
Salah Eddine El-Ayyoubi (Saladin)
La Bataille de Hettine (Hattin) (juillet 1187)
La grande bataille de Hattin, appelée aussi la bataille du lac de Tibériade, eut lieu au mois de juillet 1187 pas loin de ce lac (Galilée, en Palestine) entre les armées croisées du royaume chrétien de Jérusalem, dirigées par Guy de Lusignan, et l’armée musulmane commandée par le grand et illustre héros Salah Eddine El Ayyoubi (1138-1193) que les Occidentaux appellent Saladin.
Contexte historique des événementsAu début du Xe siècle, le monde musulman devait faire face à de grands dangers extérieurs que représentaient les tentatives chrétiennes pour occuper l’Orient, en plusieurs fois, durant presque trois siècles, appelées les croisades, mais qui échouèrent toutes, malgré d’éphémères succès qui donnèrent un peu d’illusions à la papauté et aux nobles chrétiens portés par l’aventure vers l’Orient.
Malgré tout, les chefs croisés réussirent à fonder des royaumes en Syrie et en Palestine, tels que le royaume de Jérusalem dont le trône revint à Guy de Lusignan, gendre du roi Baudouin, décédé en 1185. En ce temps-là, une trêve liait les musulmans à ces royaumes, mais à la fin de 1186 l’un d’eux, Raymond de Châtillon, seigneur de Tripoli, brise la trêve en vigueur en attaquant une caravane musulmane, qui se rendait du Caire à Damas. Il en massacre les hommes et emprisonne les commerçants et les caravaniers dans sa citadelle d’Al-Karak, puis attaque d’autres caravanes allant en pèlerinage à La Mecque, qu’il projette même de détruire.
Le sultan Salah Eddine se montra patient et fit preuve de diplomatie et de sagesse, préférant se consacrer entièrement à la gestion de son pays délabré par de nombreuses années de guerre civile et entre seigneurs arabes et les croisés. Il venait d’achever l’unification des musulmans et la trêve, qu’il a personnellement signée avec Raymond de Tripoli, doit lui permettre de préparer le djihad, Il pensait que le moment de la rompre n’était pas encore arrivé. Il envoya donc des émissaires porteurs de messages d’indignation à Renaud de Châtillon, mais le somma de respecter la trêve, de relâcher les prisonniers et de restituer les biens saisis. Méprisant, Renaud lui répondit avec beaucoup d’insolence. Ce fut le casus belli de la reprise des hostilités.
Reprise de la guerre
Salah Eddine rassembla alors un peu plus de 12 000 combattants, à Damas, la grande métropole arabe, puis dès le mois de mars, assiégea certaines citadelles (Al Karak, Shaubak, Banias).
Pendant ce temps, les croisés s’enlisaient dans leurs querelles internes. Raymond de Tripoli refusa de prêter hommage au nouveau roi de Jérusalem, Guy de Lusignan. Celui-ci, désireux de se débarrasser de son rival, qu’il accuse de complaisance envers les musulmans, se prépara à attaquer Tibériade, qui appartenait à la femme de son rival. Alerté, ce dernier conclut une alliance avec Salah Eddine qui débloque la ville. En avril 1187, conformément à leur alliance, Salah Eddine demanda à Raymond de Tripoli de laisser ses éclaireurs faire une reconnaissance du côté du lac de Tibériade. Le comte, embarrassé, accepta. Il exigea, cependant, que les soldats musulmans quittent son territoire et ne s’en prennent ni aux biens ni aux personnes. Le mois suivant, 7 000 cavaliers musulmans passent sous les murs de la ville et rencontrent 150 chevaliers de l’Ordre du Temple qui ont attaqué une colonne près de Saffuriya (nord de Nazareth). Seuls trois d’entre eux parviennent à s’enfuir, dont le maître de l’Ordre du Temple : Gérard de Ridefort, les autres furent tués.
Suite à cela, Raymond se repent et met ses forces à la disposition de Guy de Lusignan. En juin, les Francs sont enfin prêts. Ils ont réuni une grande armée formée de 2 000 chevaliers (dont 1 200 chevaliers de l’Ordre du Temple et des Hospitaliers) et 13 000 fantassins. Ils sont soutenus par 40 000 mercenaires, dont 2 500 cavaliers et 7 000 fantassins payés et armés par les Templiers. En face, de nouvelles troupes ont déjà rejoint Salah Eddine qui dispose, désormais, d’environ 60 000 soldats.
Début de la bataille
Aux alentours de la ville de Saffuriya, les combattants musulmans se sont regroupés sur la colline qui surplombe la plaine. Ils étaient à l’abri de toute attaque et disposaient de vivres en quantité et d’eau à volonté, grâce aux fontaines de la cité. Pour forcer les Francs à venir à lui, Salah Eddine imagina un stratagème habile.
Il fait attaquer la cité de Tibériade où se trouve toujours l’épouse de Raymond de Tripoli. Ses troupes réussissent à prendre la ville basse, qui est incendiée, et poussent la population à se réfugier dans la forteresse, tout en laissant passer des messagers qui rejoignent l’armée franque, à Saffuriya toute proche. Dans un premier temps, les Francs ne se précipitent pas. Raymond de Tripoli pense que la forteresse était capable de résister, de plus, il considère qu’une telle entreprise est risquée. La route était difficile et l’eau peu abondante.
Renaud de Châtillon accuse son allié de lâcheté alors que le maître des Templiers, Gérard de Ridefort, finit par convaincre le roi de Jérusalem de mettre l’armée en branle. Cette dernière, divisée en trois corps, se met en route le 1er juillet. Il faisait chaud et les réserves d’eau sont vite épuisées. Salah Eddine avait pris soin de faire combler les puits et d’empoisonner les trous d’eau qui pouvaient servir aux croisés. Sans jamais engager le combat, ses cavaliers harcèlent ses ennemis de tous côtés de leurs flèches, et ralentissent leur marche.
Cette tactique réussit si bien, qu’au soir du 3 juillet, Guy de Lusignan proposa de rejoindre le village de Hattin où se trouvait l’un des rares points d’eau de la région. Mais Salah Eddine eut connaissance de cela et lui barra la route. Au coucher du soleil, les Francs sont obligés de bivouaquer pour la nuit ; ils sont harcelés constamment, et doivent veiller pour la troisième nuit consécutive.
La rencontre décisive
Au matin du 4 juillet, la journée était chaude. Salah Eddine mit en position ses troupes afin de bloquer toute tentative de fuite, et fait mettre le feu aux broussailles. Le vent poussa la fumée et le feu vers les rangs des combattants croisés. Sans eau pour se rafraîchir, ces derniers étouffent sous leurs imposantes cuirasses, cependant ils luttent pour tenter d’atteindre le lac de Tibériade. Repoussés, ils sont obligés de se rassembler sur un monticule appelé les Cornes de Hattin, dominant la plaine voisine. Raymond de Tripoli parvint à se créer une brèche vers Saffuriya en compagnie de ses chevaliers et de certains barons. Quelques groupes réussissent également à s’enfuir vers la ville portuaire de Tyr.
Les troupes restantes défendent leur position, la bataille était acharnée avec beaucoup de morts, aussi bien du côté des croisés que du côté des musulmans, et des milliers de blessés agonisèrent. La tente royale croisée tomba aux mains des musulmans et symbolisa la défaite franque, alors que le roi et ses grands barons parviennent tout juste à trouver refuge dans la forteresse de Tibériade.
Une victoire salutaire et décisive
Au matin du jour suivant, les croisés, abattus et le moral affecté, quittèrent la forteresse et se rendirent à leurs vainqueurs. Parmi eux, se trouvaient, en particulier les rois de Jérusalem, de Jaffa et d’Ascalon. Renaud de Châtillon, responsable de la défaite, est décapité pour parjure, Gérard de Ridefort, maître de l’Ordre du Temple, le seigneur d’Outre-Jourdain et de Montréal, et beaucoup d’autres encore furent faits prisonniers. Tous les chevaliers, Templiers et Hospitaliers survivants, à peu près 300, furent immédiatement écartés et décapités à Damas sur la place publique, car considérés comme les plus redoutables ennemis de l’Islam. Les autres chevaliers francs sont faits prisonniers, mais épargnés. Les mercenaires au service des Francs, les traîtres et les renégats furent châtiés. Les autres combattants sont faits prisonniers et réduits à l’esclavage. Le roi de Jérusalem est conduit à Damas, avec les autres nobles capturés, en vue d’être libérés contre une rançon.
Les conséquences de la bataille de Hattin
Un peu plus de 30 000 soldats (Francs et musulmans), en une journée, trouvèrent la mort lors de cette bataille. La fine fleur de la chevalerie franque a été anéantie. Les musulmans infligèrent aux croisés une sévère défaite psychologique, car ces derniers avaient perdu la relique de la Vraie Croix, emblème de la chrétienté.
La Palestine passa aux mains de Saladin qui prit, en juillet, la citadelle de Tibériade, les cités de Saint-Jean-d’Acre, de Césarée de Sidon et de Jaffa. Cette dernière résista plus longtemps à l’armée d’al-Adel, venue d’Egypte, mais finit par tomber et ses habitants furent vendus comme esclaves. Les mois suivants ce fut le tour de Beyrouth, d’Ascalon et de Gaza. En septembre, Salah Eddine assiégea Jérusalem, défendue par une forte armée composée de milliers de soldats.
La ville tomba le 2 octobre 1187 mais ne fut pas pillée, les habitants qui en ont les moyens furent libérés contre des sommes modiques. Les autres finiront comme esclaves. Les Templiers négocièrent leur sortie et Salah Eddine conclut un marché avec notamment Balian d’Ibelin qui s’était juré de détruire les lieux saints musulmans si la ville et ses habitants n’étaient pas épargnés. Cependant, Salah Eddine en tenant sa promesse, a évité de verser inutilement du sang.
De même qu’il avait permis aux chevaliers d’Acre et d’Ascalon de s’exiler à Tyr, et ceux de Jérusalem rejoignent aussi cette ville fortifiée formidablement. En novembre, enfin, le sultan mit le siège devant cette ville portuaire bien défendue par ses remparts. Les Francs réussissent à incendier une partie de la flotte musulmane, et obligent Salah Eddine à lever le siège. Sur le chemin du retour, il ne manqua pas de prendre encore les villes de Lattaquié, de Tartous et de Safed en Syrie.
Cette défaite des croisés chrétiens à Hattin marqua le début de l’écroulement des Etats latins d’Orient constitués dans la précédente période. Seules résistèrent encore un peu les puissantes citadelles frontalières que les Francs n’ont pas dégarnies, et que Salah Eddine négligea auparavant. A la fin de l’année, les Francs ne possédaient plus que les villes forteresses de Tyr, d’Antioche et de Tripoli (Liban), avec quelques bourgades isolées mais fortifiées. Cette bataille mit fin à la deuxième croisade, mais pas un terme aux guerres entre les musulmans et les chevaliers croisés, guerres qui se poursuivront encore pendant près d’un siècle et demi. Elle eut pour autre résultat de modifier considérablement l’équilibre des forces aux dépens des chrétiens. Cependant, une fois connue en Occident, elle provoquera un vigoureux sursaut des principaux rois et monarques féodaux parmi lesquels l’empereur Frédéric Barberousse, de l’Empire germanique, le roi de France, Philippe Auguste, et le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion. Avec les renforts immenses qui afflueront, la troisième croisade commencera peu de temps après.
Mihoubi Rachid ( Nouvelle Republique)
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