
Tout d’abord, pour comprendre les motivations des hommes du Moyen Age il faut resituer le contexte de la fin du XI et du début du XIIe siècle et en accepter les règles qui le régissent.
L’Église romaine tente de sortir de la crise qu’elle a connue au début du Xe siècle. Le clergé a perdu de son prestige : il se prête aux simonies et au nicolaïsme et sape ainsi l’autorité morale de l’Église. . Le mal est grand et profond, au douzième siècle. En 1107, le roi Philippe 1er , avec le consentement du pape Pascal, expulse les religieuses de Saint-Éloi, à cause de leur impudicité. En 1119, le pape Calixte II excommunie les simoniaques, ceux qui exigent de l’argent pour administrer les sacrements, et interdit le concubinage aux prêtres, aux diacres et sous-diacres. En 1127, le pape Honorius renouvelle les mêmes défenses . En 1129, Suger expulse de leur couvent les religieuses d’Argenteuil, à cause de leur mauvaise conduite, au nombre desquelles se trouve Héloïse, femme d’Abélard théologien, philosophe et compositeur français, père de la méthode scolastique considéré comme hérétique au vu de ses positions théologiques et doctrinaires sur la question de la trinité.
Les premiers objectifs du concile de Clermont sont donc de tenter de poursuivre l’œuvre entamée par Grégoire VII afin de restaurer une certaine rigueur : Urbain II est issu du mouvement clunisien et réaffirme les grands principes édictés par ses prédécesseurs : la « trêve de Dieu » et la « paix de Dieu ». Plus largement, la Paix et la Trève de Dieu sont une tentative de contrôle de la violence féodale par l’application de sanctions religieuses. Ce mouvement a constitué la première tentative organisée de contrôle de la société civile dans l’Europe médiévale par des moyens non-violents. Il débute en 989 et a survivra sous des formes variées jusqu’au XIIIe siècle
Mais les dernières années du XIe siècle sont une succession de mauvaises récoltes et le peuple, encouragé par certains prédicateurs, y voit une punition divine et un appel à la pénitence.
L’appel à la croisade est l’occasion de souder la chrétienté dans une quête sacrée et d’offrir aux seigneurs l’occasion de « purifier leur âme ». En effet, une indulgence plénière (absolution de tous les péchés) est accordée à ceux qui entreprennent le voyage.
Elle permet en outre de restaurer une certaine paix en offrant un exutoire aux pulsions belliqueuses des nobles européens qui peuvent ainsi assouvir leur soif de conquête et de richesse tout en assurant le salut de leur âme.
Mais ce siècle est aussi une explosion des savoirs. Philosophes, rhétoriciens, dialecticiens, grammairiens, mathématiciens, musiciens, sont tous en France et donnent des cours dans toutes les villes. Les étudiants du monde entier y affluent, et reçoivent leur savoir en latin. Un savoir au centre duquel le Sacré occupe une place privilégiée. L’homme est à la recherche de Dieu, il pense pouvoir le trouver en lui. Les regards se tournent naturellement vers la Terre Sainte. vers Jérusalem.
En 1119, Hugues de Payns, originaire de Champagne, Geoffroy de Saint-Omer et sept compagnons d’arme proposent au roi Baudoin II de Jérusalem la mise en place d’une troupe permanente. Un ordre à la fois militaire et religieux qui garantirait la défense de la ville sainte. Il assurerait également la liberté et la protection des routes aux pèlerins allant de Jaffa à Jérusalem.
Ils font voeux devant Gormond de Piquigny, Patriarche de Jérusalem, de se consacrer à la protection des pèlerins en Terre Sainte et ils obtiennent de Baudoin II le droit de demeurer dans l’aile du Palais-Royal. Le Palais qui jouxte l’ancienne Mosquée El Aqsa, là où s’élevait l’antique Temple d’Hérode détruit mille ans plus tôt, et qui avait été lui-même reconstruit sur les ruines du Temple de Salomon.
Faisant vœux de chasteté de pauvreté, et d’obéissance, ils porteront le nom de Pauvres Soldats du Christ. Pendant neuf ans, ils oeuvreront sans faille. En 1128 le Saint-Siège s’engage officiellement,à l’issue du concile de Troyes.
L’ordre des chevaliers du Temple est né et va rayonner sur toute l’Europe.
Mais, tout cela est l’histoire officielle de sa naissance. On aurait pu la poursuivre en disant « Ils vécurent heureux, et eurent beaucoup de petits Templiers »…
Mais, un véritable mystère plane encore autour des motivations, les vraies, qui ont poussé quatre hommes remarquables à créer l’Ordre. Il s’agit du comte de Champagne, de Hugues de Payens son vassal, de Bernard de Clervaux et de son oncle André de Montbard. Ils oeuvrent tous en Champagne et sont étroitement liés.
Hugues de Payns a effectué au moins deux voyages en Orient au lendemain de la première Croisade, en 1104-1105 et en 1114-1115, les deux fois en compagnie du Comte. Le comte est très proche de l’abbé de Citeaux et fait venir dès son retour de Terre Sainte, un moine de l’Abbaye de la Chaise-Dieu, spécialiste des textes hébraïques. Etrange cette passion soudaine pour l’hébreux…
Bernard de Clervaux, jeune moine de Citeaux, sera installé sur les terres offertes par le comte quelque temps plus tard, où il fera construire une abbaye. Quatre années passent, le comte renvoie Hugues de Payens en Terre Sainte, et reste en France auprès de sa femme qui lui impose de tenir ses engagements de Seingneur, d’Epoux et de père.
Mais, ne tenant plus, sept ans plus tard, il renie sa femme et son fils, abandonne ses terres et ses richesses (il était plus riche que le roi)., et rejoint les neufs chevaliers.
Pour quelle raison, un homme riche, possédant des terres, une femme, et un héritier aurait-il tout abandonné ? Surveiller des routes et protégé des pèlerins ? Peut-on objectivement penser qu’une armée de dix chevaliers aurait été suffisante pour une action d’une telle envergure ? De nos jours certainement, mais au sein d’une grande production hollywoodienne …
A ce moment, ce qui l’attend en Terre Sainte est, à l’évidence, plus important…
Dès lors on peut penser à beaucoup de choses. Pendant neuf ans, les neufs chevaliers vécurent à proximité du Temple de Salomon, ils y auraient trouvé quelque chose. Selon G. Delaforge, ils auraient découvert certaines reliques, des manuscrits contenant l’essence des traditions secrètes du Judaïsme et de l’Egypte ancienne, certains remontant probablement à Moise, d’autres prétendent qu’ils seraient tombés sur des rapports d’espions juifs relatant de la véritable identité et des agissements de Jésus. Selon Louis Charpentier, ils y auraient dégagé l’arche d’alliance contenant les tables de la loi.
Mais ce dont nous sommes certains est qu’un rapport officiel d’un archéologue israélien atteste que les neuf chevaliers y pratiquèrent des fouilles : Qu’un tunnel s’étendait à plus de trente mètres depuis le mur Sud et s’arrêtait devant des éboulis.
Un autre mystère reste à prendre en considération : Pourquoi l’Eglise aurait-elle cautionné la création de cet ordre ? Qu’avait-elle a y gagner ? Si les fouilles du Temple ont réellement rapporté ce que l’on suppose alors tout devient clair : Le Saint-Siège était redevable, mais il devait aussi protéger son secret.
Mais, mes très chers F\, mes très chères S\, n’oublions pas le contexte de l’époque, celui qui plaçait le Sacré au centre de l’homme. Dans les campagnes, les provinces, et dans les villes la nuit, l’insécurité règne : « La bourse ou la vie ? » Rappelez-vous ces paroles, elles proviennent du moyen-âge. Les peuples d’Europe sont encore païens. De l’Ecosse, jusqu’en Espagne les hommes et les femmes restent attachés aux traditions celtiques et le clergé manque de rigueur. Ce qui est intolérable aux yeux de l’Unique et Vrai Dieu.
L’Eglise va donc créer l’Ordre dans l’unique but d’accroître le nombre de ses fidèles, d’apporter rigueur à son clergé, et d’étendre la « trêve de Dieu » et la « paix de Dieu », tout en payant sa dette aux neufs chevaliers.
Comment s’y prend elle ?
Premièrement, elle cautionne à l’issue de concile de Troyes la création de l’Ordre. Elle le rend officiel devant Dieu, les rois et les hommes.
Deuxièmement, elle s’assure de l’action des chevaliers de l’Ordre en faisant écrire en séance lors du même concile, une règle qui fait des chevaliers des moines. Elle s’assure donc de pouvoir les juger et s’en débarrasser en cas d’hérésie.
Troisièmement, elle renforce son pouvoir vis-à-vis de celui des rois. Elle fait des templiers des hommes d’Eglise, sans pour cela les faire appartenir au clergé. Soumis à aucun impôt. L’Ordre est un état dans l’Etat, une Eglise dans l’Eglise. Elle rappelle ainsi qu’elle est au-dessus des hommes, au-dessus des rois.
Quatrièmement, elle rend son secret inaccessible, l’Ordre ne rend des comptes qu’au Pape en personne.
Cinquièmement, elle donne une image différente de celle véhiculée par les déviances de ses propres abbés.
Sixièmement, elle encourage les Seigneurs et petits propriétaires terrien de faire don d’une partie de leur bien. Par l’intermédiaire des chevaliers, elle s’installe partout en Europe et propagera la parole de Dieu.
Septièmement, pour donner une raison mystique à la création d’un ordre armé, et ainsi cacher ses intérêts premiers, elle conçoit une immense campagne publicitaire en relançant les Croisades qui ont cessé depuis plus de trente ans. Car l’Eglise est toujours obsédée par la reconquête de la Terre Sainte.
Tout est en place, le pouvoir du Temple et de l’Eglise va s’étendre sans commune mesure et vivre plus de deux siècles…
♫Mon F\ Jean-pierre, aux colonnes d’Harmonie, va vous faire entendre une chanson composée par Thibault de Champagne, arrière petit fils du neveu de Hugues de Champagne, j’ai bien dit neveu, n’oubliez pas le comte a renié son fils. L’autre branche de la famille a donc pris la succession de ses terres (TROUBADOURS piste 2. durée : 1 :54)
Leurs actions
Dès lors, des centaines de nobles, de milliers de vilains, et même certains rois confient la protection de leur richesse, de leur Terre, de leurs réseaux routiers, aux milices frappées de la croix rouge. D’autres dans les mêmes proportions prêtent serment et rejoignent les rangs des troupes ou des chevaliers moines. Car ne l’oublions pas, il s’agit bien d’une armée à la tête de laquelle commandent des moines armés qui ont fait vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance. Deux théâtres d’opérations militaires : l’Orient et l’Occident.
En orient, les Croisades causent des milliers de morts. Sarrasins, et templiers se disputent sans cesse la moindre parcelle de terre. L’Eglise n’a pas, à l’évidence, mesuré les pertes en vie humaine que ses guerres provoqueraient. Elle n’a pas non plus pensé que certains cadets de la noblesse, dépourvus de bien par droit d’aînesse, vont pour leur profit personnel s’allier avec l’ennemi, n’hésitant pas à poignarder leur frères.
A cette époque en ces lieux éloignés, la Terre Sainte est piétinée, déchirée par la haine, les massacres, les pillages et les viols, mais encore par la trahison, et la barbarie d’hommes et de femmes qui de toute façon n’ont rien à perdre. La rédemption de leurs péchés leur est déjà accordée… et les trésors des pillages leur reviennent…
En Occident, les Templiers ne prennent part à aucun combat (excepté contre les musulmans en Espagne et au Portugal). Ils sont en place pour réaliser une grande oeuvre civilisatrice, une mission sociale plus importante que les croisades : Ils vont nourrir les hommes, les protéger, les instruire, développer leur commerce et leurs relations et enfin les aider à construire leur spiritualité. Une spiritualité dont le vecteur est celui de la Foi et non celui de la connaissance.
Pour rassembler les fidèles, l’ordre lance les grandes constructions, des constructions qu’il finance à lui tout seul : C’est l’essor du style gothique issu de l’ordre cistercien de l’abbaye de Citeaux, vous avez bien entendu : encore Citeaux. En 2 siècles 200 cents églises laïques sont construites et ce sont des églises pour le peuple, ainsi que la majorité des principales cathédrales et des abbayes… soit plus que durant les 7 siècles à venir !
Les templiers patrouillent sans cesse le long des routes marchandes, ils sécurisent les échanges, permettent la mise en place d’un commerce à l’abri des bandits de grands chemins. Les commanderies templières, en dehors de la juridiction royale, ne sont pas soumises aux taxes et impôts. Les artisans et les commerçants y affluent. Ils inventent la « lettre de change ». Cryptée et infalsifiable, elle est l’ancêtre du chèque. Elle permet dès le XIIe siècle de déposer de l’or dans une commanderie et d’en retirer l’équivalent dans une autre et ce jusqu’à Jérusalem. Tous ces échanges de biens et de personnes jusqu’en Orient véhiculent aussi les modes de pensées. Le pont culturel entre l’Orient et L’Occident prend un envol considérable avec l’Ordre et ceci malgré les Croisades dévastatrices.
Les Templiers sont aussi à l’origine des noms de famille. Le nom que nous portons à certainement pris naissance à cette époque.
Leur action est semblable dans toutes l’Europe. De L’Ecosse jusqu’en Espagne, l’Ordre du Temple unifie les peuples. La communauté européenne existe déjà au XIIe siècle et s’étend au-delà de la Méditerranée …
♫Aux colonnes d’harmonie, vous allez entendre un chant grégorien, « Ave Maria ». Ce chant est chanté par les moines bénédictins de l’abbaye de Clervaux, mais je l’ai aussi choisi parce qu’il est l’un des plus connue, mis en musique par Schubert, Brahms, Verdi, et d’autre mais aussi par Mozart. (CHANT GREGORIENT piste 11. durée : 1:05)
Les symboles de l’Ordre
La règle donna aux chevaliers de nombreux symboles dont Bernard de Clervaux était à l’origine.
Le vêtement blanc, la blanche chlamyde : Ce signe de l’innocence et de la chasteté. Les Frères inférieurs, « famuli et armigeri » durent porter le vêtement noir. « Les servants, les escuiers », doivent porter robes « noires ». Les simples chapelains devaient aussi conserver le vêtement noir; mais du moment où ils devenaient chevaliers de sainte Église, c’est-à-dire, s’ils étaient élevés à la dignité de l’épiscopat, ils avaient le droit de revêtir le manteau blanc, après en avoir demandé avant, « mult humblement et dévotement », l’autorisation au maître et au couvent (art. 434 Règle française).
La Croix Rouge pattée : En 1146, Bernard fera accorder par le pape Eugène III, son disciple, tant aux chevaliers qu’aux Frères servants, le droit de mettre la croix rouge sur leurs manteaux du côté gauche, a sinistra. La croix rouge, ce signe du martyre , ce signe qui obligeait ceux qui en étaient décorés à ne jamais lâcher pieds dans les batailles , armés ainsi du signe de la croix contre les ennemis du Christ.
Le crâne rasé la barbe longue : Les chevaliers avaient le crâne rasé et la barbe longue. Le crâne rasé est comme la tonsure riche en symbolisme : Il indique le renoncement aux amours sensuelles, l’abandon des désirs, et des biens temporels, un sacrifice pénitentiel de soi-même, et surtout une ouverture aux influences célestes. La Barbe est un symbole de virilité, de courage et de sagesse. Dans le chapitre deuxième, Bernard de Clervaux met les chevaliers en garde contre les « habitudes et la fin » de la chevalerie. Je ne dirai pas écrit-il, en qualifiant la chevalerie du moment « de cette milice, mais de cette malice », « hujus non dico rnilitiœ, sed malitiœ ». A quoi vous servirait-il de combattre, alors que le résultat serait la mort ou le crime? Vous ornez vos chevaux de housses de soie brodée et de riches caparaçons, vous faites peindre vos armes et vos boucliers, vos selles sont incrustées de pierres précieuses, les harnachements de vos chevaux, vos étriers, vos éperons sont d’or et d’argent, et vous allez ainsi imprudemment à la mort; ce sont là des ornements à l’usage des femmes. Est-ce que le fer de l’ennemi ne pénètre pas ces soieries et ces ornements ? Rien de tout cet attirail n’est nécessaire à un combattant qui doit toujours veiller et rester sur ses gardes, prompt à l’attaque et à la défense. Vous entretenez votre chevelure comme les femmes, « fœmineo ritu comam nutritis » ; vous laissez croître vos cheveux longs et épais, vous vous gênez ainsi la vue, vous enveloppez vos mains de longues manches; parmi vous surgit le vain désir de la gloire et des promesses terrestres ». Il leur rappelle ainsi qu’ils sont là pour faire la guerre et non pour parader.
Le Baucent est le gonfanon de l’ordre. C’est un tissu bicolore noir et blanc. Un damier à deux carreaux. Trois versions majeures existent, une simple sans la Croix pattée, une avec la croix uniquement dans la partie blanche, une dernière avec la croix à cheval sur les deux carreaux. Le blanc représente le Divin, Jésus-Christ. Il est pur comme leur blanche chlamyde. Le noir, ce contre quoi ils se battent, les ennemis du Seigneur, les ennemis de l’Unique et Vrai Dieu. La croix à cheval sur les deux carreaux implique de par sa position que pour passer des ténèbres à la lumière, il faut appliquer sa Foi en Jésus-Christ. Une autre façon de faire son chemin. Mais plus généralement, l’étendard est associé à l’idée de mobilité, aux phases de la respiration, il est le pont entre l’air et la Terre, entre le Divin et sa création. Il capte les énergies divines et les distribue grâce à l’axe vertical former par la hampe. La Règle précise encore que la bannière est portée par le maître (ce qui devait être rarement le cas, compte tenu de ses fonctions de commandement) ou par le maréchal ou son assistant et gardé par des frères-chevaliers qui doivent l’entourer « le mieux qu’ils pourront ». Un frère-chevalier ne doit « laisser le gonfanon pour aucune raison ». Ce n’est que lorsque le dernier étendard aura « tourné à déconfiture » qu’il pourra lui-même s’enfuir et se réfugier « là où Dieu le conseillera ».
L’abacus du maître : Bâton surmonté d’un disque sur lequel est gravé la croix pattée. C’est à la fois bâton de commandement spirituel et temporel, proche de la crosse pastorale de l’évêque. Son étymologie est incertaine, mais si on considère sa racine latine « abactio » qui veut dire chasser, éloigner cet objet possède symboliquement des pouvoirs magiques.
Le Sceau de l’ordre : Un cheval monté par deux chevaliers regardant de front, parfois ils sont représentés dos-à-dos. Certains disent que les chevaliers étaient si pauvres qu’ils n’avaient qu’un cheval pour deux. Mais il est évident que c’est un symbole de Dualité. Chacun des deux chevaliers protège l’autre. Ils sont complémentaires, ils sont frères. Bernard de Clervaux voulait associer pour la conquête et la conservation de la Terre sainte l’épée spirituelle et l’épée temporelle, qui, à cette époque, étaient solidaires en matière de gouvernement et de juridiction. « Il faut sortir les deux glaives», écrit-il au pape Eugène . « Deux espées sunt, par lesquelles toz li pueples doit être governés espirituellement et temporalement, car l’une des espées doit être espirituel, et l’autre temporel. L’espirituel doit être laissé à Sainte Église, et le temporel aux princes de la terre; quand une espée a mestier l’autre, elles s’entredoivent aider… l’espée temporel doit toz jors estre appareillé pour garder et deffendre Sainte Église toutes les fois que mestier est ».
Abraxas Panthée : La figure centrale en est un être composite réunissant un buste et des membres supérieurs d’homme, le buste vêtu d’une cuirasse à l’antique, les bras étant nus. La tête est celle d’un coq, bec droit ou levé vers le ciel, tournée vers la droite ou vers la gauche. Les membres inférieurs sont constitués de deux serpents recourbés vers le haut. Le monstre tient deux objets, une rondache dans la dextre et un fouet ou flagellum dans la sénestre, parfois remplacé par un bâton. Cette curieuse figure cumule plusieurs symboles de nature « mythicodivine » dont la valeur initiatique ne pouvait pas échapper aux Templiers. D’après Bernard Marillier, dans son livre intitulé « Essai sur la Symbolique Templière », il écrit que les deux symboles sont complémentaires le coq – qui remplace en l’occurrence l’aigle – et le serpent. Symbole de la sagesse et de la vigilance, le coq, par son chant, chasse les ténèbres et permet au soleil de se lever et de briller. Il incarne l’Initié qui renaît après la mort initiatique de la nuit à la lumière d’une vie nouvelle et purifiée de toutes les souillures. Je me rappelle encore mes interrogations, alors que j’étais plongé dans l’obscurité, quelque temps avant ma naissance.
Les nombres du Temple :
Le 2 : La dualité. Deux chevaliers sur un seul cheval. Les deux couleurs du Baucent. La guerre blanche et noire. L’Ordre officiel et l’ordre occulte. L’Orient et L’Occident. La construction Gothique : Deux arcs-boutants opposés et reflets l’un de l’autre. Les deux épées nécessaires à leur mission, l’épée spirituelle et temporelle.
Le 3 : Les 3 voeux de religion (communs à tous les ordres monastiques), les 3 aumônes obligatoires par semaine, les 3 jeûnes annuels, les 3 repas par jour ,les 3 repas carnés par semaine, les 3 présentations du novice devant le Chapitre avant sa réception, l’obligation d’accepter le combat à un contre trois, les 3 assauts de l’ennemi avant la riposte du Temple, les 3 chevaux que le Templier recevait lorsqu’il partait en expédition, l’obligation pour tout Templier de se figer à 3 pas devant l’abacus du maître, les 3 messes par semaine que les chapelains de l’Ordre devaient célébrer, les 3 baisers initiatiques, dits « baisers obscènes », les 3 signes de croix que les Templiers devaient faire avant d’engager le combat, les 3 couleurs du Temple, les 3 provinces du Temple d’Orient, les 3 hauts dignitaires de l’Ordre ayant préséance sur tous les autres Templiers : le maître, le sénéchal et le maréchal, les 3 groupes à cheval de frères-chevaliers composant un escadron du Temple, les 3 fenêtres ou groupes de fenêtres qui éclairent souvent les églises et chapelles de l’Ordre, les 3 travées des églises et chapelles templières.
8 : Les 8 jours de pénitence que doit subir un Templier fautif d’une faute vénielle, les 8 sacrements que recevaient les Templiers, les 8 angles de la croix pattée et alésée, les 8 articles du serment prêté par le futur Templier. Le 8, succédant aux 7 jours de la Création, représente le « passage » à une autre vie, une renaissance et une résurrection.
Le 9 : Les 9 fondateurs traditionnels de l’Ordre, les 9 Templiers nécessaires pour constituer une commanderie, les 9 provinces du Temple d’Occident. Selon Bernard Marillier, le 9 est la mesure des gestations et symbolise la récompense des efforts et l’accomplissement de la création. Nombre de la neuvaine (neuf jours de prière), source de grâce, le 9 (Énée) est le nombre de degrés (les échelles de Jacob et de joseph d’Arimathie comptent 9 barreaux) que doit franchir celui qui cherche Dieu. Pour trouver Dieu il faut ressusciter en Lui et par Lui, il faut donc passer par le huit avant. Pour ceux qui connaissent le Tarot, la neuvième lame est l’Ermite ou le Pèlerin. Enfin, le 9 est le nombre de celui qui réalise la volonté divine.
L’Ordre du Temple en quelques chiffres
Au début du XIIe siècle, les rangs du Temple comptent 9000 hommes !
Peu avant sa dissolution :
- 9000 Commanderies dans toutes l’Europe.
- Au XIVe siècle, les revenus estimés ont une valeur équivalente à 10 millions d’Euro d’aujourd’hui.
- Plusieurs milliers d’hommes. Il fallait au moins neuf templiers pour tenir une commanderie. Soit près de 100 000 hommes rien que pour cette fonction.
- Une flotte d’une dizaine de galères, et de galions. Certains navires spécialisés dans le transport des troupes, d’autres des chevaux, et enfin des vivres et des armes.
- Des ports ouverts sur toutes les mers : Majorque pour la méditerranée, La Rochelle pour l’Atlantique, et au nord, les ports de Boulogne, Barfleur, ainsi que les ports des villes flamandes. Toulon était une commanderie maritime importante.
Déjà bien des raisons de le jalouser sa puissance et d’ entreprendre sa destruction.
♫Gaucelm Faidit (1172 – vers 1203) est l’un des troubadours les plus féconds de son temps. Il aurait pris part à la quatrième croisade (1202 – 1204) avant de revenir dans son Limousin natal pour y mourir vers 1203. Il reste de lui 65 chansons ainsi qu’une dizaine d’autres compositions d’attribution moins certaine. Nous allons écouter une de ces compositions « jamais nuill temps ». (TROUBADOURS 1 :35. piste n°9)
Raisons de la dissolution de l’Ordre
Les banques templières sont tellement sûres que les rois eux-mêmes y déposent leurs richesses, comme les bijoux de la couronne en Angleterre. En France, le comptable du roi ainsi que beaucoup de receveurs des impôts sont des templiers. Le Temple cède à la pression et finit par fournir la rançon demandée pour la libération de St Louis (somme de 30.000 livres d’or que lui seul peut rapidement réunir. Il prête 500.000 livres d’or à Philippe le Bel pour la dote de sa fille. Il est interessant de noter que la dote de sa fille est plus importante que celle de la rançon d’un Roi. A son apogée, le Temple dispose rien qu’en France de plus de 2000 commanderies… or chaque commanderie dirige des fermes, des granges, des forêts. Plus de 2000 km² du territoire français échappent à toute taxe, impôt et appartiennent aux Templiers !
L’Ordre du Temple était détesté du clergé, de la noblesse, du tiers-état et du peuple. Du clergé à cause de ses privilèges d’exemption, de son indépendance, de son affranchissement de toute juridiction ecclésiastique. De la noblesse, parce que l’Ordre tenait, sous sa mainmorte, des fonds des possessions considérables, dont il ne devait aucun des services féodaux réels et personnels. Du tiers-état, à cause de son orgueil et du faste qu’il étalait partout dans Paris.
Philippe le Bel eut pour objectif de faire rentrer dans son domaine ces biens considérables. Le Roi voulut combler les vides du trésor épuisé, créer des ressources au moyen de perceptions de droits de mutation, de droits de lods et ventes, de droits de francs-fiefs à payer par de nouveaux possesseurs. Le but du Roi était de réunir en sa main tous les démembrements de fiefs des barons acquis par le Temple, amortis en partie au profit de l’Ordre, et surtout ceux non amortis.
Philippe le Bel trouvait d’un seul coup des ressources financières ; il avait sa nouvelle noblesse, les chevaliers avides de biens et de récompenses, la bourgeoisie aspirant à la noblesse, des roturiers devenus, sous Philippe le Hardi, capables de détenir et posséder des fiefs. Tous auraient procuré immédiatement au Roi, les avantages pécuniaires dont le Trésor avait besoin.
Philippe Le Bel a-t-il cherché à frapper en même temps la noblesse de son royaume, comme on l’a prétendu ? Sans doute, l’Ordre du Temple se composait de nobles. Philippe le Bel, en provoquant la destruction du Temple, frappa les nobles qui composaient cet Ordre; mais ce coup terrible n’atteignit pas directement la noblesse. Le but du Roi fut au contraire d’en ouvrir les rangs à ceux qu’il jugeait dignes et capables de rendre des services à l’État, avec tous les droits et privilèges de la noblesse, mais aussi avec tous les devoirs et obligations de celle déjà existante.
Le Roi avait plus besoin d’une noblesse que la noblesse n’avait besoin du Roi. Sans la noblesse, à cette époque, la France n’aurait pas eu d’armées, pas de généraux, pas d’officiers, pour conduire leurs hommes et ceux des communes à la bataille ; pas d’argent, pas d’armements, d’approvisionnements nécessaires aux guerriers que Philippe le Bel avait à soutenir.
Mais l’intention du Roi, son intention bien caractérisée, fut de porter un coup à l’Église romaine, de diminuer la richesse, l’influence, la puissance territoriale dont l’Église jouissait en France au XIIe et au XIVe siècle.
De plus, depuis 1291, l’Ordre du Temple a perdu la guerre en Orient. La dernière ville Sainte a été prise par les Sarrasins. Une raison publique justifiant son abolition.
Depuis ce moment les desseins de Philippe le Bel sont perçus sans illusion. Il tente tout d’abord de leur prendre de l’argent en les signifiant de payer des impôts. Boniface VIII, Pape à ce moment, le menace d’excommunication. Le Roi ne se laisse pas faire et un bras-de-fer terrible va se faire entre les deux pouvoirs. Boniface VIII rappelle que les ecclésiastiques ne peuvent payer aucun subside aux princes sans l’autorité du Saint-Siège. Il s’empresse de promulguer la constitution connue sous le nom de « Unam sanclam », dans laquelle on lit : « Il y a deux glaives ; à l’église appartiennent les deux pouvoirs : le spirituel et le temporel ; elle a en main les deux glaives. Le pouvoir temporel, qui est entre les mains des rois, ne s’exerce que grâce à la bonne volonté, et à la pure tolérance du prêtre. Le pouvoir temporel est entièrement subordonné au pouvoir spirituel. C’est le pouvoir spirituel qui institue celui des puissants de la terre ; il a aussi le droit de le juger s’il n’est pas bon. Si le pouvoir des rois dévie de la voie droite, il sera jugé par le pouvoir spirituel. Toute créature humaine est sujette au Pontife romain ; nous le déclarons, nous le disons, nous le proclamons ». Le Pape va jusqu’à demander à Edouard II, roi d’Angleterre, de déclarer la guerre à la France. Edouard refuse. Philippe Le Bel est excommunié, mais lui envoie une armée. Nogaret arrête le Pape à Anagni. Il voulait l’amener en France pour le faire juger par un concile. Boniface meurt à la suite des mauvais traitement qu’il reçoit en prison. Benoit XI son successeur mettra tout en oeuvre pour réinstaurer la paix. Il réhabilite le roi et meurt un an plus tard. Philippe Le Bel réussit à placer sur le siège de Saint Pierre un homme qu’il pourra manipuler. Clément V est élu, il va jusqu’à installer le Pape en Avignon. Tout le pouvoir est entre les mains de Philippe Le Bel.
Entre le 14 et le 25 septembre 1307, le Roi s’exprime ainsi dans une lettre adressée à tous ceux qui sont en mesure d’arrêter les chevaliers du Temple. Une arrestation fixée au vendredi 13 octobre 1307.
« Les chevaliers du Temple sont des loups ravissants, cachés sous la peau d’un agneau; nous avons appris qu’ils outrageaient gravement Notre Seigneur Jésus-Christ, le Rédempteur du monde, qu’ils le crucifiaient une deuxième fois en l’accablant d’injures. Nul n’est admis parmi eux, si dans un aveuglement criminel il ne renie trois fois Notre Seigneur, si par trois fois il ne crache sur la croix . Lors de sa réception, après avoir quitté ses vêtements séculiers et s’être mis tout nu devant le visiteur de l’Ordre, ou celui qui le remplace, le nouveau Templier embrasse trois fois celui qui le reçoit, la première fois sur la partie du corps où finit l’épine dorsale, la seconde fois sur le nombril, la troisième fois sur la bouche; puis il s’engage par son voeu professionnel à se soumettre aux plus ignobles lubricités. Nous avons cru d’abord que les délateurs de ces faits avaient agi sous l’empire de l’envie, de la haine et de la vengeance; nous avons donc accepté avec défiance leurs déclarations, mais les dénonciateurs se sont multipliés, et de soupçons en présomptions et en probabilités, le Saint-Père et moi, nous avons voulu rechercher la vérité, nous nous sommes entretenus de cette affaire à Poitiers, et nous l’avons traitée avec diligence. »
Le vendredi 13 octobre 1307, tous les chevaliers Templiers sont arrêtés (La veille Jacques de Molay assistait en grande pompe au mariage de la fille du Roi). Ils se rendent sans résister. Delà débutera le procès odieux, et machiavélique. Les moyens de preuve employés (et qui étaient toujours infaillibles) consistèrent dans la torture, la question, les violences, les menaces de mort, la terreur, les promesses d’argent, de subsides et de pensions, la subornation des témoins, le mensonge, les manoeuvres pratiquées dans les prisons, la partialité des juges ecclésiastiques, la pression exercée sur le plus grand nombre, la corruption de quelques-uns. Les aveux arrachés par la torture, la douleur et les menaces de mort constituaient à cette époque des preuves juridiques. Un grand nombre de Templiers se rétractèrent, mais ils furent condamnés au feu, comme impénitents, obstinés et relaps.
Le Roi trouva même que cela n’allait pas assez vite. Il proposa à l’Eglise de détacher des hommes à lui pour pratiquer ces tortures. Il demanda au Roi d’Angleterre de transférer ses propres Templiers en France pour que lui-même s’en occupe avec bonne mesure.
Tous les pays d’Europe ne suivirent pas le délire de Philippe le Bel. Beaucoup restèrent modérés dans leur agissement. De nombreux templier survécurent, certains rejoignirent d’autres ordres religieux en Espagne et au Portugal, d’autres se mêlèrent à la population locale ou s’expatrièrent.
L’Eglise s’en sortit, car tout au long du processus, on différencia les hommes de l’Ordre. Les hommes ont été accusés, jugés. L’ordre a été dissout parce qu’il n’avait plus raison d’être.
On parle d’une survivance de l’ordre en Ecosse, qui sous la protection de Robert Bruce premier Roi d’Ecosse, aurait perpétuer l’ordre, leur rite, jusqu’à l’époque des Sinclair et la naissance de l’art Royal, puis jusqu’à la naissance de la Franc-Maçonnerie. Tout ceci pourra fait l’objet d’une autre planche.
Quelles ont été les conséquences de la dissolution de l’Ordre.
Conséquences de la dissolution de l’Ordre
Philippe Le bel a manqué son objectif. L’Eglise Romaine a peu souffert, et bien au contraire elle à mis en évidence qu’elle était capable de juger ceux et celles qui s’écartaient du Droit chemin, même s’ils étaient hommes et femmes d’Eglise. Les biens des Templiers sont donnés aux Hospitaliers. Le Roi récupèrera quelques terres mais pas autant qu’il l’aurait souhaité.
Le dernier Grand maître, Jacques de Molay, est brûlé en 1314. Il ôtera sa blanche Chlamide en cellule et se rendra en sous-vêtement sur le bûcher. L’ordre ne brûlera pas avec lui.
Dès lors, l’Europe est désunie, les famines et les guerres reprennent. La guerre de cent ans s’installe. Vingt années de famine et de maladie détruiront plus d’un tiers de la population française en moins d’un siècle.
Conclusion
En conclusion, je citerai Jules Michelet qui en réponse à la question : « selon vous quelle a été la plus grande catastrophe du Moyen-âge ? » avait répondu sans hésiter « La disparition de l’Ordre du Temple ». J’ajouterai à cette parole celle du Templier Gaucerand de Montpezat qui pendant son interrogatoire, sous la torture a dit : « Nous avons trois articles que nul ne connaîtra jamais, hormis Dieu, Le Diable et les Maîtres ». Placait-il les Maîtres au même rang que Dieu et le Diable?
Les Templiers ont réussi à organiser, à humaniser l’Europe, qui a prit un essort considérable pendant deux siècles. En s’appuyant sur la règle de Saint Bernard, ils ont su répandre leur humanisme aux confréries ouvrières, aux artisans, commerçants, avec lesquels ils avaient des liens étroits et qui ont pu certainement les accueillir durant leur fuite. On dit que ceux qui rejoignirent les confréries de constructeurs se nommèrent « maçons libres et acceptés », mais ce n’est peut-être qu’une légende édifiée par ceux qui cherchent à tout prix à donner à ce que nous sommes une filiation templière.
Un dernier élément important dont je n’ai pas parlé, et cela pourrait encore faire l’objet d’une planche : Le mal n’est pas venu uniquement de l’extérieur. Les rangs des Templiers augmentaient sans cesse, de nombreuses personnes s’y sont engagées pour de mauvaises raisons et sont restées profanes. Ce qui a permis d’alimenter en témoignage les accusations de ceux qui ne comprenaient pas le sens du rituel.
Il me reste encore de nombreuses pierres à apporter aux frêles fondations de ce travail. Le temps m’a manqué pour mes études, et ce soir dans ce Temple, car il y a bien encore des choses dont j’aurais aimé vous parler avec force et vigueur.
Il me resterait quelques planches à faire, une sur la survivance de l’ordre et des liens qu’il pourrait y avoir avec ce que nous sommes, une deuxième sur le regard que des non initiés peuvent portés sur ce que nous sommes. Et je dirais une troisième encore, dont le sujet serait des riques que cours la F\ M\ française face au phénomène de mode qui se répand, celle-ci devenant de moins en moins discrète, et encore moins secrète. Une F\M\ où ses secrets commencent à se répandre sans le sens profond qu’on doit leur donner.
Frédéric BAR.°.