Archive pour le 10 mai, 2007

Présentation de la Confrérie Fraternelle des Jacquets de France

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LA SPIRITUALITE : PIERRE ANGULAIRE DE LA CONFRERIE…

            L’objectif majeur de notre confrérie est à la fois simple et ambitieux : elle veut être un espace privilégié où les pèlerins et convers (*) puissent se retrouver, s’apprécier et s’élever ensemble dans l’harmonie quelles que soient leurs origines, leurs religions, leurs croyances et leurs positions sociales.

            Le seul critère indispensable pour qu’ils puissent pleinement s’intégrer et se sentir « chez eux » au sein de notre confrérie réside dans le fait de se reconnaître « cherchant » et d’avoir le vif désir de progresser avec le concours de la spiritualité.

            La spiritualité peut être appréhender dans des formes très diverses …. Mais qu’entendons-nous réellement lorsque ce mot est évoqué ?

            Sur le plan étymologique « spiritualité » vient de « spiritus » qui, en latin, désigne l’esprit, mais aussi le vent, la respiration, le souffle. Elle est, le plus souvent, assimilée à une croyance religieuse mais, à vrai dire, elle dépasse largement ce cadre restrictif pour s’adresser  aussi à un humanisme traditionnel. Elle invite l’homme à s’interroger sur le sens de sa vie et de sa place dans l’Univers….D’où suis-je issu ? Qui suis-je ? Où vais-je ?…

            La spiritualité est une démarche de sagesse ancestrale qui permet à ce que l’existence de l’individu ne se résume pas exclusivement à la matérialité et à la vie organique. Elle est un moyen de favoriser la prise de conscience de nos facultés transcendantales, en nous libérant des conditionnements de la pensée et en dépassant les certitudes culturelles qui figent l’esprit.

            Contrairement aux dogmes religieux ou laïques, la spiritualité invite à penser par soi-même, à développer sa propre individualité, à aimer les autres en dépassant l’ego afin de vivre libre et sans peur.

            Le mot « religion » vient du latin « religiare » qui signifie « relier ». La religion réunit en effet des femmes et des hommes de même croyance ou qui partagent les mêmes valeurs. Elle implique conviction et foi mais ne devrait, en aucune manière, limiter chez les pratiquants, une réflexion et un sens critique, prolongement nécessaire au maintien d’un libre arbitre sans lequel il ne peut y avoir de liberté intellectuelle. C’est à ce prix que l’on rejoint alors une spiritualité mue par un sentiment dynamique, une fonction de notre intellect en action, prometteuse de progression et d’élévation….

            Peu importe, à vrai dire, la voie spirituelle choisie…. Entre le tout religieux et le tout laïc, il y a une place pour une spiritualité « ouverte » où s’exprime le désir de meilleure connaissance de soi,  base nécessaire et essentielle pour mieux communiquer avec les autres, mieux les admettre, mieux les aimer….Cette spiritualité, non inféodée à un groupe quel qu’il soit, implique le doute, élément « moteur » dans sa quête et sa recherche vers « sa vérité », pour élever nos cœurs en fraternité et tendre ainsi vers la lumière !

            La religion, la philosophie, la méditation ou la voie initiatique sont autant de chemins qui favorisent l’élévation spirituelle de l’homme qui doit pouvoir choisir ce qui lui semble bon et qui lui permette d’aller à sa propre découverte.

            La confrérie, quant à elle, veut s’appliquer à réunir tous les « cherchants » de toutes confessions, de toutes origines parce qu’elle croit à la confrontation des idées, au brassage des cultures, à la sagesse des échanges, à la réflexion qui, dans tous les cas, doit précéder l’action et à la richesse des mises en commun qui, dans un contexte d’écoute, incite à la compréhension  et favorise,de ce fait,un plus grand respect des autres.

            Ainsi, dans cet état d’esprit et avec vigilance, nous travaillons à rassembler des pèlerins dont le principal tronc commun est l’attachement à Saint Jacques de Compostelle et qui souhaitent mettre à profit les enseignements tirés du chemin pour mieux se connaître, mieux vivre, mieux aimer les autres au travers d’une démarche spirituelle qui est à la base de notre action.

Pierre CATOIRE

Grand Commandeur

(*) Au sein de la confrérie, les « convers » sont des membres cooptés qui n’ont pas eu la possibilité de parcourir le chemin de Compostelle pour des raisons majeures ou qui ne répondent pas encore aux critères nécessaires à l’obtention du titre de « pèlerin » mais néanmoins parrainés pour leurs qualités reconnues.

Notre Confrérie accueille en son sein tous ceux qui reconnaissent au « chemin de Saint Jacques » sa dimension spirituelle.
Elle réunit (et unit) des pèlerins et des cheminants qui désirent prolonger l’esprit du « Camino » dans ses approches culturelles, historiques et philosophiques.
.La Confrérie n’a pas de caractère confessionnel même si elle est attachée à l’esprit du chemin et aux traditions. Elle souhaite travailler pour la promotion, la préservation, la défense et la revitalisation des chemins de Santiago avec le souci de mettre en exergue la démarche spirituelle du pèlerin et apporter à ce dernier tout élément susceptible de favoriser son développement moral, intellectuel, philosophique et culturel, bases qui lui semblent indispensables pour sa réalisation personnelle.
.La Confrérie est très attachée à la tradition qui est « la moelle » de son action et de ses orientations ce qui implique un travail permanent  de recherche basée sur l’historique, les us et coutumes, voire les légendes et les mythes.
.Elle s’adresse aux pèlerins qui ont entrepris (ou qui vont entreprendre) leur démarche vers Santiago et qui désirent participer à cette aventure moderne  dans l’esprit ci-dessus évoquée.

Qu’est-ce qu’une confrérie ?  C’est une ancienne structure sociale du Moyen Age, les confréries sont les ancêtres de nos associations actuelles. Nous sommes d’ ailleurs sous cette forme, Association Loi 1901, mais pour respecter les traditions, nous avons réutilisé les titres qui étaient en usage à l’ époque.

http://perso.orange.fr/confrerie-jacquaire/index.htm

 

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Ensemble… mais chacun chez soi

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A lire certains témoignages de croisés, leur adaptation au monde musulman est une réussite. Toutefois, les métissages restent marginaux. Chaque communauté conserve ses lois et coutumes dans le respect – relatif – de la religion d’autrui. Cohabitation, certes, mais sans véritable intégration.

Par Marie-Adelaïde Nielen *

Après avoir survécu aux dangers du voyage ainsi qu’à la violence des combats, un certain nombre de croisés décident de s’installer en Terre sainte. Ils s’organisent alors tant bien que mal dans une société nouvelle et se retrouvent en contact direct avec les indigènes. Parmi ces derniers, un grand nombre de musulmans, de juifs (très minoritaires) et des chrétiens d’Orient (melkites, jacobites, arméniens, syriaques), dont les nouveaux venus découvrent avec surprise les habitudes et les rites religieux si différents. Bien que tous chrétiens, ils cohabitent mais ne se mélangent pas : c’est une société compartimentée, dont la base est l’appartenance confessionnelle, qui prend aussi le caractère d’une appartenance ethnique.La société d’où viennent les croisés est elle-même très stratifiée. En haut de l’échelle sociale : grands feudataires et barons exercent le pouvoir sur le reste de la population, majoritairement composée de paysans, voire de bourgeois ou d’artisans. En Terre sainte, ils importent une dynastie royale, issue de ce grand baronnage, une société chevaleresque reproduisant celle de leur pays d’origine, leur Eglise, et une population, nettement moins nombreuse que la population indigène, qui se fixe dans les villes ou dans les campagnes. La plupart du temps, ils se juxtaposent aux communautés préexistantes, sans chercher à les éliminer (à l’exception de l’aristocratie musulmane, installée dans les villes fortifiées, dont ils prennent la place), ni à les assimiler. Dans les premiers temps de la conquête, cependant, des situations diverses apparaissent.

Les « infidèles » qui ont échappé au massacre de Jérusalem au lendemain de la prise de la ville le 15 juillet 1099, sont systématiquement expulsés. Dans les autres cités conquises peu après, les musulmans sont en partie contraints au départ, afin de garantir la sécurité des conquêtes. Cependant, beaucoup y restent, et beaucoup y reviennent, librement, une fois la situation militaire stabilisée. Cela prend cependant un peu de temps : Jérusalem, vidée de ses habitants chrétiens par les Egyptiens, de ses habitants juifs et musulmans par les croisés, est décrite comme une ville presque déserte, où règne l’insécurité. Dans les campagnes, la population, de religion chrétienne ou musulmane, reste généralement en place, seuls les maîtres changent.

La plupart de ces groupes cohabitent sans se mélanger. Ce côtoiement, quotidien, n’est pas forcément hostile. De nombreux textes racontent que certains seigneurs croisés apprennent l’arabe (ce sera le cas de Renaud de Châtillon, de Baudouin d’Ibelin), n’ayant de ce fait plus besoin d’avoir recours aux traducteurs, les drogmans, généralement des Chrétiens orientaux. Ils adoptent certaines habitudes de vie de l’Orient : vêtements riches et colorés, bains fréquents (le hammam), nourriture plus épicée.

Ce luxe surprend, voire irrite les voyageurs occidentaux. Vers 1180, on reproche au patriarche de Jérusalem Héraclius de se parfumer et de se vêtir fastueusement. En 1211, Wilbrand d’Oldenbourg décrit le palais de Jean d’Ibelin à Beyrouth, garni de jets d’eau, de mosaïques et de peintures réalisées par les meilleurs artisans grecs, syriens ou musulmans, spécialistes du trompe-l’oeil. D’autres, comme l’évêque d’Acre Jacques de Vitry, trouvent les Francs d’Orient efféminés, trop tolérants envers les « infidèles », et les accusent d’enfermer leurs femmes à la manière des Syriens ou des musulmans. Changements aussi pour la guerre : les chevaliers francs se retrouvent dans l’obligation de modifier leurs armures, bien trop chaudes pour le climat du Proche-Orient, et garnissent leurs casques en métal d’un grand foulard de coton, à l’instar des musulmans qui, eux, louent la solidité des épées franques.

A l’inverse, les musulmans, de même que les chrétiens d’Orient, sont autorisés à conserver leurs coutumes et leurs lois : quand il faut témoigner en justice, le Sarrasin, l’Arménien, le Syrien, le melkite ou le Franc prête serment, chacun selon sa loi, devant sa propre juridiction ; il existe quelques juridictions mixtes, et c’est par serment sur le Coran que les musulmans sont admis à y témoigner. Les villages musulmans conservent leur chef, le raïs. Et même si de nombreuses mosquées sont converties en églises, la liberté de culte est de règle, peu d’efforts étant entrepris pour tenter de convertir les « infidèles ». L’émir Ousama, envoyé comme ambassadeur à Jérusalem, est même invité par les Templiers à prier dans la mosquée al-Aqsa transformée pourtant en église. Dans l’armée, les indigènes qui servent sont chrétiens, les Francs n’exigeant pas le service armé des musulmans qui sont sous leur domination.

Vers 1120, deux décennies après la conquête, Foucher de Chartres, chapelain du roi de Jérusalem Baudouin Ier et témoin de la première croisade, évoque la réussite de « l’intégration » des croisés à la société d’Orient : « Nous qui étions des Occidentaux, sommes devenus des Orientaux. Celui qui était romain ou franc, sur cette terre, est devenu palestinien ou galiléen. Celui qui était de Reims ou de Chartres, est maintenant de Tyr ou d’Antioche. Nous avons déjà oublié les lieux de notre naissance ; déjà, ils sont pour la plupart d’entre nous inconnus ou étrangers. L’un possède déjà des maisons qui lui appartiennent en propre, comme un bien familial et héréditaire ; l’autre a épousé non pas une compatriote, mais une Syrienne ou une Arménienne, voire une Sarrasine admise à la grâce du baptême. Un autre abrite son beau-père, sa bru, son gendre, son beau-fils, son parâtre. Il est entouré de ses petits-fils et même de ses arrière-petits-fils. Celui-ci possède des vignes, cet autre des cultures. On utilise différentes langues en alternance, à la convenance des uns et des autres. Les idiomes les plus différents sont maintenant communs à toutes les nations, et la confiance mutuelle rapproche des hommes qui ne connaissent même pas leur ascendance [...]. Celui qui était un étranger est maintenant un indigène [...]. Nos proches et nos parents nous ont rejoints de jour en jour, abandonnant tout ce qu’ils possédaient et s’en désintéressant. Ceux qui là-bas étaient pauvres, Dieu ici les a faits riches. Ceux qui n’avaient que peu d’argent, ici ne peuvent plus compter leurs besants ; et celui qui n’avait pas de maison, ici possède toute une ville, par la volonté de Dieu.

Pourquoi donc repartirait-il en Occident, celui qui a découvert l’Orient si favorable ? »

Dans ce texte, Foucher de Chartres parle des mariages intervenus entre les membres des différentes communautés. Ces mélanges culturels donnent naissance à une nouvelle société franco-syrienne dont les membres sont appelés les « poulains », surnom ironique dont on ne connaît pas vraiment l’origine. Ces « poulains », qui cultivent à l’égard des musulmans et même des chrétiens d’Orient un certain sentiment de supériorité, ne sont guère plus indulgents envers les nouveaux venus d’Occident, dont ils raillent l’intolérance, se moquant de ceux qu’ils appellent « fils d’Hernaud », assez naïfs pour leur porter secours sans rien comprendre à l’Orient. Ceux-ci, au contraire, sont choqués par la promiscuité qui existe entre les Francs et les Orientaux. Ainsi sont-ils surpris par les alliances militaires qui existent parfois entre le roi de Jérusalem et certains chefs musulmans luttant contre leurs coreligionnaires, ou les complicités entretenues par Renaud de Châtillon, pilleur de caravanes en temps de paix, avec des Bédouins…

Dans la réalité, les mariages mixtes ne se révèlent pas très fréquents, en particulier avec les musulmans. A la différence des captives chrétiennes, qui subissent souvent le concubinage, les musulmanes connaissent plutôt l’esclavage domestique, ainsi que le raconte un historien après la prise de Césarée en 1104 : « Belles ou laides, elles durent aller tourner la meule des moulins. » Etre captif en raison de sa foi existe des deux côtés : à la bataille de Hattin, en 1187, Saladin fait tant de prisonniers francs que le cours de l’esclave s’effondre sur les marchés d’Orient.

Le métissage, quand il existe, se fait plutôt entre Francs et Chrétiens d’Orient, en particulier des Grecs orthodoxes (avec des princesses de Byzance), et surtout des Arméniens. Ainsi, la reine de Jérusalem Mélisende est-elle la fille du roi Baudouin II, venu d’Occident, et de la princesse arménienne Morfia. Ses soeurs, Alix et Hodierne, portent ce sang métissé dans les dynasties de la principauté d’Antioche et du comté de Tripoli.

Mais en dehors de ces quelques mariages, de l’expérience du terrain, cette société de « poulains », en particulier la noblesse, ne connaît pas de véritable orientalisation : le sentiment d’appartenance à la société chevaleresque (symbolisée par le courage et la loyauté), le goût pour la littérature courtoise et les plaisirs nobles (tournois, fauconnerie) l’emportent largement.

Seuls quelques lettrés comme Guillaume, archevêque de Tyr, lisent et utilisent des sources arabes pour rédiger leurs propres oeuvres. « L’exotisme littéraire », qui aime à mettre en scène des princesses païennes converties ou des héros musulmans comme Saladin, représenté comme le modèle du chevalier païen, prend naissance en Europe et non en Terre sainte.

De même, les conversions restent rares : en 1181, le chambrier du roi Baudouin IV est un musulman converti, qui a reçu au baptême le prénom du roi, son parrain. La plupart d’entre eux sont des soldats turcs capturés sur les champs de bataille, qui ont préféré la conversion à la mort : ils forment le corps des « turcoples » et combattent au côté des Francs. C’est pourquoi Saladin, après sa victoire à Hattin en 1187, les fera exécuter, sans aucune hésitation, comme des renégats.

L’ensemble de la population franque reste profondément occidentalisé, en raison notamment de l’incessant apport de pèlerins venus d’Europe, et de son sentiment de supériorité. A la décharge des Francs, qui n’ont pas su s’approprier le meilleur de la culture musulmane et entretenir des relations sinon amicales du moins enrichissantes avec les « infidèles », il faut dire que la situation de guerre quasi permanente qui sévit dans les Etats latins d’Orient n’est pas très propice aux échanges culturels. Harcelés par des troupes musulmanes aguerries et connaissant bien le terrain, terrorisés par les attentats « ciblés » des membres de la secte chiite des Assassins, les croisés ont été presque contraints de se replier sur eux-mêmes, en position défensive.

La précarité territoriale, militaire et démographique n’a pas permis, de toute évidence, l’installation d’une société pluriculturelle, comme ce fut le cas en Espagne ou dans le royaume normand de Sicile. Au moins faut-il leur reconnaître le mérite d’avoir, tout en accaparant le pouvoir, laissé à leurs sujets non francs leurs coutumes, leurs religions mais aussi leurs lois.


* Ancienne élève de l’Ecole des chartes, Marie-Adélaïde Nielen dirige le service des sceaux des Archives nationales. Spécialiste de la société féodale de l’Orient latin, elle a notamment publié Lignages d’outremer (collection de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 2003).

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13 juillet 1099, Jérusalem, sanctuaire d’un massacre annoncé

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Juin 1099. Après trois ans d’un voyage épuisant, les croisés arrivent aux portes de la Ville sainte. Ils croient pouvoir délivrer le tombeau du Christ en évitant le bain de sang. Idée illusoire : l’offensive du 13 juillet s’avère d’une violence inouïe.

Par Laurent Vissière *

En entendant prononcer le nom de Jérusalem, tous versèrent d’abondantes larmes de joie, heureux de se trouver si près des lieux saints de la ville désirée », et, selon le chroniqueur Foucher de Chartres, c’est en chantant des hymnes et en poussant des cris de joie que l’armée de la croisade arrive enfin en vue de Jérusalem. Nous sommes à l’aube du 7 juin 1099. L’émotion est intense, car l’objet de trois ans de voyage, de luttes et de souffrances est enfin à portée de main. Mais il reste bien peu des foules qui se sont mises en mouvement en 1096 : beaucoup sont morts en chemin, moins sous les coups des Sarrasins et des Turcs que d’épuisement, de faim ou de soif, et d’autres, découragés, sont rentrés chez eux. En reprenant les chiffres de Raimond d’Aguilers, chapelain du comte de Toulouse, on estime que l’armée ne compte plus désormais que 1 200 chevaliers, 12 000 fantassins et quelques milliers de non-combattants (religieux, enfants, femmes et vieillards). Cela dit, ceux qui subsistent sont ceux qui ont su s’adapter aux conditions de la guerre en Orient, et ils représentent des combattants aguerris.Après avoir quitté Antioche en janvier 1099, les croisés ont pénétré en Syrie sans rencontrer de véritable résistance : à quelques exceptions près, les villes préfèrent payer un tribut que d’affronter un siège. Début juin, les croisés traversent enfin les sites où a vécu le Christ, et où la population chrétienne, longtemps opprimée par les musulmans, leur fait fête ; le 6 juin, ils occupent Bethléem, ce qui paraît de bon augure, mais à Jérusalem, les choses ne vont pas se passer aussi facilement.

A la fin du XIe siècle, Jérusalem apparaît comme une grande ville, divisée en quatre quartiers à caractère ethnique et religieux. La population musulmane occupe la moitié sud de la ville, tandis que les juifs se concentrent dans le quartier nord-est, et les chrétiens, tant grecs que syriens, dans le quartier nord-ouest. En temps normal, peut-être 15 000 à 20 000 âmes. Mais la ville a beaucoup souffert, les années précédentes, des conflits entre Arabes et Turcs. En outre, à l’approche des croisés, le gouverneur égyptien, Iftikhâr al-Dawla, a expulsé toute la population chrétienne de Jérusalem.

Avec une enceinte longue de 4 km, la ville est puissamment fortifiée. Deux éléments en particulier impressionnent les croisés : la « tour de Goliath » et surtout la « tour de David » qui, selon Foucher de Chartres, « forme de sa partie inférieure jusqu’au milieu de sa hauteur, une masse compacte revêtue de pierres carrées et scellées avec du plomb fondu ». La muraille est partout doublée d’un fossé et de fortifications avancées ; à l’est, la vallée de Josaphat semble infranchissable.

Les croisés espéraient s’emparer de la ville sans combattre, soit par l’intimidation et la négociation, soit par un miracle divin. Plusieurs indices relevés par l’historien israélien Joshua Prawer vont en ce sens. Les croisés ne disposent alors d’aucun matériel de siège, ce qui peut s’expliquer – on ne transporte pas balistes et tours mobiles, on les construit sur place. Mais, ce qui semble étonnant, c’est qu’ils ne pensent pas à en fabriquer !

Au bout de cinq jours, les chefs militaires décident de consulter un ermite qui vit sur le mont des Oliviers, un peu en dehors de la ville. Selon le récit de Raimond d’Aguilers, l’ermite leur répond : « Si demain, vous assiégez la ville jusqu’à la neuvième heure [15 heures environ], le Seigneur vous la livrera. » Et comme ils lui répondirent « nous n’avons pas de machines pour attaquer les murailles », l’homme leur dit alors : « Dieu est tout puissant, et s’Il le veut, Il escaladera une muraille avec une échelle de jonc. » Le 13 juin au matin, les croisés, sans aucun préparatif, s’élancent donc à l’assaut de la ville et parviennent à s’emparer des barbacanes, mais ils ne disposent pas des échelles nécessaires pour escalader les remparts, et l’assaut se solde par de très lourdes pertes. L’espoir d’un miracle peut expliquer en partie cette attaque brouillonne. Les croisés ont tenté leur va-tout, car le temps joue contre eux.

En effet, Iftikhâr a amassé dans la ville de larges réserves de vivres, et il peut attendre sereinement les secours promis par le sultan d’Egypte. Durant tout le siège, il reçoit d’ailleurs des aides ponctuelles, les assiégeants n’étant pas assez nombreux pour bloquer tous les accès à la cité. La situation des croisés est en revanche beaucoup moins brillante. Après avoir traversé la Syrie en plein été, ils sont contraints d’établir leur camp dans un pays aride. De plus, Iftikhâr a ordonné de jeter des charognes dans les rares sources pour les empoisonner. Tous les témoins parlent de cette torture de l’eau : « Pendant ce siège, dit le chroniqueur anonyme, nous endurâmes le tourment de la soif à un point tel que nous cousions des peaux de boeufs et de buffles dans lesquelles nous apportions de l’eau pendant l’espace de six milles. L’eau que nous fournissaient de pareils récipients était infecte… » De fait, l’eau corrompue occasionne de terribles maladies. Les croisés doivent organiser des corvées d’eau dans toute la région, mais les Arabes mènent autour du camp une guérilla efficace en massacrant les groupes isolés. L’eau, terriblement rationnée, est vendue, et les plus pauvres meurent de soif.

Malgré cette situation dramatique, les différents corps d’armée prennent peu à peu leur position autour de la ville. Le comte de Toulouse, Raimond de Saint-Gilles, installe définitivement son camp au sud, sur le mont Sion ; les Lorrains de Godefroi de Bouillon, les Normands de Tancrède et de Robert, et les Flamands de Robert de Flandre se répartissent, sans se mêler, le long des murailles ouest et nord.

L’échec du 13 juin convainc les différents chefs qu’il faut entreprendre un siège sérieux et construire des machines de guerre – catapultes, béliers et tours mobiles.

Où les croisés ont-ils appris la poliorcétique ? Cette question est difficile. Il est probable qu’ils se sont formés à l’école des tacticiens byzantins au cours des années précédentes, mais on a sans doute trop sous-estimé les progrès techniques de l’Occident au début du XIe siècle. En tout cas, les chroniqueurs décrivent la construction des engins comme un fait ordinaire, et le seul véritable problème qui se pose, en ce mois de juin 1099, ne concerne pas la technique, mais la matière première. On manque de bois ! Les monts de Judée sont chauves, et les Sarrasins ont caché les rares réserves de bois disponibles. Les croisés organisent alors des recherches méthodiques tout autour de la ville. Le chroniqueur Raoul de Caen raconte, peut-être avec ironie, que Tancrède, atteint d’une « cruelle dysenterie », doit sans cesse s’isoler… Et qu’au cours d’une de ses retraites forcées sous un gros rocher, il découvre des pièces de bois qu’on y a dissimulées : « Holà ! Holà ! O mes compagnons, accourez, accourez ici, s’écrie-t-il. Ici, ici ! Voilà que Dieu nous accorde plus que nous ne demandions, nous cherchions du bois informe, et nous le trouvons tout travaillé ! » Derrière l’anecdote triviale, on reconnaît une réalité : au cours de l’été précédent, les Egyptiens ont repris Jérusalem occupée par les Turcs, et du matériel de siège a été laissé sur place. Les chrétiens de la région aident également les croisés à rassembler du bois. Mais c’est un événement fortuit qui va s’avérer déterminant. On apprend, le 17 juin, qu’une petite flotte chrétienne vient d’accoster dans le port de Jaffa ; la marine égyptienne s’apprête à l’attaquer et la détruire. Cependant, les marins, génois et anglais, ont le temps de débarquer, et arrivent à gagner Jérusalem avec du bon matériel, des outils et des poutres prélevés sur les navires.

La fin du mois est consacrée à la construction des machines de guerre. Il s’agit surtout d’armes de jet : balistes, trébuchets et mangonneaux, qui envoient contre les remparts, traits et pierres – de grosses pierres plus que des quartiers de roc, car il ne faudrait pas imaginer des engins très puissants. Les défenseurs de la ville placent au sommet des remparts des matelas et des sacs de paille pour amortir les chocs, et ils bombardent également le camp chrétien avec de petites catapultes. Ce duel d’artillerie, caractéristique des premiers jours de juillet, est sans doute plus spectaculaire que réellement meurtrier.

Les assaillants mettent en fait tous leurs espoirs dans la construction de deux tours d’assaut et d’un bélier. Lorrains, Flamands et Normands assemblent un premier « beffroi », et Raimond de Saint-Gilles, « qui ne souffrait jamais de passer après qui que ce fût, explique Guibert de Nogent, s’en fit aussitôt construire un semblable » par les marins génois. Le comte de Toulouse, très grand seigneur, se querelle avec les autres chefs, et jusqu’au siège final, il entend mener la guerre à sa guise !

On dispose de descriptions précises des deux tours d’assaut : des engins quadrangulaires dont l’étage supérieur, très élevé, surplombe les remparts. Au niveau intermédiaire s’ouvre une sorte de pont-levis par lequel les assaillants peuvent se précipiter sur le chemin de ronde. De telles structures présentent deux faiblesses : elles sont très lourdes, se déplacent difficilement et nécessitent d’aplanir le terrain devant elles et combler les fossés qui défendent les murailles. En bois, elles s’avèrent aussi très vulnérables au feu : il faut les protéger par un système de claies d’osier recouvertes de peaux fraîchement écorchées. Les Sarrasins disposent en effet du feu grégeois, mélange de poix, de naphte et de matières inflammables que l’on place dans de petits récipients de terre cuite et que l’on projette à l’aide de balistes – de tels récipients ont été retrouvés lors de fouilles archéologiques à Jérusalem.

Albert d’Aix relate avec un luxe de précisions les préparatifs des croisés : « On convoqua alors les jeunes gens et les vieillards, les jeunes garçons, les jeunes filles et les femmes, pour aller dans la vallée de Bethléem chercher de petites branches et les rapporter au camp sur des mulets et des ânes ou sur leurs épaules, afin de tresser de triples claies dont la machine serait ensuite recouverte pour être mise par là à l’abri des traits des Sarrasins… On apporta une grande quantité de petites branches et d’osier, on tressa des claies, et on les doubla encore avec des cuirs de cheval, de taureau et de chameau pour mieux garantir la machine des feux de l’ennemi. »

Pour garder l’effet de surprise, les croisés exécutent tous ces travaux dans le plus grand secret. Les défenseurs de Jérusalem envoient des espions. Pierre Tudebode, un prêtre poitevin qui a accompagné l’expédition, raconte la capture de l’un d’entre eux : « Un jour, un Sarrasin fut envoyé pour voir quelles machines les Chrétiens étaient en train de construire. Mais les Syriens et les Grecs, en voyant qu’il était sarrasin, le dénoncèrent aux Chrétiens, en disant : «  Ma te Christo caco Sarrazin  » [c'est du grec phonétique], ce qui signifie en notre langue : « Par le Christ, c’est un infâme Sarrasin ! » Les Chrétiens, l’ayant arrêté, lui demandèrent, à l’aide d’un drogman, c’est-à-dire d’un interprète [le mot vient de l'arabe], pourquoi il était venu. Celui-ci répondit : « Les Sarrasins m’ont envoyé ici parce qu’ils voulaient savoir quelles étaient vos machines. » Les Chrétiens lui répondirent : « C’est bon ! » Et ils le déposèrent, pieds et poings liés, au fond d’une machine, qu’on appelle pierrier. Et, en bandant toutes leurs forces, ils voulurent le projeter à l’intérieur de la ville, mais ils n’y arrivèrent pas. En effet, les chaînes trop tendues ayant cédé, il alla se fracasser au pied de la muraille. »

Renvoyer les espions chez eux à coup de catapulte reste un grand classique des récits de siège, mais l’anecdote est surtout intéressante parce qu’elle montre la collaboration des croisés occidentaux (que Tudebode appelle les « Chrétiens » tout court) et des chrétiens orientaux, de langue grecque ou syriaque (la langue commune est bien sûr le grec). Le succès de l’expédition doit beaucoup à ceux-ci.

Il fallut quatre semaines de labeur incessant pour achever les machines. L’armée croisée, qui souffre de plus en plus de la chaleur et du manque d’eau, semble singulièrement démoralisée face aux défenseurs de la ville qui, eux, ne manquent de rien. L’assaut final va donc être précédé par une intense préparation spirituelle (on la qualifierait aujourd’hui de « psychologique »). On décrète un jeûne public de trois jours dans tout le camp et, le 8 juillet, on organise, clergé en tête, une procession autour de la ville – pieds nus, en signe de pénitence, mais armes à portée de la main, à tout hasard. Les croisés, nourris de textes bibliques, pensent-ils que, cette fois-ci, les murailles de Jérusalem vont s’effondrer comme celles de Jéricho devant les Hébreux ? Ce n’est pas impossible : la procession semble calquer Le Livre de Josué. Après un mois de siège, une telle cérémonie a surtout pour but de retremper les esprits et d’apaiser les querelles qui divisent l’armée : au sommet du mont des Oliviers, Tancrède et Raimond de Saint-Gilles donnent l’exemple en se réconciliant publiquement.

La procession passe si près des remparts que les défenseurs tirent sur les pénitents. « Afin d’exciter la fureur des chrétiens et en témoignage de mépris et de dérision, raconte Albert d’Aix, les Sarrasins dressèrent des croix sur les murailles et crachèrent sur ces croix, tandis que d’autres ne craignaient même pas de les arroser de leur urine en présence de tout le monde. » Les musulmans témoignent ainsi qu’ils ne craignent pas le Dieu de leurs ennemis, mais, dans un contexte de guerre sainte, une telle provocation n’est sans doute pas très habile…

Dès le lendemain, les chefs adoptent un plan minutieux en vue de l’assaut final. L’attaque va se faire simultanément en trois points. Raimond de Saint-Gilles lancera son beffroi contre la porte de Sion, au sud ; Tancrède s’occupera de la tour de Goliath, à l’ouest. C’est Godefroi de Bouillon qui conduira l’attaque sur le flanc nord : il a l’idée de faire dresser son beffroi à un endroit où les remparts semblent faibles et qui, jusque-là, n’a pas été réellement assiégé. C’est avec effarement que le 10 juillet, au petit matin, les musulmans découvrent qu’une grande tour de bois menace un point négligé au nord des remparts, tandis qu’une autre s’avance vers la courtine méridionale.

Mais ces deux tours se hâtent lentement, car le terrain n’est pas encore assez dégagé. Les croisés cherchent à fragiliser la muraille devant elles en redoublant les tirs des mangonneaux et, durant plusieurs jours, ils s’attaquent à la muraille septentrionale avec un énorme bélier. Bien que l’engin soit recouvert de claies d’osier, les Sarrasins finissent par l’incendier avec le feu grégeois.

Le travail de sape s’avère cependant efficace : la tour de Godefroi parvient à s’approcher du rempart. Au sud, la tour provençale se heurte à un fossé profond. Le comte de Saint-Gilles offre alors un denier à tous ceux qui y jetteront trois pierres – tactique payante, puisqu’au bout de trois jours, le fossé est comblé. Relativement bien coordonnée, l’attaque générale commence à la date du 13 juillet. Il faut tout de même près de deux jours pour rapprocher les tours des remparts. Or, la défense a eu le temps de s’organiser, et les chroniqueurs occidentaux, comme Raimond d’Aguilers, sont marqués par la violence et la technicité de ces combats : « Lorsque les nôtres se furent approchés des murailles avec leurs machines, les assiégés se mirent à lancer non seulement des pierres et des flèches, mais encore du bois et de la paille avec du feu par-dessus ; puis ils jetèrent sur les machines des marteaux en bois enveloppés de poix, de cire, de soufre, d’étoupe et de petits chiffons enflammés, et ces marteaux étaient garnis de clous de tous côtés, en sorte que sur quelque point qu’ils tombassent, ils s’y attachaient aussitôt et s’embrasaient ensuite. »

Du côté des assiégeants, on a même mobilisé les femmes et les enfants, chargés d’éteindre les feux avec de l’eau et du vinaigre. Le beffroi des Provençaux manque d’ailleurs d’être détruit par le feu – le chroniqueur arabe Ibn al-Athir affirme qu’il brûla avec tous ses occupants, ce qui est faux, mais il souffrit tant que le comte de Saint-Gilles eut beaucoup de mal à convaincre ses hommes de rependre l’assaut le lendemain. Le 14, les combats s’arrêtent avec le soir. Dans les deux camps, malgré l’épuisement, on passe la nuit sur le pied de guerre. Les assiégés craignent une attaque surprise sur les remparts ; les assiégeants, une sortie des Sarrasins qui viendraient détruire les machines.

Dès l’aube, le vendredi 15, l’assaut reprend furieusement, mais cette fois-ci, au moment où le découragement s’empare des assaillants, sans doute vers midi, la muraille nord cède brutalement. Deux frères, Liétaud et Engilbert de Tournai, profitent de l’écran de fumée dû aux incendies pour sauter sur la muraille du haut de la tour de Godefroi. Le duc de Basse-Lotharingie et ses chevaliers les rejoignent aussitôt et conquièrent le chemin de ronde. Les assiégeants se précipitent vers les portes qu’ils ouvrent, et toute l’armée commence à déferler sur la ville. Seuls les Provençaux, au sud, n’ont pas réussi à percer, et le comte de Saint-Gilles, qui s’aperçoit soudain de la situation, s’écrie : « Que tardez-vous ? Voici que tous les Français sont déjà dans la ville ! » En fait, les Provençaux vont entrer dans la ville par la négociation : la garnison fatimide de la muraille sud et de la tour de David, jugeant la situation désespérée, préfère se rendre au comte contre un sauf-conduit ; il la laisse partir avec armes et bagages – ce qui lui sera d’ailleurs reproché par les autres croisés. De ce fait, c’est avec retard que l’armée provençale participe au sac de la ville…

Le pillage de Jérusalem est raconté par tous les chroniqueurs du temps avec une profusion de détails effroyables. Cet épisode a fait couler autant d’encre que de sang. Il ne faut pas imaginer que la bataille s’achève quand les murailles tombent, bien au contraire. Pendant deux jours, les croisés mènent un combat de rue terriblement meurtrier. Les habitants de la ville se défendent jusqu’au bout, retranchés dans divers bâtiments et notamment sur les terrasses de la mosquée al-Aqsa, que les Occidentaux appellent le « Temple de Salomon ». C’est là que se livrent les derniers combats, c’est là que les assaillants massacrent les derniers « infidèles ».

« On voyait dans les rues et sur les places de la ville des monceaux de têtes, de mains et de pieds. Fantassins et chevaliers ne marchaient de tous côtés qu’à travers les cadavres », relate Raimond d’Aguilers, qui en rajoute : « Dans le temple de Salomon, on marchait à cheval dans le sang jusqu’aux genoux du cavalier et jusqu’au mors du cheval… » Cette dernière image, qui résumerait la barbarie des croisés, n’est en fait qu’une citation de l’ Apocalypse (XIV, 20) – un livre volontiers cité dans ce contexte d’attente eschatologique. Il ne s’agit pas de justifier l’injustifiable, mais il faut tout de même rappeler que la « guerre propre » est un rêve du XXe siècle, et non une réalité médiévale. En 1077, lorsque les Turcs se sont emparés de Jérusalem, ils ont massacré exactement de la même manière toute la population musulmane qui s’était réfugiée dans la mosquée al-Aqsa.

Les chroniques ne permettent pas de chiffrer les pertes humaines : les Occidentaux se vantent d’avoir tué 10 000 païens dans la Grande Mosquée, et les musulmans en pleurent 70 000 ! Des chiffres qui n’ont véritablement aucun sens. Au lendemain de la victoire, la ville se trouve-t-elle totalement dépeuplée ? On peut en douter : les textes mentionnent la présence de nombreux captifs, qui seront vendus comme esclaves ou échangés contre rançon. Des lettres conservées montrent que les juifs de la diaspora ont entrepris de racheter leurs coreligionnaires. En outre, la population chrétienne qui avait été expulsée au début du siège a pu regagner son quartier.

La prise de Jérusalem couronne l’expédition, mais en dévoile également toute l’ambiguïté. Que faire, maintenant que la ville est prise ? Les Occidentaux ont gagné la guerre sainte, mais il va leur falloir désormais gagner la paix, composer avec les royaumes voisins et les populations musulmanes hostiles, alors même que la plupart des croisés, leur voeu accompli, s’apprêtent à regagner l’Europe. Lorsque, le 22 juillet, Godefroi de Bouillon prend le titre d’avoué du Saint-Sépulcre pour diriger la ville conquise, l’avenir demeure terriblement incertain.


* Membre du comité éditorial d’ Historia , Laurent Vissière est maître de conférences en histoire médiévale à l’université de Paris IV-Sorbonne. Il est spécialiste de l’aristocratie médiévale et des rapports entre la France et l’Italie.

Publié dans:L'ordre des Templiers |on 10 mai, 2007 |1 Commentaire »

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