitaillement :

Les Français du Nord (Godefroy de Bouillon et Baudoin des Flandres) en traversant l’Allemagne et la Hongrie.

Ceux du Midi (Raymond de Toulouse) en passant par l’Italie du nord puis en longeant la côte dalmate.

Ceux d’Île de France (Hugues de Vermandois, frère du roi) s’embarquant sur la côte adriatique à Barletta, Bari et Brindisi pour aller traverser l’Albanie et la Macédoine.

Les Normands d’Italie (Bohémond de Tarente et Tancrède) suivant le même itinéraire que les précédents.

La jonction s’opéra à Constantinople, à la fin 1096. Aucun roi n’étant présent dans la croisade (pour la raison que ceux de France, d’Allemagne et d’Angleterre étaient excommuniés!), les croisés ne s’étaient pas donné un chef d’expédition. Alexis Comnène, empereur de Constantinople, pris de crainte à l’idée de devoir nourrir une telle multitude, songea aussitôt à les employer à la reconquête des territoires que les Turcs lui avaient enlevés. Il offrit donc aux Croisés de joindre ses propres troupes aux leurs moyennant cette contrepartie.
Les croisés passèrent en Asie Mineure, prirent Nicée, battirent l’armée turque de Soliman à Dorylée, investirent encore Edesse (1097). Puis la marche fut terrible, à travers le désert hostile, la colonne sans cesse attaquée par surprise, jusqu’à la Syrie, où l’on butta contre Antioche fortifiée.
Le siège dura huit mois. La cité tomba (1098), les croisés y pénétrèrent, avant d’y être à leur tour assiégés par des troupes turques fraîches. Nouveaux combats, nouvelle victoire, la route de Jérusalem est libre. Les croisés parvinrent sous ses murailles truffées de défenses, exténués, mourant de soif. Dès le vendredi à trois heures, dans un fol et héroïque assaut, confiants et transportés au souvenir de la Crucifixion, ils brisèrent toutes les résistances turques (juillet 1099). Depuis leur départ de Constantinople, trente mois plus tôt, ils avaient enduré des luttes et des souffrances indicibles, laissé en route 600 000 cadavres.
L’armée chrétienne était réduite à quarante mille hommes.

En Palestine furent alors créées quatre principautés : Le glaive de l'Eglise médiévale dans L'ordre des Templiers etatschCliquez sur la carte (72k) pour agrandissement
Le royaume latin de Jérusalem, dont le roi proclamé fut Godefroy de Bouillon. Par respect pour la Couronne d’épines, il refusa d’en porter le diadème. Son frère Baudoin lui succédera dès l’année suivante (1100) lorsqu’il décédera, victime de la peste.

Puis la principauté d’Antioche, et les comtés d’Edesse et de Tripoli. L’ensemble fut partagé en fiefs au profit de chevaliers occidentaux On avait agrandi la terre conquise : vers le Sud on s’étendit jusqu’à la Mer Rouge. Avec l’aide des commerçants de Marseille, Gênes et Venise on aménagea les ports de Jaffa, Saint-Jean-d’Acre, Beyrouth. Les pèlerins recommencèrent à affluer. Il fallut organiser leur accueil et subvenir à leurs besoins. On dut créer à cet effet les ordres militaires, dont nous parlerons plus bas.

À certains égards les institutions de l’Orient latin furent enviables, si l’on en croit le recueil de coutumes, rédigé au XIII° siècle sous le titre d’Assises de Jérusalem. Mais la domination des États chrétiens en Orient fut éphémère de par leur propre faute. D’une part, parce que l’unité de commandement fit défaut, et que les quatre principautés ne furent pas des exemples d’entente confraternelle. D’autre part l’indiscipline des Latins et la susceptibilité défiante des Grecs engendra des démêlés regrettables avec Constantinople, qui affermirent le schisme grec. Ce qui attrista le pape, qui avait vu dans la croisade un moyen de renouer avec Constantinople à la faveur de l’action commune .

Cependant, tandis que les chrétiens s’installaient, les Turcs reprenaient souffle : les Seldjoukides, un moment affaiblis par les propres divisions, retrouvèrent leur cohésion sous le commandement de Zenghi, le sultan de Mossoul. Le danger fut de nouveau là : Edesse fut prise en 1144, et Jérusalem menacée.

Seconde (1147-49) et troisième Croisade (1190-91)

La prise et la destruction d’Edesse par les Turcs rallumait le danger sur la Ville Sainte et les états chrétiens, et provoqua, pour des raisons différentes, l’inquiétude de l’Église et de l’Empire. Comme Urbain II l’avait fait à Clermont au seuil de la première expédition, saint Bernard prêcha la seconde croisade à Vézelay. En 1145 le roi Louis VII annonça son projet de croisade à l’assemblée de Bourges. En 1147 l’Assemblée d’Étampes se réunit pour pourvoir à la garde du royaume durant l’absence du roi. Louis VII et Conrad III d’Allemagne prirent le commandement de l’expédition, constituée d’armées des deux nations. Une opération toute militaire, donc, d’effectif réduit mais discipliné et entraîné. L’échec fut cependant complet : après une pénible traversée de l’Asie Mineure, les croisés attaquèrent en vain les défenses de Damas puis d’Ascalon, et battirent en retraite poursuivies par les cavaliers du sultan Nourredine. Louis VII, Conrad et les leurs reprirent le chemin du retour, laissant derrière eux une puissance turque renforcée.

Nourredine, les mains libres, put se tourner vers les états chrétiens d’Orient, les quatre principautés. Son successeur, le sultan Saladin, les prit en tenailles entre Nord et Sud à un moment où la mésentente régnait entre leurs féodaux. Entrant en Palestine, il écrasa l’armée du royaume de Jérusalem et s’empara de la Ville Sainte (juillet 1187). Ne restaient entre les mains des chrétiens que Tyr, Antioche et Tripoli.

Nouvelle consternation en Europe. Le pape Urbain III alerta les rois, les pressant de reprendre une nouvelle fois le tombeau du Sauveur. Trois souverains revêtirent le signe du croisé : l’Allemand Frédéric-Barberousse, le Français Philippe-Auguste et l’Anglais Richard-Coeur-de-Lion, ces deux derniers suspendant la guerre qu’ils étaient en train de se livrer. Français et Anglais prirent séparément le départ de la troisième croisade à Vézelay en 1190, embarquèrent à Marseille et partirent par mer, évitant tout conflit avec les peuples traversés. Cette nouvelle méthode sera celle des futures expéditions. Les Allemands, qui avaient repris l’ancienne route terrestre, parvinrent en Cilicie, la terre de saint Paul. Mais là, après la mort accidentelle de leur empereur Barberousse noyé dans les eaux du Selef, ils abandonnèrent l’expédition. Richard, lui, avait pris l’île de Chypre au passage et, en compagnie de Philippe, entreprit le siège de Saint-Jean-d’Acre. Le port tomba enfin entre leurs mains après deux ans d’efforts (1191). Aussitôt, laissant Richard en Palestine, Philippe-Auguste reprit la mer et, reniant la réconciliation, s’entendit avec Jean-sans-Terre pour envahir les domaines de Richard. Qui se décida alors au retour en 1192. Mais ceci est une autre histoire.

Un siècle après le concile de Clermont les chrétiens, du fait de leurs dissensions, avaient perdu leurs états d’Edesse et de Tripoli, et ne possédaient plus de leur royaume de Jérusalem que la côte et les ports de Saint-Jean-d’Acre, de Tyr et de Jaffa. Encore les commerçants de Marseille, Venise et Gênes pouvaient-ils se consoler un peu de la possession de Chypre, prise par Richard, et de la Petite Arménie, une bande côtière de la Cilicie, conquise par les Allemands (voir la carte des états chrétiens de Palestine). Quant à Saladin, il comprit que son propre intérêt en affaires lui dictait de laisser aux pèlerins chrétiens l’accès au Saint Sépulcre.

Les Croisades sous Innocent III (4°&5°)

La délivrance de la Terre Sainte fut l’un des principaux objets de la politique du pape Innocent III. Il commanda donc aux prêcheurs d’annoncer la quatrième croisade. L’un d’eux, Foulques, curé de Neuilly, convainquit Thibault de Champagne, Louis de Blois et Simon de Montfort. Philippe-Auguste, excommunié du fait de son divorce, ne prit pas part à l’expédition, dont le commandement fut confié en 1204 au marquis Boniface de Montferrat. La voie maritime s’étant avérée la plus sûre, les croisés décidèrent d’embarquer sur la côte adriatique. Ils négocièrent la traversée avec la flotte de Venise, alors à l’apogée de sa puissance maritime et commerciale du fait de sa situation privilégiée entre Orient et Occident.

Ce qu’ils ignoraient c’est que, par un accord occulte avec les musulmans, les Vénitiens s’étaient engagés à détourner la croisade. Henri Dandolo, le rusé et habile doge vénitien, commença par exiger un raid préalable contre Zadar, un port rival de la côte dalmate. Zadar était une ville chrétienne. Malgré l’interdiction d’Innocent III les croisés s’en emparèrent, et furent aussitôt excommuniés par le pape. La croisade s’engageait mal.

L’armée prit alors le chemin de Constantinople, pour rétablir sur le trône Alexis l’Ange, qui venait d’être renversé et qui promettait, en plus des avantages qu’il assurerait à ses libérateurs, de rétablir l’union avec l’Église latine. Mais une fois en possession de son trône, Alexis oublia ses promesses. Le châtiment ne se fit pas attendre : les croisés, pour la seconde fois prirent d’assaut Constantinople et y restèrent. Un patriarche latin fut établi. Devant de tels résultats le pape ne put que lever l’excommunication.

Un empire latin se substituera donc durant plus d’un demi siècle (1204-61) à l’empire byzantin. Le croisé Beaudoin de Flandres en fut nommé empereur, tandis que les Vénitiens installaient des comptoirs sur toutes les côtes de la péninsule. Ce seront les Bulgares qui, harcelant la frontière nord du nouvel empire latin en affaiblirent les armées au point qu’en 1261 Michel Paléologue pourra s’emparer de Constantinople et rétablir la domination grecque.

La « croisade des enfants »

Le chroniqueur Albéric des Trois-Fontaines rapporte qu’en 1212 un jeune berger nommé Étienne parcourut la campagne autour de Vendôme en criant : « Seigneur Dieu, relève la chrétienté! » Une armée d’enfants, de femmes et d’adolescentes se forma. Beaucoup furent renvoyés dans leurs foyers, d’autres le suivirent, puis d’autres encore, vagabonds en chemin. Mille cinq cents dit-on parvinrent à Marseille qui, embarqués sur sept navires, périrent en mer ou furent vendus comme esclaves en terre d’Afrique. Une même folie fut évitée en Allemagne, arrêtée par l’évêque de Brindisi qui s’opposa à l’embarquement.

La cinquième croisade (1219-21)

Innocent III mourut en 1216 sans avoir connu la libération du Saint Sépulcre. Jusqu’à son dernier souffle pourtant il aura oeuvré pour le départ d’une cinquième croisade, qu’il proclama au concile du Latran de 1215. Elle se mit en route quatre ans plus tard, sous les instances d’Honorius III. Conduite par André de Hongrie elle échoua au pied du Mont Thabor. Elle fut reprise par Jean de Brienne. Celui-ci, sans l’aide des barons des états chrétiens, attaqua l’Égypte et s’empara de Damiette, clé du Nil. Saint François d’Assise, qui vint au campement, tenta sans succès de convertir le sultan d’Égypte Aladil. Militairement, une remontée jusqu’au Caire eût assuré la victoire, mais une querelle interne fit perdre à Brienne un temps que l’ennemi mit à profit en détruisant les écluses et noyant le delta. Brienne dut se replier et rembarquer. La croisade se soldait par un échec.

La sixième croisade (1228-29)

Embarquée sur l’Adriatique à Brindisi, elle fut évoquée précédemment (chapitre 11, §12) au cours du conflit opposant l’empereur Frédéric II d’Allemagne au pape Grégoire IX. Rappelons que Frédéric, qui était avant tout un politique, partit de mauvaise grâce et en état d’excommunication. Au lieu de se battre, il négocia avec le sultan d’Égypte et obtint pour dix ans la cession à son profit de Jérusalem, Bethléem et Nazareth. Les dix années écoulées, Jérusalem retomba aux mains des musulmans.

Les Croisades de saint Louis (7° et 8°)

Allait-on perdre à jamais le tombeau du Christ ? Le pape Innocent IV et le concile de Lyon (1245) adressèrent à la chrétienté un nouvel appel auquel répondit Saint Louis. Dès l’année précédente, au cours d’une maladie qui avait mis ses jours en danger, il avait fait le voeu de prendre la croix. Aussi fut-il heureux de répondre à l’appel du pape. Malgré les instances de la reine Blanche, sa mère, il s’embarqua pour la septième croisade à Aigues-Mortes en 1248 et toucha terre devant Damiette, à la tête de trois mille chevaliers. Car il avait décidé, à l’exemple de Jean de Brienne trente ans plus tôt, d’attaquer le sultan Eyoub non en Syrie mais en Égypte, au coeur de sa puissance. La ville ne succomba qu’a l’issue d’un siège de cinq mois et demi, et les croisés se mirent en marche vers le Caire. Mais parvenus à Mansourah les croisés furent attaqués. L’hécatombe fut grande chez les chevaliers, parmi lesquels fut tué le comte Robert d’Artois, frère du roi. La retraite fut ordonnée. Mais, minée par une épidémie, harcelée par la flotte et les troupes égyptiennes, l’armée dut capituler (avril 1250). Tous furent faits prisonniers. En échange de Damiette saint Louis obtint sa libération personnelle et versa 400 000 besants pour la rançon des croisés survivants.

La nouvelle des malheurs et de la captivité de saint Louis avait causé une vive émotion en France. Des troupes de paysans jugèrent bon de se mettre en route pour le délivrer. Partie de Flandre cette expédition, que l’on nomma la croisade des pastoureaux, amassa sur son passage bons et mauvais sujets. Les éléments perturbateurs firent tant de dégâts au long des routes que la population, excédée, pourchassa les voyageurs comme des brigands.

Une révolution, intervenue au Caire aussitôt après la capitulation des croisés, donna le pouvoir aux Mameluks. Saint Louis put se maintenir en Terre Sainte et y restaurer les fortifications des places côtières qui restaient à la chrétienté : Saint-Jean-d’Acre, Césarée, Jaffa, Sidon. En 1254, la mort de sa mère, la reine Blanche, le contraignit au retour.

Cependant Saint Louis repartit en mars 1270, à la tête d’une armée péniblement rassemblée, pour une ultime croisade. Dernière de la chrétienté contre l’Islam et dernière pour lui-même. Il voulait tenter une nouvelle expédition contre l’Égypte, mais Charles d’Anjou son frère l’avait persuadé de s’emparer d’abord de la Tunisie. Le débarquement fut facile, mais Tunis résista. Durant le siège la peste s’abattit sur le camp chrétien. Le roi fut contaminé. Il voulut mourir sur un lit de cendres, devant la ville, édifiant toute son armée par sa piété et son courage. C’était en août 1270, cinq mois après le départ. Sur la pointe de Carthage se dresse la cathédrale érigée par le cardinal La Vigerie, chef des Missions. Son autel marque l’emplacement de la couche de saint Louis.

Conséquences des Croisades

Quels furent les résultats des croisades ? Si leur but premier, qui était de délivrer les Lieux Saints et d’abord le tombeau du Christ, ne fut pas réalisé, d’autres résultats furent atteints.

Tout d’abord elles retardèrent les conquêtes des Turcs, et délivrèrent l’Europe de leur péril, tout comme Charles Martel, cinq siècles plus tôt, l’avait délivrée du péril arabe.

Au plan humain, elles ont fait découvrir à des multitudes des horizons neufs, contribuant ainsi à élargir l’intelligence des chrétiens. On peut de même considérer que les nations européennes, unies dans le combat contre l’Islam, apprirent à se connaître, et que les guerres privées disparurent pour quelque temps, contribuant ainsi à l’affaissement de la féodalité.

Au plan économique, les relations commerciales entre Europe et l’Asie se multiplièrent, et cette activité survécut à la domination latine en Orient. L’Europe, qui entretenait déjà des relations régulières avec les musulmans d’Espagne et d’Afrique, comme avec les Grecs, vit son commerce et son industrie trouver encore de nouvelles sources et nouveaux débouchés.

Au plan culturel, on peut affirmer que les croisades ont accéléré la diffusion en Europe des idées, des usages et des produits des peuples orientaux, comme de la science byzantine et arabe. Ainsi nos arts, nos lettres, nos sciences furent-ils influencés à l’école des Arabes et des Grecs.

En un mot, malgré leurs défaites matérielles et morales, leurs aspects trop souvent politiques et mercantiles qui vinrent dominer l’idéal religieux, les croisades nous laissent le sentiment d’avoir apporté un progrès à la civilisation occidentale.

4 Les Ordres militaires

Les ordres religieux militaires furent, durant les croisades, l’image de la chrétienté en armes contre les musulmans. Des ordres qui durent, pour être fidèles à l’esprit de leur institution, unir la pratique de la vie religieuse à la bravoure du soldat.

Nous avons dit qu’au cours de la première croisade, lorsque les pèlerins recommencèrent à affluer vers les Lieux Saints, il fallut les accueillir, les entretenir et les défendre. Donc organiser des services : l’hébergement, les soins, la protection. Dès 1099 fut créé l’ordre des chevaliers hospitaliers de Saint-Jean, qui eut pour berceau l’hôpital de ce nom à Jérusalem. Ce fut à l’origine une simple congrégation de moines chargés de l’accueil des pèlerins et des soins aux malades. Après la perte de la Terre Sainte, ils se replieront sur Chypre, puis Rhodes et enfin Malte. De là leurs noms de chevaliers de Rhodes et chevaliers de Malte qu’ils portèrent successivement.

Plus tard, en 1118, furent institués les chevaliers du Temple, ou Templiers, ainsi nommés parce qu’ils logeaient dans une partie du palais royal à Jérusalem, que l’on croyait bâti sur l’emplacement du Temple de Salomon. Leur organisation est due à saint Bernard, au concile de Troyes (1128). Les Templiers furent, à l’origine, d’un grand secours aux chrétiens d’Orient, dont ils assuraient la protection. Mais, ensuite, leur ambition et leur égoïsme nuisirent aux intérêts qu’ils étaient chargés de défendre. Après la perte de Saint-Jean-d’Acre ils se retirèrent en Europe.

Enfin, durant la III° croisade, en 1191, naquit l’ordre des Frères de la Maison allemande, les Chevaliers Teutoniques, dont la mission fut de défendre les pèlerins allemands en Terre Sainte. En 1226 ils regagnèrent l’Europe pour lutter contre les slaves païens troublant la chrétienté en Prusse.

Ces ordres, dits « militaires » comportaient trois classes de moines : les chevaliers, les prêtres (ou chapelains), et les frères servants. À la tête de chaque ordre était placé le grand maître assisté du chapitre. Chaque ordre était réparti en provinces, chacune correspondant à une nation, elle-même subdivisée en bailliages comprenant plusieurs maisons ou commanderies.

Ces moines étaient soumis au mêmes voeux que les autres; pauvreté, chasteté et obéissance. Soldats, ils portaient l’armure sous le froc. La règle leur imposait la bravoure et leur interdisait la reddition. Les croisés repartis, ils restèrent, tels une armée permanente, possédants des châteaux forts : Margat, le Crac, Tortose.

Il nous faut citer enfin deux ordres fondés durant les croisades d’Innocent III (4° et 5°), et qui se consacrèrent au rachat des chrétiens réduits en esclavage par les musulmans. Il s’agit des Trinitaires, institués en 1209 par saint Jean de Matha et saint Félix de Valois; et de l’ordre de Notre-Dame de la Merci établi dans le même dessein par saint Pierre Nolasque et saint Raymond de Pennafort.

conclusion

Deux combats virent se lever le glaive de l’Église médiévale : à l’intérieur, contre les erreurs des Vaudois et des Cathares; au dehors contre l’hégémonie grandissante de l’Islam. Aucune de ces luttes ne fut exempte d’abus : l’Inquisition, en livrant les hérétiques persévérants au « bras séculier », en faisaient parfois les victimes de la violence, voir de la vénalité de certains juges. Les croisades, également menées avec l’aide des pouvoirs civils, mirent en évidence tout autant les rivalités des seigneurs que leur trop fréquentes arrières pensées politiques ou mercantiles. Mais Dieu, respectueux de la liberté de choix qu’il a accordée à l’homme en contrepartie de sa responsabilité, saura toujours trouver, dans la boue de nos actions, la pépite d’or pur qu’il versera au trésor, pour Sa plus grande gloire et le bénéfice de la « communion des saints ».

Publié dans : L'ordre des Templiers |le 29 mai, 2010 |Pas de Commentaires »

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