Archive pour janvier, 2007

L’ORDRE DE SAINT-LAZARE DE JERUSALEM, et NOTRE-DAME DU MONT CARMEL

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L’ordre de St Lazare 
 par Georges LENORMAND

L’ORDRE DE SAINT-LAZARE DE JERUSALEM, et NOTRE-DAME DU MONT CARMEL

Si la tradition le fait remonter à Jean Hyrcan, fils de Simon Macchabée, la véritable histoire de l’ordre commence, comme pour les Templiers ou les Hospitaliers, avec l’arrivée des croisés à Jérusalem en 1099. Les Lazaristes sont alors des frères hospitaliers s’occupant particulièrement des lépreux, d’où l’invocation de Saint Lazare, patron de ces malades. Le premier grand maître fut un provençal, le bienheureux Gérard Tenque auquel succéda Roger Boyant, ancien recteur de l’Hôpital de Saint-Jean, devenu lépreux ; d’où la coutume qui voulut que les grands maîtres fussent lépreux.

A l’origine uniquement religieux, l’ordre devint militaire vers 1200. Son but originel était de recevoir les chevaliers des divers ordres atteints de la lèpre. Mais son caractère militaire, sous la domination franque en Palestine, est indéniable puisqu’en 1244 on trouve les chevaliers au combat de Gaza, où ils se font massacrer. Innocent IV autorise alors l’élection d’un maître en Europe. En 1256 néanmoins, lorsque les chevaliers quittent la Palestine pour installer leur magistère en Europe, ils constituent avec les Templiers, les Hospitaliers et les Teutoniques l’un des quatre grands ordres militaires.

C’est en 1244 que l’ordre se développa en France grâce aux libéralités de Louis IX qui, à son retour de la croisade, installa les chevaliers au château de Boigny, près d’Orléans, dont le grand maître fera sa résidence en 1291 (fief acquis en 1154). Un autre fief à Paris (St.-Lazare), constitué d’un château avec léproserie (acquis en 1150) a donné son nom à ce quartier.

L’ordre ne fut jamais, depuis lors, bien portant. La papauté, dont il dépendait, le réunit, en 1603, à l’Ordre de Saint-Maurice dont les ducs de Savoie étaient maîtres héréditaires, ce qui équivalait, en fait, à sa disparition. Henri IV voulut le maintenir en France et fonda en 1608, l’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel, auquel il réunit Saint-Lazare, mais Rome ne reconnut pas la fusion. Saint-Lazare devint, désormais, en France un ordre dynastique que dominèrent les rois de France et qui prit officiellement le titre d’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem. En 1703 fut imprimé pour les deux ordres réunis un nouveau cérémonial. Supprimé par la Révolution française, il ressuscita sous la Restauration, Louis XVIII prenant seulement le titre de protecteur de l’ordre. Après 1830, les chevaliers se regroupèrent pour former avec les débris de l’ordre une association nobiliaire et se placèrent sous la protection spirituelle des patriarches grecs melchites catholiques d’Antioche, d’Alexandrie et de Jérusalem. Ce protectorat dura jusqu’en 1930, date à laquelle le grand magistère fut restauré. En 1980, abandonnant la dénomination d’ « ordre », l’association se dote de nouveaux statuts et prend le titre d’ « Hospitaliers de Saint Lazare ».

www.st-lazarus.net

« Les ordres de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre-Dame du Mont-Carmel aux XVIIème et XVIIIème siècles ».

Cette dénomination est en réalité incomplète, l’exacte appellation en est « Ordres royaux, militaires et hospitaliers de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre-Dame du Mont-Carmel ». En effet, il s’agit de l’union de 2 ordres : « l’ordre hospitalier et militaire de Saint-Lazare de Jérusalem » et celui de « la Milice ou Ordre militaire de la Vierge Marie ou de Notre-Dame du Mont-Carmel ». Si le premier est de très ancienne origine, le second a été créé en 1607 par Henry IV. Tous deux furent d’abord réunis par le fait qu’ils eurent le même grand-maître, un brillant homme de guerre de très ancienne noblesse auvergnate : Philiberg de Nerestang. L’union des deux ordres, proclamée en octobre 1608 par le Roi, ne fut reconnue par le Saint-Siège que par l’intermédiaire du cardinal de Vendôme légat « a latere » de Clément IX, le 5 juin 1608. Pour comprendre cette prudence de la papauté, il faut se référer à l’histoire et à la constitution des deux ordres ainsi unis mais qui avait, chacun d’entre eux, leur originalité et leur spécificité propres jusqu’à ce que, à l’initiative du comte de Provence, le futur Louis XVIII, alors grand-maître en cette fin du XVIIIe siècle, leurs destinées à nouveau se séparent : Saint-Lazare étant réservé à la très vieille noblesse et aux officiers généraux, le Mont-Carmel aux meilleurs élèves de l’École Royale Militaire de Paris.

L’ORDRE HOSPITALIER ET MILITAIRE DE SAINT-LAZARE DE JÉRUSALEM AVANT LE XVIIe SIÈCLE.

L’Ordre de Saint-Lazare, comme l’écrit M. de La Roque, « prend son nom de Lazare qui fut ressuscité par Notre-Seigneur, comme il se voit dans l’Évangile de saint Jean ». Aussi, les lépreux ou ladres l’ayant pris pour patron, on a communément appliqué aux maisons de l’ordre de Saint-Lazare : « le titre de maladrerie, léproserie, ladrerie, lazaret, ou maison de Saint-Lazare.  » En effet, « ceux qui étaient infectés de cette maladie contagieuse étaient séparés des autres personnes selon la loi de Dieu. Et ils devaient demeurer hors des villes, suivant la loi établie en Samarie, rapportée par Joseph en ses Antiquités Judaïques. Les lépreux étaient tenus par les règlements de ce Royaume, de prendre la qualité de « ladres » dans les actes publics qu’ils passaient, et il leur était défendu d’aspirer à aucune charge publique, dont ils devaient se démettre en cas qu’ils en fussent pourvus. » Il ajoute : « que les auteurs qui ont écrit de l’ancienneté de cet ordre, en établissent le dessein et le fondement dès le premier concile célébré à Jérusalem par les apôtres avant leur séparation l’an 34 de la naissance de Jésus-Christ ; ou après qu’ils eurent ouï les plaintes qui étaient faites sur l’administration des aumônes, et qu’ils eurent considéré que la prédication de la parole de Dieu ne leur permettait pas de vaquer aux ministères extérieurs et aux secours que la miséricorde doit au prochain, ils jugèrent à propos de s’en décharger, comme il est porté dans les Actes des Apôtres. Et pour cet effet, ils élurent en même temps indifféremment du nombre des juifs et des gentils, des personnes illustres en vertu, comme Saint Etienne, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parminas et Nicolas d’Antioche, auxquels ils confièrent la recette et la disposition des charités publiques et généralement tous les exercices des oeuvres de miséricorde. Tellement qu’on peut compter ceux-ci sous les premiers hospitaliers de la Religion qui a depuis porté le nom de Saint-Lazare. » Plus raisonnablement, on peut penser que cet ordre, comme les autres, naquit en Palestine pendant les croisades, qu’il était d’abord uniquement religieux, et qu’il ne semble s’être adjoint une milice que vers l’an 1200. Cela n’est cependant pas contradictoire avec la déclaration de Louis XIV de décembre 1672 affirmant : « que l’ordre de Saint-Lazare de Jérusalem est le plus ancien de toute la Chrétienté ». Cette affirmation peut s’appliquer à son action hospitalière à l’égard des lépreux. D’ailleurs l’ordre en compta parmi ses premiers membres, en particulier le Bienheureux Gérard Tenque, son grand-maître, et Roger Boyant, ancien recteur de l’hôpital Saint-Jean. Il semble en effet que l’ordre eut comme mission à la fois de soigner les lépreux et de recevoir en son sein les membres des différents ordres atteints par ce fléau. Son organisation, en tant qu’ordre militaire, semble ainsi avoir été plus tardive que pour les autres ordres comme ceux du Temple, des Hospitaliers de Saint-Jean et des chevaliers teutoniques. Néanmoins, en 1244, leurs chevaliers participèrent au combat de Gaza où ils furent massacrés ; plus tard, ils furent aux cotés de Saint Louis à Mansourah. Leur action semble toutefois avoir eu surtout pour objet le soin des lépreux, si nombreux alors dans tout l’Orient et notamment en Palestine et en Syrie. Aussi le Roi de France Louis VII, de retour de croisade, leur aurait-il confié la direction des maladreries du royaume. Les membres de l’ordre reçurent d’abord à Paris, la charge de l’hôpital pour les lépreux, puis le domaine de Boigny près d’Orléans qui fut la première commanderie de l’ordre et qui devint son siège à la fin du XIIIe siècle. Alors, après la perte de la Terre Sainte et l’occupation de Saint-Jean d’Acre, les chevaliers se retirèrent en Europe d’autant que Saint Louis, confirmant leur rôle hospitalier, leur aurait confié l’administration de toutes les maladreries du Royaume dont le nombre était supérieur à deux mille. Outre les lépreux, ces établissements accueillaient les autres malades et les pélerins. Du XIIe au XVe siècles les dons affluèrent. Les papes, notamment Jean XXII, Grégoire X, Paul II et Urbain VI, le favorisèrent de leurs grâces et privilèges, et les rois de France prirent l’ordre sous leur protection suivant les lettres patentes de Philippe le Bel en date de Juillet 1308, lui épargnant ainsi le sort de l’Ordre du Temple. La fin du XVe siècle et le XVIe siècle furent des périodes de vicissitudes. En effet outre « la forme de gouvernement de l’ordre qui avait été observée jusqu’alors », son organisation se trouva relâchée, par les « malheurs du temps et par l’instabilité de toutes les choses humaines qui ne sauraient longtemps subsister dans la perfection ; les frères de cet ordre prenant la liberté de se marier, se prévalurent de la négligence que l’on apportait à maintenir les biens vacants de l’ordre et à y pourvoir des sujets capables : ce qui leur donna lieu de transférer dans leurs maisons profanes celles de la Religion et de se les rendre héréditaires ». L’ordre était en profonde décadence lorsque les turcs prirent d’assaut Constantinople. Le Saint-Siège chercha alors à rassembler les forces de la Chrétienté pour les repousser et mettre un terme aux razzias, si ce n’est à relancer la reconquête de la Terre Sainte et de Jérusalem. A cette fin, les papes pensèrent regrouper les ordres militaires et religieux, ce fut l’objet d’une bulle de Pie II, de celles d’Innocent VIII en 1485 et de Jules II en 1505, les deux dernières prévoyaient l’union de l’ordre de Saint-Lazare avec celui de Saint-Jean de Jérusalem. En France, il fallut l’arrêt du parlement de Paris en date du 1er Mars 1547, puis la décision d’Henri III nommant Aimar de Chartres grand-maître, pour éviter une fusion avec l’ordre de Malte, fusion que ce dernier roi avait paru souhaiter au début de son règne en 1576. Le maintien et l’indépendance de l’ordre étaient ainsi assurés en France, l’empereur Charles Quint l’obtint dans le royaume de Naples et de Siciles, le roi d’Espagne Philippe II également, en même temps qu’il obtint la nomination d’un de ses sujets, Jeannot de Castillon, comme grand-maître, même si ce dernier ne fut reconnu que dans les états de Philippe II. Castillon mourut à Verceil, ville du Piémont où le duc de Savoie l’avait « gracieusement » attiré, ce qui autorisa ledit duc à demander au pape d’unir l’ordre à celui de Saint-Maurice qu’il venait de fonder avec son accord, et de lui concéder la charge de grand-maître qu’il rendrait héréditaire dans sa famille. En échange, celui-ci promettait d’établir les chevaliers à Turin et à Nice et, en ce dernier lieu, d’y entretenir deux galères armées contre les pirates et barbaresques. Grégoire XIII accepta ses demandes en Novembre 1572, mais sa nomination en temps que grand-maître ne s’avera effective que dans ses états. Quelques mois auparavant, le 7 Octobre 1571, la victoire de Don Juan d’Autriche à Lépante sur les Turcs, avait sauvé la Chrétienté, mais un autre danger commençait à l’ébranler : les guerres de religion dont l’ordre de Saint-Lazare allait être aussi la victime. En effet, les biens d’Eglise et ceux des ordres religieux et militaires furent la proie des protestants. Ainsi furent-ils la base de la fortune de la maison de Hohenzollern lorsqu’Albert de Brandebourg sécularisa en Prusse les biens de l’ordre Teutonique dont il était le grand-maître. Le même processus, souvent moins brutal certes, eut lieu dans des états devenus protestants tant dans le Saint-Empire qu’en Angleterre et en Suisse. Dans les régions catholiques, les souverains se prévalurent d’un rôle de protecteur et les utilisèrent pour s’assurer une clientèle ou « doter » de bons serviteurs tout en s’émancipant des tutelles extérieures : papauté pour les terres d’Église, maîtrise générale pour les biens des ordres. L’ordre de Saint-Lazare dont le nombre des maisons aurait atteint le chiffre de 3000 en Europe, fut la proie des usurpations et la France, qui était le siège du grand-maître, vit son influence s’estomper. Cependant, grâce à la protection royale, l’ordre ne disparut pas et ne fusionna pas avec l’ordre de Malte. Il faudra toutefois attendre le règne d’Henri IV pour que l’ordre renaisse. En effet depuis 1585, aucun chapitre n’avait été réuni, le nombre de ses chevaliers se réduisait à moins d’une dizaine et son patrimoine avait été dissipé au point que Pierre de Belloy fit admettre de recevoir dans l’ordre ceux qui avaient usurpé ses biens, outre les nobles à titre de chevalier, les membres du tiers état à titre de frères servants. En 1604, la nomination comme grand-maître, de Philibert de Nerestang, fils d’un ancien ligueur rallié à Henry IV, allait permettre de relever l’ordre malgré l’opposition du pape qui ne voulut pas accepter la collation et la nomination du grand-maître sans son accord. La création de l’ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel par Henri IV en accord avec le Saint Siège, la nomination du Marquis de Nerestang comme grand-maître de l’ordre, le 4 Avril 1608, et la confirmation du pape permirent de trouver une solution, d’autant que le 31 Octobre 1608, le roi avait uni les 2 ordres. Mais le Saint Siège n’accepta « officiellement » cette union que le 5 Juin 1668 par l’intermédiaire de son légat, le cardinal de Vendôme. Lors de cette union, l’ordre de Saint-Lazare apportait, outre un passé prestigieux, un patrimoine riche en droits. En outre le Roi de France, protecteur des ordres voulait en faire un vivier de bons serviteurs et tout particulièrement de soldats courageux et dévoués à l’exemple des Nerestang qui, successivement de 1608 à 1667, en furent les grands-maîtres et se signalèrent par leur fidélité et leur courage au combat. Jusqu’à l’union des ordres en 1608, les chevaliers de Saint-Lazare, qui avaient comme couleur distinctive le vert (sinople, en héraldique), portaient une croix verte de forme carrée sur le devant de leur vêtement et sur le côté gauche de leur cape ; au XVIe siècle, le principal changement n’avait concerné que cette croix qui fut bordée de blanc et dont la forme se rapprocha de celle de l’ordre de Malte.

Publié dans:L'ordre des Templiers |on 31 janvier, 2007 |1 Commentaire »

L’ordre des chevaliers Porte Glaive

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L’ordre des chevaliers Porte Glaive 
 par Georges LENORMAND

L’ORDRE DES CHEVALIERS PORTE-GLAIVE

L’Ordre des Chevaliers Porte-Glaive (en allemand Schwertträger) est un ordre religieux et militaire, créé en 1202 par Albert de Buxhövden, l’évêque de Livonie et fondateur de la ville de Riga. Ol a été approuvé en 1204 par le pape Innocent III. Cet ordre qui portait aussi les noms de « Chevaliers des Deux Epées » et « Frères de l’Epée » (en allemand : Schwerbrüderorden), avait pour objet la défense des chrétiens contre les païens des régions voisines. Les chevaliers, qui portaient une robe blanche avec deux épées rouges en croix brodées sur la poitrine, suivaient la règle de Cîteaux, et leur organisation était calquée sur celle des Templiers. Ils restaient soumis au siège de l’ordre à Riga, élevé au rang d’archevêché.

Ayant fait la conquête de la Livonie (d’où le nom « Chevaliers de Livonie »), et de la Courlande (région de Lituanie) sous leur premier grand maître Winno de Rohrbach (première partie du XIIIes), ils furent vaincus sous le second, Foulques Schenk de Winterfeld, et durent fusionner avec l’Ordre Teutonique (1237), dont ils adoptèrent alors la règle et le vêtement.

La branche livonienne de l’ordre reprit son autonomie en 1525. Son dernier grand maître Gotthard Kettier, battu par le tsar Ivan IV, céda la Livonie à Sigismond II, roi de Pologne, et devint duc de Courlande et de Zemgale (1561).

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 31 janvier, 2007 |11 Commentaires »

L’ordre des chevaliers Teutoniques

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L’ordre des chevaliers Teutoniques 
 par Georges LENORMAND

LES CHEVALIERS TEUTONIQUES

Les chevaliers teutoniques constituent un ordre religieux et militaire fondé en Terre Sainte lors de la troisième croisade en 1191.

Origines et organisation de l’ordre

De son nom complet « ordre des chevaliers Teutoniques de l’Hôpital Sainte-Marie-de-Jérusalem », l’ordre est à l’origine un simple hôpital créé par des bourgeois de Brême et de Lübeck, pendant le siège d’Acre en 1191. Transformé en ordre militaire en 1198, l’ordre des chevaliers Teutoniques est officiellement reconnu par le pape en 1199. Étroitement lié à la curie, il calque son organisation sur celle des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et reprend les techniques des Templiers dans leur processus d’évangélisation.

Tous ses membres, nobles allemands, sont vêtus d’une cape blanche ornée d’une croix noire. La règle, édictée en 1244, hiérarchise les différents membres (frères chevaliers, prêtres et domestiques) et les place sous l’autorité d’un grand maître. Élu à vie, le grand maître est assisté de cinq dignitaires : le grand commandeur, le maréchal, le trésorier, l’hospitalier et un responsable de la garde-robe.

Œuvres des chevaliers Teutoniques

Au XIII° siècle, l’ordre, d’abord implanté en Terre Sainte, acquiert de vastes domaines en Méditerranée et en Allemagne, où sont créés douze bailliages destinés à financer les expéditions. Dès 1211, les chevaliers Teutoniques migrent vers la Transylvanie et fondent la ville de Kronstadt (Brasov). En 1231, le grand maître Hermann von Salza entreprend, à la demande du duc Conrad de Mazovie, la conquête et la colonisation de la Prusse païenne, conquête qui se termine en 1283. L’ordre continue son expansion par fusion (en 1237 avec l’ordre des Porte-Glaive) ou achat (Poméranie-Ultérieure en 1309, Estonie en 1346). En 1329, les chevaliers Teutoniques reçoivent en fief du pape la région balte qui s’étend du golfe de Finlande à la Poméranie.

L’ordre des chevaliers Teutoniques obtient de l’empereur Frédéric II le statut et les privilèges accordés aux princes d’Empire. En 1309, il installe son siège à Marienburg (aujourd’hui Malbork, Pologne). Les chevaliers font édifier de nombreuses forteresses, comme celles de Marienburg ou de Gollub en Prusse. De même, ils fondent quatre-vingt treize villes sur leurs territoires (telle la ville de Königsberg, aujourd’hui Kaliningrad).

Déclin de l’ordre

De plus en plus contestés à partir de la fin du XIV° siècle, les chevaliers Teutoniques sont défaits à la bataille de Grunwald par les Polonais de Ladislas II Jagellon, en 1410, ce qui stoppe leur expansion territoriale. Heinrich von Plauen, grand maître de 1410 à 1413, cherche à réformer l’ordre en déclin mais se fait bientôt déposer par le chapitre. La guerre de Treize Ans (1454-1466) entre la Pologne de Casimir IV et les Teutoniques se termine par la restitution de tous les territoires de l’ordre à la Pologne, à l’exception de la Prusse orientale et de la Livonie, par la paix de Thorn (aujourd’hui Torun) de 1466. De surcroît, le roi de Pologne devient suzerain du grand maître de l’ordre pour les territoires restants.

Au XVI° siècle, la Prusse et la Courlande sont sécularisées et transformées en duchés, et la Livonie est partagée entre la Pologne, la Russie et la Suède.

L’ordre des chevaliers Teutoniques survit en Allemagne méridionale et connaît un certain regain dans la lutte contre les Turcs en Hongrie. Dissout par Napoléon Ier en 1809, il se maintient néanmoins en Autriche au cours du XIX° siècle. En 1918, il est pour la première fois dirigé par un prêtre et, en 1929, la discipline religieuse est totalement restaurée. Depuis cette date, à l’exception de la période de la Seconde Guerre mondiale, l’ordre des chevaliers Teutoniques, dont le siège est à Vienne, est un ordre de charité qui limite son action à l’Autriche, à l’Italie et à l’Allemagne.

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 31 janvier, 2007 |13 Commentaires »

L’ordre des chevaliers de St Georges

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L’ordre des chevaliers de St Georges 
 par Georges LENORMAND

L’ORDRE CONSTANTINIEN DE SAINT-GEORGES

L’empereur romain Constantin, après sa victoire sur Maxence le 28 octobre 312, décida de créer une légion de cinquante hommes chargés d’accompagner au combat le sacré « labarum » orné de la croix divine. Cette milice fut reprise bien des années plus tard pour devenir un ordre de chevalerie sous le nom de « Milice Constantinienne de Saint-Georges » (en italien : Sacro Militare Ordine Costantiniano di San Giorgio). Cet ordre reçut officiellement de l’empereur de Constantinople, Ange Comnène, des règles et un statut en 1190, et la règle de Saint Basile lui fut imposée.

Après la chute de Constantinople, le 24 mai 1453, les princes italiens offrirent une large hospitalité à la famille des Comnène et aux chevaliers constantiniens. L’ordre, tout en demeurant strictement familial, passa aux Bourbons de Naples à la mort du duc François Ier Farnèse.

Pendant les guerres de l’Empire napoléonien, la dignité suprême de l’ordre émigra, un moment, en Sicile, mais elle revint en 1814 dans la capitale du royaume de Naples.

Après les traités de 1815, Marie-Louise, archiduchesse d’Autriche, ex-impératrice des Français, reçut les duchés de Parme et de Plaisance. Se fondant sur l’ancien droit des ducs de Parme et sur le fait qu’elle descendait directement de la famille des Farnèse, elle se déclara grande maîtresse de l’Ordre Constantinien, mais c’est, en fait, un nouvel ordre qu’elle fonda le 26 décembre 1816 dont le roi des Deux Siciles restait grand maître du véritable Ordre Constantinien.

En 1860, tous les biens de l’Ordre Constantinien de l’ex-royaume des Deux-Siciles étaient restitués, par décret de Garibaldi, au patrimoine national du nouvel état italien, mais l’ordre n’était pas pour autant supprimé.

L’ordre est aujourd’hui la propriété dynastique de la Maison royale des Deux-Siciles. Il est destiné, comme par le passé, à la glorification de la Croix, la propagation de la Foi, la défense de l’Eglise, l’assistance hospitalière et la bienfaisance.

HISTOIRE DE L’ORDRE SACRE ET MILITAIRE CONSTANTINIEN DE SAINT GEORGES

Les Origines

L’Ordre Sacré et Militaire Constantinien de Saint Georges remonte à la « Chevalerie Dorée Constantinienne » (« dorée » en vertu du collier en or très fin, porté par les plus hauts dignitaires), que l’Empereur Constantin fonda en 312 apr. J.-C., une fois devenu le seigneur indiscutable de l’Empire Romain, grâce à sa victoire définitive contre Maxence, au Pont Milvius. La victoire avait été obtenue par la grâce divine de la vision de la Croix dans le Ciel avec la devise « In Hoc Signo Vinces », qu’il fit ensuite apposer sur ses vexilles et ses armures, sur ceux de ses fils et de ses officiers.

Constantin, comme remerciement au Seigneur pour la victoire, fonda le premier Ordre de Chevalerie de l’histoire, investissant lui même les cinquante premiers chevaliers, parmi lesquels ses fils, les futurs Empereurs. De plus, comme il est notoire, il concéda la liberté de culte aux chrétiens dans l’Empire entier.

On a énormément discuté les origines directes de l’Ordre, mais la critique historique la plus accréditée semble reconnaître que, en 1190, l’Ordre était sous le Grand Magistère de l’Empereur Romain d’Orient, Isaac – Ange – Flavius Comnène, auteur du premier Statut de l’Ordre (tout au moins du premier que nous possédons, même si partiellement) et que, dans les siècles suivants, il fut gouverné par la famille Comnène, malgré la perte du Trône en 1453, par l’impulsion musulmane.

Parmi les plus prestigieux chevaliers des siècles médiévaux, dont nous possédons des notices, se distinguent les figures d’Empereurs et de Rois tels : Frédéric Barberousse, Richard Cœur de lion, Philippe II de France, Casimir de Pologne, Alphonse II d’Aragon, Guillaume II de Sicile, Sanche VI de Navarre, Alphonse IX de Castille, etc. Le deuxième document certain, dont nous disposons est de l’an 1522 : il s’agit toujours du Statut de l’Ordre, rédigé par Angelo de Drivasto : la famille des Anges de Drivasto, princes de Thessalie, détenteurs du Grand Magistère de l’Ordre, descendait de la famille Comnène.

Nous avons en réalité des preuves relatives à l’existence de l’Ordre, beaucoup plus antécédentes. Les premières Règles écrites, ayant été données pour le Gouvernement de l’Ordre, que l’histoire nous atteste, sont celles dictées par l’Evêque Saint Basile, approuvées en l’an 456 par le Pape Saint Léon Ier Le Grand, à travers la célèbre lettre envoyée à l’Empereur Marciano. Cette lettre, dont une copie est gardée auprès des Archives Historiques de Naples, commence ainsi : « L’Evêque Léon à l’Empereur Marciano. Je n’admire jamais suffisamment votre dévotion et votre amour envers ceux qui professent la foi catholique, ô très glorieux Empereur. C’est donc avec le cœur en joie, que j’ai reçu votre lettre et celle du valeureux Prince Alexis-Ange, par laquelle vous demandez que j’appose l’autorité apostolique à la Règle de l’Evêque Basile de Césarée, dont la vie est si pure, Règle qu’il prescrivit aux frères soldats constantiniens, portant les armoiries frappées d’une croix rouge, pour valoir en tant que signe confirmatif de votre part et de la part du Prince Alexis, guide suprême de ces frères »

Il s’agit du Prince Alexis Ange qui serait, selon la tradition, le premier Grand Maître de la famille Comnène, nommé par l’édit de l’Empereur Léon Ier (457-474). Cependant, la règle de l’Evêque Basile, peut donc être considérée le premier Statut de l’Ordre Constantinien.

Il existe en outre, toujours auprès des Archives Historiques de Naples parmi les « Carte Costantiniane » (les Documents Constantiniens), un document probablement contemporain de la lettre de Pape Léon Ier, intitulé Descursus aurati seu calcaris aurei, dont la teneur textuelle est la suivante : « On y démontre que la série de ces chevaliers prend son origine du Souverain Pontife Saint Silvestre et du Grand Empereur Constantin et, le droit de créer ces Chevaliers revient au Souverain Pontife ou bien à l’Empereur, ou à ceux en recevant l’autorité du Pontife ou de l’Empereur. Il y est aussi démontré que de ces Chevaliers dérive l’Ordre Constantinien de Saint Georges ». Considérations d’où déduire que, à l’origine, les Chevaliers Constantiniens étaient nommés indépendamment par l’Empereur ou le Pontife.

En revenant aux temps modernes, le 17 juillet 1550, Pape Jules III reconnut l’Ordre par la Bulle Quod Alias, assurant le Grand Magistère à André et Jérôme Anges de Drivasto (comme dit précédemment, les descendants de la famille Comnène), à laquelle succéda une disposition de la Congrégation du Conseil, sous le pontificat de Grégoire XIII, en 1576, qui apporta une grande nouveauté à l’Ordre : celle du caractère religieux, le soumettant définitivement à la Règle de Saint Basile. En 1623, les Anges de Drivasto cédèrent le Grand Magistère à Marino Caracciolo, prince d’Avellino, et le 23 novembre de la même année, Urbain VIII confirma telle dignité, attestant d’autre part son origine byzantine. Cependant, à la mort du prince d’Avellino en 1630, le Grand Magistère revint à Jean André Ange de Drivasto. Par le Bref Cum Sicut du 27 août 1672, Pape Clément X nomma un Procureur Général de l’Ordre à Rome et un Cardinal Protecteur, le Cardinal de’ Massimi ; il établit que le Procureur Général de l’Ordre prenne place dans les Chapelles Pontificales et qu’il vienne tout de suite après le Procureur Général des Servites de Marie. Par le Bref du 14 juin 1687, Innocent XI nomma Protecteur de l’Ordre le Cardinal Gaspero Cavaliero, auquel succéda, durant 1690, le Cardinal Jean-François Albani (devenu plus tard Pape Clément XI). A la fin du XVIIème siècle, la famille des Anges de Drivasto (dernière branche de la famille Comnène) allait s’éteindre avec Jean – André – Ange de Drivasto Flavius Comnène, par manque d’héritiers ; suivant un acte rédigé le 27 juillet 1697, ce dernier transféra le Grand Magistère à l’alors Duc de Parme et Plaisance François Ier Farnèse (1697-1727) et à ses descendants.

Le Grand Magistère des Farnèse de Parme

Par décret de l’Empereur Léopold Ier du 5 août 1699, et la Bulle Sinceræ Fidei de Pape Innocent XII, du 24 octobre de la même année, cet acte de cession était confirmé, autorisant en termes explicites le passage du Grand Magistère à la Maison de Farnèse.

Voici les paroles solennelles par lesquelles le Pontife sanctionne tel acte : « Entendant pleinement et accueillant avec bienveillance les requêtes qui concernent cette question et qui nous ont été humblement adressées, en ton nom et au nom de Jean – André, Prince et Grand Maître, Nous, par motu proprio, en conscience et après une mûre délibération, en vertu de la plénitude de notre pouvoir apostolique, nous confirmons et approuvons à perpétuité la cession de ladite charge de Grand Maître et administrateur éternel de la Milice Aurate Constantinienne, cession faite par le susdit Jean – André, Prince et Grand Maître, à toi et à tes descendants ». Sont à remarquer les termes précieux : « L’affection de foi sincère et de singulière dévotion dont vous faites preuves à notre égard et envers le Siège Apostolique, ainsi que les nombreux mérites de ton illustre famille témoignés à ce même Siège, nous induisent à concéder volontiers à toi et à tes futurs descendants, tout comme aux autres princes de ta propre famille, toutes choses aptes à accroître votre honneur, afin qu’elles demeurent, marque éternelle, comme le souvenir de notre bienveillance paternelle envers toi et envers ta famille ». Les Statuts constantiniens furent par la suite modernisés au moyen de l’approbation survenue en 1706.

De plus, par la Bulle Militantis Ecclesiæ du 27 mai 1718, Pape Clément XI voulut manifesté à l’Ordre Constantinien son affection et sa bienveillance, au point qu’il accorda au Grand Prieur des privilèges abbatiaux, au clergé les insignes de la prélature et enfin, à l’Ordre même, la faculté de pouvoir constituer des « bénéfices ecclésiastiques » : « Et si quelqu’un osait invalider ce qui a été décidé, qu’il sache qu’il s’exposera à l’indignation de Dieu Tout-puissant et de Ses bienheureux Apôtres Pierre et Paul ».

Par une Bulle de 1719, Clément XI en personne se félicite avec les Chevaliers Constantiniens, pour voir conduit plus de 2000 fantassins en Dalmatie contre les armées Turques. Un nombre considérable de documents, présents dans les archives nationales, témoignent la guerre, longue etvictorieuse, combattue contre les Turcs, par la République de Venise, à l’aide du Duc François Farnèse, qui envoya un « Régiment Constantinien ».

Ettore Gallo commente : « La documentation concernant le Régiment Constantinien montre, sous l’aspect militaire, combien étaient vivaces, dans la petite armée Farnésienne, la valeur, le courage, et un esprit, véritablement chrétien d’attachement aux principes qui ont inspiré l’Ordre : « Glorification de la Croix et propagation de la Foi » »

Le Duc François Farnèse était lui aussi sans enfants ; par conséquent, il ne voulut point juger l’Ordre un privilège de la Couronne et disposa que celui-ci devait se transmettre de père en fils et que, en cas d’extinction, le Grand Maître soit « le plus proche [en ligne familiale] au feu Grand Maître, et appartenant à la famille Farnèse ». Ainsi, à la mort de François Ier, le 26 février 1727, les pouvoirs de l’Etat et du Grand Magistère de l’Ordre furent assumés par son frère Antoine qui, le 20 janvier 1731, après seulement quatre années de principauté, décéda sans laisser de fils.

C’est à ce moment que devient essentiel le rôle d’Elisabeth Farnèse, sœur des deux Ducs et Reine d’Espagne pour avoir épousé Philippe V d’Anjou, le vainqueur de la Guerre de Succession Espagnole (consulter la rubrique de la section historique la Maison de Bourbon, soit trois Royaumes et un Duché).

Elle parvint à assurer que l’héritage allodial de la Famille Farnèse puisse revenir à l’Infant Don Carlos de Bourbon. En effet, les grandes puissances, prévoyant comme non lointaine l’extinction de la Maison Farnèse, établirent, par le Traité de Londres de 1718, qu’à la mort du Duc Farnèse, l’Infant Don Carlos obtiendrait les terres de la Famille Farnèse (c’est à dire le Duché de Parme et de Plaisance), mais sans l’interférence de la part de son père le Roi d’Espagne, encore moins sous le prétexte de tutelle familiale. La paix d’Utrecht en 1713 le dictait. Mort cependant le Duc Farnèse en 1727, le successeur Antoine désigna à l’héritage allodial de sa Maison l’Infant Don Carlos de Bourbon (son neveu).

En 1731, Charles entra à Parme en tant que souverain ; en 1734, il devint Roi de Naples et en 1735 il fut couronné, à Palerme, Roi de Sicile. Mais, en 1759, suite au renoncement de Charles pour devenir Roi d’Espagne, les deux Couronnes de Naples et de Sicile passèrent à son fils Ferdinand, qui régna jusqu’en 1825 (consulter les rubriques dédiées à Charles de Bourbon et Ferdinand Ier).

Le Grand Magistère à la Maison de Bourbon des Deux-Siciles

Après la conquête du Royaume de Naples et de Sicile, Charles transféra à Naples le siège de l’Ordre, laissant à son frère cadet Philippe II le Duché de Parme et Plaisance (1748). Comme nous l’avons dit, ayant dû ceindre la Couronne d’Espagne en 1759 (et étant donc contraint à abandonner celui de Naples et Sicile pour des raisons politiques et dynastiques, dont nous rendons compte dans la rubrique dédiée à Charles de Bourbon et dans celle intitulée « L’Ordre Sacré et Militaire Constantinien de Saint Georges et la Maison Royale de Bourbon des Deux-Siciles »), par acte souverain du 6 octobre 1759, il céda tous les biens allodiaux Italiens à son troisième fils Ferdinand et, par un acte expressément distinct, il voulut céder également le Grand Magistère Constantinien, en tant qu’Ordre Familial lié aux successeurs et héritiers du fidéicommis Farnésien.

Le Saint Siège reconnut explicitement et clairement aux Bourbons de Naples la possession du Grand Magistère Constantinien, par le Monitorium du 19 décembre 1763 de Clément XIII, où le Pontife intimait aux ordinaires et en général à tous ceux qui ont charge d’âmes, de ne guère troubler les Chevaliers de Saint Georges en possession pacifique de leurs privilèges et rappelait les Bulles de ses prédécesseurs, insistant sur le fait que si un conflit surgissait entre le Magistère et l’Autorité Ecclésiastique « celui-ci ne pourrait être traité que par devant la Chambre Apostolique ». Ce Monitoire général fut promulgué sur les instances du Chevalier de Grand-Croix Constantinienne Petraccone Caracciolo, Duc de Martine, au nom également d’autres Chevaliers de Grand-Croix, et par celui-ci se prescrivent les peines, les censures aux perturbateurs des privilèges accordés à l’Ordre susdit, en vertu des Bulles Sinceræ Fidei et Militantis Ecclesiæ respectivement d’Innocent XII et de Clément XI.

Il existe en outre le Bref Rerum humanarum conditio de Pie VI, du 24 mars 1777, par lequel fut ratifiée l’agrégation des biens de l’Ordre de Saint Antoine Viennois (qui avait été aboli) du Royaume de Naples à l’Ordre Constantinien, exigée par Ferdinand de Bourbon Roi de Naples et Sicile.

De telle façon, il était évident et indéniable que le Saint Siège reconnaissait le Grand Magistère de l’Ordre Constantinien aux Bourbons de Naples et Sicile. Il existe toutefois de nombreuses sources de droit positif démontrant « le caractère familial » de la très haute dignité, parmi lesquelles est digne d’attention une « Dépêche » du Roi Ferdinand IV datée au 8 mars 1796, qu’il est bon de citer pour son importance : « (…)le Roi a, avec toute la pondération nécessaire, considéré que vers sa Royale Personne Sacrée convergent deux qualités bien distinctes, l’une de monarque des Deux-Siciles et l’autre de Grand Maître de l’Ordre Constantinien, lesquelles bien que s’unissant glorieusement, forment toutefois deux Seigneuries indépendantes de par leurs lois, leurs prérogatives et leurs privilèges et surtout de par leur juridiction (…) si bien que les Grands Maîtres prédécesseurs de cet Ordre ont formulé un Code de Constitutions du nom de Statuts, dans lesquels on distingue une volonté précise d’établir une Juridiction Privative pour l’Ordre lui-même et pour les Chevaliers et individus, par l’élection à cet effet d’un Conseil Suprême Magistral pour la connaissance de tous les droits, les prérogatives et les causes qui leur appartiennent ».

Par le Bref Maxima et Præclarissima du 17 juillet 1851, Pape Pie IX reconnut officiellement Grand Maître de l’Ordre Constantinien Ferdinand II Roi des Deux-Siciles. De plus, le 17 septembre 1863, toujours Pie IX promulgua le Bref Quæ in rei sacræ, par lequel, suite aux bouleversements politiques de 1860 en Italie, il était décidé que l’Eglise Constantinienne de Saint Antoine Abbé de Naples, ainsi que tous les biens Constantiniens y afférents, soient placés sous la dépendance temporaire de l’Ordinaire de Naples, aussi longtemps que le Saint Siège le jugerait opportun.

Pape Saint Pie X s’occupa encore de l’Ordre avec le Bref du 7 mars 1910, où il nomma Protecteur de l’Ordre le Cardinal Dominique Ferrata et, avec le Placet du 22 mars 1911, par lequel il approuva l’érection en Siège de l’Ordre, de l’Eglise Abbatiale de Sainte Marie a Cappella, dite des « Crocelle », à Naples ; et en date du 7 avril 1911 et du 2 avril 1913, il apposa le Placet aux décrets magistraux, octroyant des insignes spéciales aux Chevaliers Ecclésiastiques Aumôniers de l’Ordre, outre à d’autres privilèges ; puis encore, le 3 décembre 1913, il nomma le Cardinal François di Paola Cassetta nouveau Protecteur de l’Ordre.

En 1913, l’Ordre Constantinien fit partie de la Commission chargée de la célébration du XVIème centenaire de la paix et de la liberté de l’Eglise (l’Edit de Constantin) et, par vouloir du Pape Saint Pie X, il érigea une chapelle dans l’église de la Sainte Croix au Pont Milvius, inaugurée le 22 mai 1918 par une donation du Chevalier Ecclésiastique Eugène Pacelli, le futur Pape Pie XII ; la Commission susdite reconstitua aussi le Labarum Constantinien, qui fut béni par Saint Pie X le 29 décembre 1913 au Vatican, en présence de S.A.R. le Duc de Calabre et qui est aujourd’hui conservé au Siège de la Grande Chancellerie de l’Ordre à Naples.

Benoît XV se montra également bienveillant envers l’Ordre : par le Bref Ad futuram rei memoriam du 13 décembre 1916, se rapportant à un Bref du 17 septembre 1863 de son prédécesseur le Bienheureux Pie IX , il établit la restitution de l’Eglise de Saint Antoine Abée à l’Ordre Constantinien et reconnut en le Grand Prieur de l’époque (et en ses successeurs), l’Abée titulaire de l’Eglise susdite avec juridiction sur le Clergé Constantinien pour toutes affaires concernant l’Ordre ; et encore, par le décret du 9 juillet 1919, il concéda le Privilegium Officiorum pour que l’Ordre Sacré et Militaire Constantinien puisse utiliser le clergé, outre à approuver les variations apportées aux Statuts de l’Ordre ; par un Bref du 9 juin 1919, il nomma enfin Protecteur de l’Ordre, le Cardinal Victor Amédée Ranuzzi de’ Bianchi.

L’autorité de Ettore Gallo commente : « La doctrine a pu relever certaines importantes considérations sur l’examen global et comparatif des documents pontificaux cités : d’abord, la reconnaissance constante et la gratitude du Saint Siège envers l’Ordre Constantinien ; et aussi la faculté de son Grand Maître, constamment dénommé dans les documents papaux « perpetuus administrator Militiæ Auratæ Constantinianæ » de pouvoir nommer ses Chevaliers, de diriger l’Ordre et d’interpréter des anciens Statuts Farnésiens »

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 31 janvier, 2007 |13 Commentaires »

De la chevalerie et de la guerre

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De la chevalerie et de la guerre 
  par Georges LENORMAND

 

L’Eglise a tenté, ce fut l’une de ses plus belles et efficaces actions temporelles, à l’époque de la féodalité et du déclin du pouvoir royal, de faire transmettre des rois aux princes, puis aux seigneurs et enfin aux chevaliers dans leur ensemble, la fonction qui, dans la tradition, revient au souverain : protéger le royaume et sa population, en particulier les églises et les populations sans défense.

Origine et évolution de la chevalerie

En général, la tradition veut que les premiers chevaliers soient issus des milieux pauvres de la société. Cependant, les historiens sont partagés sur ce sujet. Ceux qui minimisent l’ampleur de la mutation féodale des alentours de l’an mil confondent volontiers chevalerie et noblesse. Ceux qui, au contraire, soulignent cette mutation ont tendance à exagérer l’ampleur des troubles qui résultent de l’affaiblissement du pouvoir central et à surestimer la montée d’une nouvelle « classe sociale », celle des chevaliers, issus des couches les plus aisées de la paysannerie.

Malgré ces différences d’opinions, certains faits s’imposent à tous : le rôle de plus en plus important de la chevalerie dans les batailles et l’intérêt que leur portent de nombreux historiens. Un autre fait reconnu par tout le monde, est la grande hétérogénéité sociale de la chevalerie jusqu’au milieu du XIII° siècle. La chevalerie n’est donc pas une classe sociale sui generis. De plus, avant le XIII° siècle, il n’est pas toujours aisé de distinguer la noblesse de la chevalerie.

Cependant, le fait que l’Eglise et la noblesse s’intéressent de plus en plus à la chevalerie permet peu à peu la promotion de son système de valeurs. Ainsi, à la fin du XII° siècle, la noblesse essaie de réserver l’entrée dans la chevalerie à ses fils. De ce fait, on a l’impression d’une évolution totalement opposée entre le XII° s et la moitié du XIII°s. Avant 1250, tous les nobles laïcs adultes sont chevaliers, mais tous les chevaliers ne sont pas nobles, alors qu’après 1250, tous les chevaliers sont nobles, mais tous les nobles ne sont pas chevaliers.

Ce phénomène peut s’expliquer par le coût de l’équipement, celui de l’adoubement (cérémonie d’accès à la chevalerie) et l’introduction de l’hérédité comme seule base de la noblesse amènent les lignages nobles à réduire fortement la possibilité qu’ont leurs fils d’entrer dans la chevalerie.

La puissance des seigneurs locaux s’appuie certes sur les châteaux, mais elle s’appuie au fil du temps sur les chevaliers. Le chevalier est un homme avec une armure qui défend un seigneur, le roi, la reine et les faibles. Les pauvres gens sont rarement chevaliers. Les armes des chevaliers sont : l’épée, le bouclier, la lance de quatre mètres, la hache et la masse d’armes.

Être chevalier signifie :

Etre preux, c’est-à-dire être capable de prouesse (capacité de montrer sa force physique, d’accomplir un exploit militaire),

Etre loyal, faire montre de loyauté (le chevalier est lié par des échanges de service, des obligations ; il ne faut pas trahir les autres)

et être généreux : la largesse (par mépris des richesses, on refuse d’en accumuler et, au contraire, on se doit de les dissiper pour le plaisir et par la fête).

Des personnages devenus mythiques tels Lancelot et Arthur expriment bien ce qu’était l’idéal chevaleresque.

Guerriers à cheval, les chevaliers combattent aussi à pied. Jusque vers l’an mil, on suppose même que la cavalerie avait un rôle moindre en tant que telle dans les conflits. La principale force des cavaliers est la rapidité de leur intervention dans les grandes batailles. Or, la guerre au Moyen Age se traduit plutôt par des coups de mains, des embuscades et surtout des assauts de forteresses et des sièges. Dans ces opérations, le rôle des cavaliers s’efface progressivement. De plus, dans les batailles mêmes, le rôle des chevaliers n’est pas toujours essentiel. Leurs grandes charges sont importantes, mais elles ne deviennent efficaces que lorsqu’elles sont accompagnées par les tirs de l’archerie, les contingents de piétons, une offensive générale des fantassins et des armes de siège.

Un art de faire la guerre propre à la chevalerie

Deux traits principaux différenciaient la cavalerie de la chevalerie. Les cavaliers étaient des guerriers montés, qui le plus souvent mettent pied à terre pour combattre. Même lorsqu’ils combattent à cheval, ils utilisent les mêmes armes et les mêmes usages qu’à pied. L’armure du chevalier connaît une évolution grâce à la nouvelle position de la lance placée horizontalement, qui en permet une nouvelle utilisation. Jusqu’alors, surtout utilisée comme arme de jet à la façon d’une lance, elle devient, dans cette nouvelle position, solidaire du cavalier. En effet, il faut bien imaginer cette arme bloquée sous le bras et en même temps maintenue par lui.

Ainsi, cette nouvelle technique devient caractéristique de la chevalerie. Le principal avantage en est l’extraordinaire puissance de pénétration délivrée par la force de la lance, du cavalier et du cheval, force libérée au même moment. Tout ceci s’accompagne d’un renforcement de l’armement défensif. En effet, les hauberts se doublent et des cuirasses articulées apparaissent. Dés lors, mieux protégés que les autres combattants, et ayant un art de la guerre propre à eux, les chevaliers se distinguent plus encore qu’auparavant.

De la guerre

La guerre à l’époque médiévale ne se déroule pas du tout de la même manière qu’à notre époque. En effet, au Moyen Age, la forme commune de la guerre n’est pas la bataille, mais plutôt l’embuscade et la prise de châteaux pour laquelle interviennent les armes de siège. Les combattants sont différents selon la nature de l’affrontement. La bataille, quant à elle, n’a lieu que très rarement et, souvent, les combattants ne participent qu’à un nombre restreint de batailles dans leur « carrière ». C’est pour qu’ils soient toujours prêts à cette éventualité que les souverains organisent des tournois qui sont des simulacres de combat.

Trois acteurs principaux ont un rôle durant une guerre.

Les chevaliers qui sont le pilier d’une société guerrière en pleine évolution et de plus en plus tournée vers « l’élite de la nation », à savoir la noblesse. Cette évolution se voit aussi à travers leur armure.

Ensuite, deux personnages militaires beaucoup moins connus ont une importance capitale dans le déroulement d’une guerre. Ce sont, tout d’abord, les mercenaires qui représentent le côté toujours sanguinaire, barbare de la guerre car ces hommes se battent simplement pour de l’argent et n’ont, le plus souvent, aucune autre activité.

Enfin, il y a le héraut qui est très mal connu mais qui est pourtant l’expert comptable de la guerre. Ils étaient le plus souvent d’origine humble mais cette fonction leur permettait, au terme de leur carrière, d’entrer dans la noblesse

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La Formation du chevalier au Moyen-Age

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La Formation du chevalier au Moyen-Age 
 par Georges LENORMAND

Au Moyen Âge, membre de la chevalerie ou d’un ordre de chevalerie. On devient chevalier à la suite d’une longue éducation, que sanctionne une cérémonie rituelle : l’adoubement.

Les étapes de l’éducation

7 à 12 ans : Il est valet d’armes

12 à 16 ans : Il apprend à monter à cheval

16 ou 18 ans : Il est écuyer puis page

Enfin vers 20 ans, il est adoubé chevalier

Lorsque la chevalerie devint l’apanage de la noblesse, le rejeton d’une maison noble était placé chez un seigneur puissant et riche, pour le servir et recevoir une éducation essentiellement militaire. A partir de quinze ans, l’adolescent devenait écuyer. Il continuait à servir, avec des responsabilités accrues, et, surtout, il accompagnait son maître dans ses guerres. Parvenu à l’âge d’homme, vers vingt ans, il était armé chevalier, soit par son seigneur, soit par son père, à condition que ceux-ci soient déjà chevaliers.

L’adoubement d’un chevalier

Jusqu’au XIe siècle, l’adoubement (mot qui proviendrait du verbe francique dubban : frapper) est une cérémonie très simple, qui coïncide généralement avec une fête religieuse. Au XIIe siècle, il devient une cérémonie fastueuse et très populaire. Sacralisé par l’Eglise, l’adoubement devient un sacramental.

Le jeune écuyer voulant devenir chevalier est reçu au château de son futur vassal. Après un bain purificateur, le postulant se recueille et jeûne toute une journée. Il passe la nuit à l’église. Au matin, il assiste à la messe, communie et fait bénir son épée. Puis, revêtu des habits militaires propres à sa nouvelle condition. Il est alors emmené par des moines et des serviteurs qui lui donnent les dernières recommandations. Ces préparatifs ont pour but de laisser un temps de réflexion au postulant. Celui-ci doit être parfaitement sûr et libre de son choix. Son engagement est à vie et le serment qu’il prononce, inviolable.

Dans la salle principale du château, en présence de sa famille, des seigneurs voisins et de ses camarades, le jeune écuyer prête serment à son seigneur. Il lui promet fidélité et loyauté à vie. Il reçoit alors son épée, le symbole de son rang, des éperons symbolisant son droit à posséder et dresser un cheval, son bouclier et ses armoiries.

Pour clore la cérémonie, le futur chevalier reçoit la « colée » : une gifle dont il était d’usage de dire que c’était la dernière qu’il recevait sans la rendre. Il s’agit en fait d’un coup asséné du plat de la main sur le cou ou la nuque. La colée se transforme, à la fin du Moyen Age, en « accolade », coup donné du plat de l’épée sur l’épaule du futur chevalier. Cette paumée le consacre chevalier.

Des fêtes concluent la journée. Musiciens, jongleurs et acrobates envahissent la salle, pendant que tout le monde s’attable pour le banquet. La journée se poursuit dans la liesse, ponctuée de joutes et de passes d’armes, jusqu’au soir, où le nouveau chevalier quitte le château de son seigneur.

Le chevalier errant

Rite initiatique, l’adoubement implique aussi l’entrée dans une nouvelle classe d’âge. Jusqu’à son mariage, parfois tardif, le chevalier est qualifié par les textes médiévaux de « jeune ». Sous la conduite d’un chevalier expérimenté, avec quelques compagnons, récents chevaliers comme lui, il quitte le château seigneurial et erre de longues années à la recherche d’aventures, d’exploits, de tournois, de richesses et de femmes. Car prouesse et largesse dissimulent un intense appétit de gains et la quête de riches héritières capables d’assurer au « jeune » un train de vie et une position qu’il ne peut trouver au château paternel.

Pour éviter la dispersion des patrimoines, les lignages nobles veillent à marier leurs fils le plus tard et le mieux possible. Le fils aîné seul peut espérer hériter de la seigneurie lorsque son père ne sera plus en état de la gérer. En attendant, il mène cette vie d’errance ou s’engage dans des expéditions lointaines, comme les croisades, véritable aubaine pour ces jeunes instables et querelleurs. La littérature courtoise, qui trouve chez eux ses lecteurs, ou plutôt ses auditeurs, témoigne de leurs frustrations (d’argent, de femme) et leur propose des modèles conformes à leurs aspirations : le chevalier qui, par sa prouesse, a réussi à dénicher la riche héritière

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Les ordres militaires et les chemins de pélèrinage

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Les ordres militaires et les chemins de pélèrinage 
 par Georges LENORMAND

Fondés en Terre sainte, le Temple et l’Hôpital ont reçu de nombreuses donations en Occident et ont établi un véritable réseau de maisons : on sait l’importance de l’hôpital de Saint-Gilles, ultime étape pour les pèlerins, croisés, marchands et aventuriers qui embarquaient à Marseille pour gagner la Terre sainte. De là à dire que les ordres religieux-militaires ont systématiquement établi des maisons, des hôpitaux le long des routes de pèlerinage, il y a un pas qu’il ne faut franchir qu’avec précaution, et parfois ne pas franchir du tout.

Il existe trois pèlerinages majeurs : Jérusalem, Rome, Compostelle.

Et trois ordres sont concernés : le Temple, l’Hôpital et Santiago.

Le Temple, l’Hôpital, Santiago et quelques autres, sont des ordres religieux avant d’être militaires. A ce titre leurs membres, outre le fait qu’ils vivent selon une règle et mènent une part de leur vie au couvent, ont des devoirs proprement religieux et en particulier le devoir de charité. Ils doivent pratiquer l’aumône, distribuer du pain, de l’argent aux pauvres, plusieurs fois par semaine et à l’occasion des grandes fêtes du calendrier chrétien. Certains ordres ont en outre un devoir d’hospitalité : c’est le cas de l’ordre des hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. A leurs débuts les hospitaliers ne pratiquaient pas d’activités militaires. L’Hôpital fondé à Jérusalem dès avant la première croisade accueillait, hébergeait et soignait les pauvres pèlerins.

Cette activité s’est développée avec le succès de la première croisade. En 1113, le pape Pascal II érigeait en ordre l’Hôpital de Jérusalem et y affiliait de nombreux établissements hospitaliers d’Occident, mais pas tous. C’est sur le modèle du Temple que l’ordre de l’Hôpital s’est militarisé, mais sans jamais abandonner sa vocation primitive.

Dans le royaume de Jérusalem, les hospitaliers hébergent et soignent les pauvres pèlerins dans leur hôpital de Jérusalem, puis, après 1187, à Acre. L’hôpital est l’édifice emblématique de l’ordre. Les hospitaliers en construiront un à Chypre, puis à Rhodes et enfin à Malte, qui furent tour à tour siège de l’ordre. L’ordre du Temple a été créé par quelques chevaliers désireux de protéger, au besoin en usant de la force, les pèlerins qui, à partir de Jaffa, puis d’Acre se rendaient à Jérusalem et au Jourdain. Des châteaux, des tours assuraient la sécurité de la route (Château Arnaud, Toron des Chevaliers, Quaranteine). Très vite cependant la mission des Templiers s’est élargie à une mission proprement militaire de défense des Etats latins d’Orient (l’Hôpital, en se militarisant, fit de même).

En Occident, les maisons des deux ordres, en dehors de l’Espagne où ils participent aux opérations militaires de la reconquête, sont davantage des grosses fermes, à la tête d’une unité d’exploitation, que des forteresses. On en tire les ressources nécessaires à l’accomplissement des missions militaires en Orient. Elles sont aussi des centres de recrutement, éventuellement des maisons de retraite pour les frères âgés ou infirmes, et, aux yeux des fidèles, des maisons religieuses tout aussi prestigieuses que les couvents bénédictins ou cisterciens. Les donations faites au Temple et à l’Hôpital furent nombreuses, variées et largement répandues dans tout l’Occident.

Les deux ordres ont-ils cherché à s’implanter (et donc à orienter le flot des donations et à acheter) le long des grandes routes de pèlerinages ?

En Italie les établissements templiers et hospitaliers sont nombreux le long de la Via Francigena que les pèlerins venus de France empruntaient pour se rendre à Rome. Mais c’était aussi la voie empruntée par les croisés, par les recrues des ordres militaires qui, au delà de Rome, gagnaient les ports d’Italie du sud (Bari, Barletta, Brindisi) pour aller en Orient. L’un et l’autre ordre, de même que, au XIIIe siècle, l’ordre teutonique, ont des maisons importantes dans ces ports. En jalonnant les routes italiennes de leurs maisons, les ordres religieux-militaires n’ont pas pour objectif de « protéger » la route des pèlerins, mais de permettre l’acheminement vers l’Orient de ce dont ils ont besoin : hommes, chevaux, vivres, armes et équipements.

De même les routes de Saint-Jacques n’ont pas particulièrement attiré le Temple et l’Hôpital. On a prêté au Temple des établissements hospitaliers à Luz et à Gavarnie. C’est faux[1]. Alain Demurger affirme que Templiers et Hospitaliers ont reçu des dons et ont acheté un peu partout en Occident. Alors pourquoi pas dans les vastes régions où se trouvent des chemins de Saint-Jacques (il y en a partout et ils servent aussi à ceux qui ne vont pas en pèlerinage). Le bourgeois de Bayonne ou le nobliau de Gascogne qui donne au Temple ou à l’Hôpital ne pense pas à Compostelle mais à Jérusalem !

Beaucoup d’établissements spécialisés dans l’accueil des pèlerins sur les routes menant à Compostelle ont été fondés et gérés par des collèges de chanoines : l’hospice de Roncevaux, Cayac, Aubrac, etc. Les chanoines de Sainte Christine du Somport étaient à la tête d’un réseau d’accueil dans la région. Ceci étant dit, il est bien évident que sur une route fréquentée par les pèlerins dans les montagnes pyrénéennes ou cantabriques, les établissements templiers ou hospitaliers existant recevaient des pèlerins et leur faisaient l’aumône. L’ordre de l’Hôpital avaient aussi des hôpitaux sur ces routes (Saint-Jean-du-Saint-Esprit à Bayonne par exemple). Au XVe siècle, en 1408 l’Hôpital transforme l’ancienne maison du Temple de Toulouse (on sait qu’à la suite de l’abolition de l’ordre du Temple en 1312, ses biens revinrent à l’Hôpital) en hôpital pour pèlerins. Un peu plus tard le grand prieur de l’ordre en Navarre fonde un hôpital à Puente la Reina.

Reste le cas de l’ordre de Santiago en péninsule ibérique (et qui possédait aussi des maisons en Gascogne) dont certaines traditions historiques inventées après coup et sans aucun fondement font remonter la naissance au X° siècle et lui assignent la mission de protection des pèlerins sur le chemin de Compostelle. Cela n’a rien à voir. L’ordre est fondé en 1170-1175. A l’origine, le roi de Léon Ferdinand II confie la garde de la forteresse de Càceres (sur le front de la reconquête, à plusieurs centaines de kilomètres au sud de Compostelle et du Camino francès !) à une confrérie de chevaliers qui, en 1171, s’engage à protéger les biens appartenant à l’archevêque de Compostelle dans la région de Càceres. La confrérie devient un ordre à qui l’archevêque donne la bannière de saint Jacques (lequel est aussi le saint patron de la reconquête). L’ordre, reconnu en 1175 par le pape, prend le nom de Saint-Jacques. A aucun moment il n’a été question du pèlerinage. Rien dans la règle de l’ordre n’en parle. L’ordre de Santiago combat les Maures, loin au sud en Estrémadoure, pas en Galice !

Pour conclure, si le Temple a bien été fondé pour protéger les pèlerins sur la route de Jérusalem, sa mission s’est étendue très vite à la défense des Etats latins. Ce n’est que par le hasard des donations pieuses qu’il a hérité ici d’un hôpital ou d’une maison-Dieu, là de biens, ailleurs de maisons ; dans le Sud-Ouest comme ailleurs. Et de toutes façons l’action hospitalière du Temple, secondaire mais réelle, n’a jamais concernée de près ou de loin Compostelle.

Le seul ordre religieux-militaire qui, par sa vocation initiale d’ordre hospitalier, a développé consciemment une action hospitalière sur le chemin de Saint-Jacques est l’Hôpital. Il l’a fait tardivement et cela n’a jamais été très important.

D’après Alain Demurger

Médiéviste, historien de la Croisade et des ordres religieux-militaires.

[1] Alain Demurger a lui même fait cette erreur, Vie et Mort de l’ordre du Temple, Paris, Le Seuil. p. 112-113. Il ne partage plus sur cette question les vues qu’il exposait alors.

Publié dans:L'ordre des Templiers |on 31 janvier, 2007 |5 Commentaires »

Prière des chevaliers

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Prière des chevaliers

Seigneur Jésus, de qui descend toute noblesse et toute chevalerie, apprenez-nous à servir noblement.

Que notre fait ne soit point parade ni littérature, mais loyal ministère et sacrifice coûteux.

Tenez nos âmes hautes, tout près de Vous, dans le dédain des marchandages, des calculs et des dévouements à bon marché.

Car nous voulons gagner notre paradis non pas en commerçants, mais à la pointe de notre épée, laquelle se termine en croix, et ce n’est pas pour rien.

Nous avons fait de beaux rêves pour Votre amour dans l’obscurité des journées banales, préparez-nous aux grandes choses par le fidélité aux petites et enseignez-nous que la plus fière épopée est de conquérir notre âme et de devenir des saints.

Nous n’avons pas visé moins haut, Seigneur, et nous sommes bien ambitieux, mais heureusement nous sommes faibles et cette grâce, nous l’espérons de Votre miséricorde, nous conservera humbles.

Demandez-nous beaucoup, et aidez-nous ô Vous donner davantage.

Et puisque nous sommes livrés à Vous, ne Vous gênez pas pour nous prendre au mot et pour nous sacrifier :

Nous Vous le demandons malgré le tremblement de notre chair, car nous voulons n’avoir qu’une crainte, celle de ne pas Vous aimer assez.

Et quand, au soir de notre dernière bataille, Votre voix de Chef sonnera le ralliement de tous Vos chevaliers, faites, Seigneur, c’est notre suprême prière, faites que notre mort serve à quelque chose, et accordez-nous la grâce de mourir debout.

Ainsi soit-il.

Père Jacques Sevin

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 31 janvier, 2007 |1 Commentaire »

Ethique et Symboles en Chevalerie

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Ethique et Symboles en Chevalerie 
  par Georges LENORMAND

L’éthique chevaleresque

La chevalerie n’est pas héréditaire. C’est l’aptitude à être chevalier qui l’est. La chevalerie s’acquiert par l’adoubement. Elle se mérite par le respect d’une éthique qui repose essentiellement sur deux vertus : la prouesse et la largesse.

  La première associe vaillance et loyauté : vaillance dans le combat, mais aussi dans la vie quotidienne ; loyauté envers son seigneur, son roi, sa dame ; le preux chevalier des chansons de geste est « sans peur et sans reproche », comme l’est encore le chevalier Bayard au XVIe siècle.

  La largesse comprend la prodigalité, la générosité, le faste. Dépenser sans compter, mais aussi être généreux envers ses adversaires, envers les faibles, tel est le code de l’honneur chevaleresque.

Le chevalier a maintes occasions de prouver ses qualités, dans les tournois ou à la guerre, à la croisade ou dans les fêtes, sur les chemins ou auprès des dames, dans les châteaux. Tous ces sentiments se fondent dans la courtoisie, qui correspond très précisément au transfert de la notion de service. Il s’agit désormais de servir sa dame et de lui obéir en toute circonstance.

La fusion de la noblesse et de la chevalerie a entraîné la diffusion des modèles chevaleresques. Une « idéologie » de classe se forme, qui donne à la noblesse une plus grande cohésion et qui dresse entre elle et le commun une barrière infranchissable. Roman courtois, épopée, poésie lyrique sont littérature de noble, non de vilain.

Si l’éthique chevaleresque a pu apparaître rétrospectivement comme intemporelle et invariable, elle s’est en fait constituée dans la confrontation de multiples valeurs, militaires, religieuses ou païennes. Valeurs qui seront sublimées en un idéal si pur qu’il deviendra universel. Dès le X° siècle puis au XI°, « l’idéologie » chevaleresque n’est plus l’apanage seul du roi.

Elle s’est formée peu à peu, sous l’influence de l’Eglise, de la noblesse, d’un code déontologique et de la littérature.

  L’Eglise cherche d’abord à limiter les méfaits des seuls guerriers, en mettant les chevaliers au service de sa cause, et en en faisant des défenseurs de la chrétienté, des veuves et des orphelins (paix de Dieu et trêve de Dieu). De surcroît, des formules de bénédiction de l’épée royale rappelant le devoir de protection de l’Eglise et des faibles sont utilisés pour des princes.

  La noblesse souligne les idéaux de service et de fidélité au seigneur, et développe une idéologie aristocratique anti-roturière en flattant l’orgueil de caste des chevaliers.

  Le code déontologique forgé dans les guerres et les tournois, valorise le combat à la lance et à l’épée, condamne l’usage des armes de trait (à projectiles), interdit aux chevaliers d’achever un adversaire blessé ou désarmé criant « merci », réglemente les pratiques de rançon ou de butin, et accroît le sens du compagnonnage.

  La littérature, pour sa part, introduit dans le monde brutal de la chevalerie, la dimension féminine en valorisant les vertus de l’amour courtois.

A partir du XIVe siècle, ceux qui ne se conforment pas à ces pratiques sont exclus de la chevalerie.

L’épée : arme par excellence du chevalier

L’épée est l’arme par excellence du chevalier et de l’homme d’arme du Moyen Age. Son origine remonte à la plus haute antiquité et même sans doute à l’âge du bronze. Les Grecs et les Romains utilisaient des épées plutôt courtes (60 centimètres environ) d’abord en bronze puis en fer. Toutefois, leur qualité n’était pas excellente.

L’usage de l’épée longue (environ 90 centimètres), semble débuter à l’époque franque et plus spécialement carolingienne. A partir de cette période, l’épée devint l’arme la plus noble ; son pommeau creux renfermait même parfois des reliques. L’épée était donc très importante pour le chevalier qui la possédait, elle portait souvent un nom (la plus célèbre est Durandal, l’épée de Roland). Parfois même il lui parlait comme à un compagnon, et préférait la briser quand la fin était proche, plutôt que de voir un ennemi s’en emparer.

Pendant le Moyen Age, les mots « branc » et « épée » sont employés pour désigner cette arme. On nommait la lame alemelle ou lumelle ; la poignée le helz, l’endeure, l’enheudeure ou encore le heut ; le pommeau était nommé le pont ou le plommel ; la garde se disait l’arestuel ou les quillons ; et le fourreau s’appelait le fourrel ou le fuere.

Quand on frappait par le tranchant, on parlait d’un coup de « taille », tandis que si c’était une tentative qui visait à planter l’épée dans son adversaire, il s’agissait d’un coup « d’estoc ». Ce genre de coup était interdit en joute (le but des joutes n’était pas de s’entretuer, mais de montrer le potentiel au combat des chevaliers).

Jusqu’au XIIe siècle, l’épée utilisée pour la taille, qui possédait deux tranchants, se terminait par un bout plutôt arrondi. A la fin du XIIe siècle, la poignée devient assez longue pour permettre de se servir de l’arme à deux mains. Ensuite, la forme de l’épée ne se modifie guère jusque vers le milieu du XIIIe siècle. A cette époque, on distingue deux types d’épées : les épées à lames légères, utilisées de taille et d’autres à lames lourdes, plus courtes et destinées à des coups d’estoc. Les chevaliers en possédaient souvent une de chaque, la première utilisée à cheval et la seconde pour le combat à pied.

Au XVe siècle, les armées donnant un rôle important à l’infanterie, équipèrent leurs fantassins de grandes épées à deux mains pouvant atteindre jusqu’à 1m65. Elles étaient utilisées pour faire des ravages contre les escadrons de cavalerie. L’épée perdit de son importance lors du combat avec l’avènement des armes à feu portatives et cessa d’être une arme de guerre dès le XVIe siècle. Elle fut remplacée par le sabre dans la cavalerie.

Publié dans:VALEURS DE FRANCE |on 31 janvier, 2007 |3 Commentaires »

La Prise d’Antioche par les Croisés

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 Maxime GOEPP et Benjamin SAINTAMON
et la référence au site web source http://maxime.goepp.free.fr 

 

La Prise d’Antioche

 Le siège d’Antioche apparaît être le véritable climax de la Première Croisade : les croisés, éprouvés par une difficile traversée de l’Anatolie, se heurtèrent durant sept mois à la farouche résistance des habitants de la ville et aux tentatives de dégagement opérées par les forces d’Alep et de Damas. En proie à une terrible disette, leur situation devint tragique à l’annonce de l’approche de la grande armée de Mossoul.
Il fallut la trahison d’un renégat arménien et toute la ruse de Bohémond de Tarente pour que cette première expédition franque organisée en Terre Sainte ne se solde par un complet désastre…
Antioche la belle

Quittant Marasch à la mi octobre de l’année 1097, les croisés prirent la grande route qui file au Sud par Ravendel et Azaz jusqu’à l’Oronte, où les attendait le « Pont de Fer » (Jisr al-Hadid).
Cet imposant ouvrage défendant le gué de l’Oronte était garni de deux tours pouvant contenir chacune cinquante arbalétriers. Il fut emporté de haute lutte le 20 octobre, permettant ainsi aux forces chrétiennes de déferler dans la vaste plaine d’Antioche. L’ost arriva finalement devant ce verrou de la Terre Sainte le lendemain, en milieu de journée, Bohémond de Tarente à sa tête.
Antioche la belle, où Saint pierre avait fondé le premier siège épiscopal, ville magnifique et grandiose à qui Saint Luc avait dédié son évangile, ville symbolique enfin où s’était tenu le premier concile de l’Eglise, à l’issue duquel les Nazaréens – ou Galiléens, comme on disait alors – avaient décidé de se donner le nom de « chrétien ».
Antioche la belle, aux remparts courant sur plus de quinze kilomètres, et ponctués d’innombrables tours !
L’immense enceinte qui s’offrait alors aux yeux des Francs englobait la ville elle-même et les escarpements qui s’étageaient vers une citadelle pratiquement inexpugnable deux à trois cent mètres au dessus de la plaine. La ville, constate Raimond d’Aguilers, est tellement garnie de murailles, de tours et d’ouvrages avancés qu’elle n’a à redouter ni les efforts des machines, ni les assauts des hommes, dût tout le genre humain se réunir contre elle. »En outre, les protections naturelles que figuraient l’Oronte sur le front ouest et les contreforts du mont Silpios (Habîb el-Nejâr) au sud et à l’est, interdisaient à toute armée, quel que fut son nombre, d’y établir un blocus effectif.
Le début du siège

 A vrai dire, personne, parmi les chefs de la croisade, n’avait de telles velléités : ils se contentèrent simplement de faire face à la courtine nord de la ville. Bohémond, arrivé le premier, s’établit avec ses Normands de Sicile devant la porte Saint Paul (Bâb-Bûlus). Plus à droite, entre les portes Saint Paul et du Chien (Bâb al-Kelb), les comtes Robert de Flandre et Robert Courteheuse, Hugues de Vermandois et Etienne de Blois, prirent à leur tour position. Le comte Raymond de Saint-Gilles et ses Provençaux, plaça son camp à la suite, également au voisinage de la porte du Chien. Enfin, le duc Godefroi de Bouillon, entouré de ses Brabants, Lotharingiens, Allemands et Frisons, s’établit précisément face à la porte du Duc, actuelle porte du Jardin (Bâb el-Janaina), dans le triangle compris entre l’enceinte et le cours de l’Oronte.
Mais Antioche était loin d’être encerclée, et le secteur sud de l’enceinte, où se trouvaient les portes du Pont (ou de la Mer) et Saint Georges resta libre de toute occupation. » Durant les quinze premiers jours, s’étonne l’Anonyme,, nul d’entre eux n’osa attaquer un des nôtres (…). On ne voyait personne sur les remparts, si ce n’est les hommes de garde « .
Les Francs profitèrent de ce calme relatif pour courir le pays à la recherche de vivres et de fourrage, relachant leur vigilance et s’exposant ainsi aux coups de main des garnisons d’Antioche et de la forteresse de Harîm de l’autre côté de l’Oronte. Vers le 18 novembre, Bohémond, ayant pris avec lui cent cinquante cavaliers, attira la garnison de cette forteresse dans une embuscade et revint avec beaucoup de captifs que l’on décapita sous les murs d’Antioche.
Les barons décidèrent bientôt de resserrer les mailles du siège ; aussi entreprirent-ils de couper les ponts par lesquels les Turcs effectuaient leurs sorties de la ville, et notamment un pont de pierre « basti de grant ancesserie » près de la porte du Chien. Munis de masses et de « grans picois d’acier », les hommes s’attaquèrent à l’ouvrage : »Si commencèrent à férer au pont pour le despecier ; mes le mur estoit si dur et si fort œuvre que onques ne le domagièrent ».
Après de pénibles efforts, ils parvinrent à en condamner l’accès en y faisant rouler d’énormes blocs de pierres ainsi que des troncs d’arbre.
Par ailleurs, afin de fourrager en toute sécurité, les Francs se donnèrent de l’air en construisant, au nord-est de la ville, un pont de bateaux recouverts de claies en osier, qui leur permit de passer à leur gré sur la rive droite du fleuve pour communiquer avec la côte, en l’espèce le port de Saint-Siméon (Suwaidiya), à l’embouchure de l’Oronte. Enfin, pour dominer le rempart nord-est de la ville et prévenir les brusques sorties de la garnison de ce côté, on construisit sur les pentes de la montagne et dans le secteur de Bohémond, un fortin baptisé Malregard.
Misère, calamités, désolation…
Malgré toutes ces précautions, le siège traînait en longueur et la pression des Turcs ne se relâchait pas un seul instant : Défis, harcèlements, provocations…
Il leur arrivait ainsi d’enfermer le patriarche grec d’Antioche dans une cage et de le descendre le long de la muraille pour narguer l’armée chrétienne.
De même un jour, derrière le camp de Godefroi, les assiégés surprirent et décapitèrent Aldébaron de Lutzelbourg, jeune homme issu de sang royal, qui jouait aux dés en compagnie d’une « dame très noble et très belle » qu’ils entraînèrent dans la ville.
« Pendant toute la nuit, [...] ils lui firent subir tous les excès de leur brutale débauche », puis au matin, la décapitèrent, plaçant sa tête dans une baliste qu’ils envoyèrent dans le camp du Duc de Lorraine…
La disette et l’hiver, éternels ennemis des armées, s’installaient ; de surcroît, il pleuvait sans cesse.
« Les tentes pourries et déchirées par les torrents de pluie qui les inondaient étaient tellement hors d’usage, que beaucoup des nôtres n’avaient plus d’autre abri que le ciel. [...] Il était devenu impossible de mettre sa tète au sec, quant aux armes, tout ce qui était de fer ou d’airain, la rouille s’en était emparée [...] de tout cotés, ce n’était que misère, calamité, désolation. »La rigueur de cet hiver après la fournaise de la traversée d’Anatolie était pour ces hommes venus de l’Occident lointain une rude surprise : »On nous dit que dans toute l’étendue de Syrie, écrit le comte Etienne de Blois à sa très chère femme Adèle, on peut à peine supporter les ardeurs du soleil ; cela est faux, car leur hiver est tout à fait semblable au notre. Nous avons souffert pour le Christ Notre-Seigneur d’un froid excessif et d’énormes torrents de pluies « .
Vers le 23 décembre, les barons résolurent de remplacer le système des fourrageurs isolés par l’envoi d’une grande expédition, formée de vingt mille hommes, qui irait ravager les terres au Sud d’Antioche, sur le moyen Oronte, et ramènerait des vivres en quantité.
Bohémond se proposa de conduire l’expédition et se mit en marche, accompagné par le comte de Flandres, trois jours après la fête de la Nativité.
Dès le lendemain, à la faveur de la nuit, la garnison d’Antioche opéra une sortie par la porte du Pont contre les éléments de l’armée franque qui étaient dispersés du coté de l’actuel cimetière musulman (entre l’aqueduc proche de Tshakmaja et le wadi al-Quwaisiya).
Mais Raymond, comte de Toulouse, était prêt à la riposte : s’élançant dans la mêlée avec tout ce qu’il put rassembler en chevaliers, il mit l’ennemi en déroute et parvint même à investir le pont.
Déjà, on espérait qu’il emporterait la ville, quand un cheval démonté jeta le désordre dans les rangs des Provençaux avides de montures. Les hommes de pied, croyant à une débandade, commencèrent à refluer, talonnés par les Turcs, jusqu’au pont de bateaux.
Incident fâcheux qui coûta la vie à nombre de preux, dont Bernard de Béziers, porte bannière du comte de Toulouse. Ladite bannière, où était figurée la Vierge Marie, fut accrochée sur les remparts et subit tous les outrages…Pendant ce temps, Bohémond et Robert de Flandres parvenus à hauteur d’al-Bâra (à près de cent kilomètres au sud est d’Antioche), rencontrèrent une puissante coalition turque, partie au secours d’Antioche. Il y avait là le prince de Damas Duqâq, l’émir de Homs* Janâh al-Dawla ibn-Mulâ’ib et le propre fils de Yâghî Siyân, émir d’Antioche.
La bataille eut lieu près d’al-Bâra, le 31 décembre 1097. Après une vaine tentative d’encerclement, qui échoua grâce à la perspicacité de Bohémond, les Turcs essuyèrent la terrible charge du comte de Flandres, et s’évanouirent dans la nature.
Succès singulièrement considérable, mais succès négatif, car les Francs n’osèrent pousser plus au sud après cette bataille inattendue. Ils regagnèrent le camp d’Antioche, « plus légers que chargés de butin ».
La grande purification

L’expédition de ravitaillement ayant échoué, la famine s’installa. Face à cette situation, barons et membres du clergé sentirent le besoin d’un grand effort de discipline et convinrent de  » bannir de l’armée toute injustice ou souillure « .
Il fut d’abord décidé de punir sévèrement ceux qui voleraient ou tricheraient dans les transactions entre Chrétiens.
Puis que « toutes les foles femmes et les meschines de mauvèse vie fussent gitées fors de l’ost » et que qui « seroit pris en adultère n’en fornication, l’en li couperoit la teste ; les « buveries des tavernes, les jeuz des dez et les mauvès serementz [blasphèmes], l’en les deffendi sur peine de mort ».

Ceux que l’on pris à contrevenir aux décrets destinés à purifier le camp furent sévèrement châtiés : « Les uns furent chargés de chaînes, d’autres battus de verges, d’autres subirent la tonsure ou la marque du fer rouge ».
Un homme et une femme surpris en délit d’adultère furent même déshabillés et contraints de parcourir toutes les allées du camp les mains liées, fouettés par les pèlerins « afin que la vue des plaies horribles dont ils étaient couverts servit à détourner tous les autres d’un crime aussi abominable ».
Cette grande entreprise de purification ne pouvait aboutir sans qu’en soient expulsés les éléments allogènes, tels que ces espions musulmans, qu’évoque Guillaume de Tyr : « Il y avait dans notre camp un grand nombre de ces espions, déguisés en chrétiens syriaques ou arméniens » et chargés de renseigner l’émir de tout se qui se tramait parmi les croisés. Les barons, voyant leurs décisions éventées à l’avance, ne savaient comment se débarrasser d’une telle peste. L’industrieux Bohémond demanda alors qu’on lui laisse les mains libres dans cette affaire : »Biaux seigneurs, je vos prie que vos me laissiez chevir de ceste chose, car j’ai en pensée une moult bone délivrance de cest péril ! »
A la nuit tombante, il fit allumer un grand feu comme pour préparer le souper et mander « les bouchers de sa terre ». Puis il ordonna qu’on fasse sortir de prison quelques Turcs qu’il tenait dans les fers.

Ils leur « coupèrent les gueules et les enfondrèrent [embrochèrent] et les atornèrent [préparèrent] por rostir ». L’en commença à demander que ce estoit. « Tel sera désormais le sort réservé aux espions », fit dire Bohémond, « ils serviront de nourriture aux princes et au peuple ».

Le camp s’allégea ce soir là d’un certain nombre de faux chrétiens, « répandant par toute la païennerie  que cele gent qui estoient à siège Antioche estoient plus durs que roche ne que fers, de cruauté passoient les ours et lyons, car les bestes sauvages menjoient les genz toutes crues, mès cil les rotissent avant et puis les déveurent. »
LA BATAILLE DU LAC D’ANTIOCHE
De son côté, le fils de l’émir d’Antioche, chargé par son père de provoquer l’envoi d’une contre-croisade musulmane, se décida à implorer l’aide de Ridwân, le prince d’Alep, qu’une rancune tenace envers son vassal d’Antioche avait tenu éloigné du siège de la ville. Ce dernier résolut de passer outre ses mauvaises dispositions et de venir débloquer la situation.
Ridwân, son cousin Soqmân, et toutes les troupes d’Alep, de Shaîzar, de Hama et de Homs, opérèrent leur concentration à Harîm, à quelques trente kilomètres à vol d’oiseau à l’est d’Antioche. Leur plan d’action était le suivant : fondre à l’improviste sur la ville et prendre la famélique armée franque en étau avec la garnison de la ville, qui effectuerait une sortie au même moment. Mais les chrétiens indigènes de la principauté d’Alep s’empressèrent de prévenir secrètement les croisés…
Au témoignage de l’Anonyme, ce fut encore Bohémond qui, durant le conseil de guerre, proposa un stratagème destiné à sauver l’armée. Sur son avis, l’infanterie s’opposerait à la sortie des assiégés, tandis que tous les chevaliers valides – ils n’étaient alors guère plus que 700 – se porteraient sur un terrain favorable au devant des Alépins.
La nuit venue, les chevaliers passèrent donc le pont de bateaux, sur la rive septentrionale et orientale de l’Oronte et allèrent, dans le plus grand secret, se poster sur l’étroit passage situé entre le fleuve et le lac d’Antioche (lac d’al-’Amq).
Position fort habilement choisie, car lorsque l’armée alépine rencontra, au matin du 9 février, le corps de chevaliers croisés, elle ne put se livrer à sa tactique habituelle, à savoir la charge  d’escadrons successifs se retirant après avoir décoché sur l’ennemi une volée de flèches.
« Quant ils s’aprochièrent, raconte l’Anonyme, li nostre férirent des esperons encontre eus, […] Hecques furent si à estroit entre le flum et le lai [le fleuve et le lac] que il ne pooient, selonc ce que leur costume est, trere [lancer leur traits] et foir « .
La physionomie de la bataille est claire : le harcèlement préalable des archers turcs fut arrêté net par la charge cuirassée des chevaliers francs, balayant tout sur son passage et culbutant les escadrons d’archers sur le gros de l’armée alépine. Le choc qui s’ensuivit fut terrible : »Les cris résonnaient jusqu’au ciel, tous combattaient à la fois et des pluies de flèches obscurcissaient l’air. Puis, lorsqu’arriva le gros de leur armée, les nôtres furent attaqués avec un tel acharnement qu’ils reculaient déjà peu à peu. »
C’est à ce moment là que Bohémond, resté en seconde ligne avec la réserve, choisit de se lancer dans la mêlée.
  »Munis de tous cotés du signe de la croix, raconte encore l’Anonyme, tel un lion qui a souffert de la faim pendant trois à quatre jours sort de son antre en rugissant, altéré du sang des troupeaux, s’élance à l’improviste au milieu du bétail, déchirant les brebis qui fuient çà et là, ainsi il se comportait au milieu des rangs des Turcs ; et il les poursuivaient si ardemment que les flammes de sa bannière volaient par dessus leur têtes. »
L’exemple fut contagieux, les Francs se reprirent, contre-attaquèrent et enfoncèrent les rangs de l’ennemi qu’ils poursuivirent jusqu’à Hârim. Devant cette panique, la garnison même du château prit peur et quitta précipitamment la place, non sans avoir essayé de l’incendier.  Les Chrétiens indigènes – « hommes perfides constate Guibert de Nogent, qui se tenaient entre les deux armées, attendant l’issue du combat pour s’attacher au parti vainqueur » – s’empressent de la remettre aux « vigoureux athlètes du Christ « .
Pendant ce temps, le combat faisait rage devant Antioche. La lutte de ce côté fut particulièrement pénible pour l’infanterie franque, qui tint néanmoins jusqu’à l’arrivée des chevaliers victorieux. Leur approche, en triomphal arroi, annonçait à Yâghî Siyân que l’armée de secours était en fuite.
Pour ajouter au découragement que la ruine de tant d’espérances causait parmi les assiégés, les Francs firent lancer par des catapultes dans la ville les têtes des Turcs tués près du lac d’Antioche,  tandis que d’autres furent  plantées sur des pieux en face même des murailles « afin que ce spectacle fut pour eux comme une épine dans l’œil »…
STUPEUR ET CHATIMENT

 

L’armée alépine, comme l’armée de secours damasquine quelque mois auparavant, avait elle aussi échoué. Cependant, par-delà les deux principicules seldjoukides de Syrie, l’émir d’Antioche avait fait appel à la branche aînée des Seljûks, nommément à son chef, le sultan de Perse Batrkiyârûq, ainsi qu’à son principal représentant aux frontières de Syrie, le redoutable gouverneur de Mossoul, Kerboga.
 Il s’agissait donc pour les Francs, parmi lesquels ces inquiétantes nouvelles se répandaient, de hâter au plus vite la chute de la ville et, pour cela, de transformer ce siège en pointillé en un véritable blocus…
La première mesure qui vint à l’esprit des chefs de la Croisade fut d’empêcher toute possibilité de sortie de la garnison par la porte du Pont : on entreprit à cet effet la construction d’un fortin sur la rive droite de l’Oronte, juste en face du pont, sur une hauteur qui le dominait. Cette butte, actuellement occupée par un cimetière musulman, était alors garnie de deux mosquées, d’où le nom de château de la Mahomerie que lui prêtèrent les chroniqueurs.
Les matériaux de construction pour mettre en œuvre un tel projet faisant cruellement défaut, Bohémond de Tarente et Raimond de Saint-Gilles se proposèrent d’aller quérir sous bonne escorte du bois et des ouvriers expérimentés au Port de Saint-Siméon, où disait-on, une escadre génoise venait d’arriver.
La garnison d’Antioche, enhardie par l’éloignement d’une partie de la chevalerie franque, multiplia alors les sorties et coups de main. Un détachement de Turcs surprit même Saint-Gilles et les siens revenant de leur périple sur la côte. Ne s’attendant sans doute pas à un tel accueil, et ralentie par le lourd matériel, la troupe chrétienne fut prise d’une panique irraisonnée et subit de lourdes pertes.
 Au camp chrétien, à la stupeur succéda l’effroi : Bohémond et Raymond auraient été massacrés avec toute leur gent ! Godefroi de Bouillon, bouleversé, redonna néanmoins confiance aux siens à travers une mémorable harangue, révélatrice de l’état d’esprit animant alors les premiers croisés :
« Biaux seigneurs, se la veritez est einsi comme la novelle dit, que par noz pechiez cil chiens desloial aient einsi occis si vaillanz homes, je n’i voi de deux chose que l’une : ou que nos morons avec eus, comme bon crestien, ou se Nostre Sires veut que nostre servise li duire encore, nos prenons haute vengeance de ces mastins qui ont la Crestienté empirié des ceste vaillante gent. De moi, vous di-je vraiement sur mon ame, que nulle manière de vie je n’aimeroie autant comme la mort, se il sont vengié. »
« Alors, dit l’Anonyme, enflammés par le massacre des notres, après avoir invoqué le nom du Christ et confiants dans l’espoir d’atteindre le Saint-Sépulcre, nous étant groupés ensemble, nous parvînmes à engager le combat avec eux, et nous les attaquâmes d’un seul cœur et d’une seule âme « .
Serrés de toutes part, les Turcs qui s’efforçaient de rallier à tout prix la porte du Pont, tombèrent par centaines, égorgés par les Francs ou noyés dans les flots de l’Oronte.  Il y avait, d’après les chroniqueurs, un tel monceau de Turcs abattus à l’entrée du pont de pierre qu’à peine les survivants pouvaient-ils le franchir.

Vers le soir, Godefroi de Bouillon « fist un coup tel dont il sera touzjorz parlé » : d’un seul coup  d’épée, il coupa un turc en deux par la taille : « li dux le feri à l’espée parmi le nombril si que sa moitié desus chéi à terre et l’autre moitié remest  [resta] sur le cheval qui se féri en la cité avec les autres ».
Cette victoire inespérée des croisés (6 mars 1098) marqua une tournant décisif dans le siège d’Antioche. Les Francs, raffermis dans leur supériorité militaire, résolurent de continuer leur encerclement de la ville, seule mesure qui, de toute évidence, put la faire tomber entre leurs mains.
Ils retournent alors au chantier du fort de la Mahomerie en utilisant les madriers et les poutres rapportés de Saint Siméon ainsi que les pierres d’un cimetière musulman non loin de là. Le 19 mars, la redoute est achevée et c’est au comte de Toulouse qu’en incomba la garde.
Ils s’assurèrent également un troisième bastion pour compléter leur dispositif en fortifiant le monastère Saint-Georges situé en amont de la porte du même nom, sur les pentes occidentales du Mont Silpios. La construction et la garde de cette nouvelle forteresse reviennent au bouillant Tancrède, neveu de Bohémond de Tarente.
L’HEURE DE BOHEMOND

 

L’encerclement d’Antioche étant presque complet, l’ennemi confiné entre les murs de la ville et n’osant plus sortir, le siège s’annonçait dès lors sous de meilleurs auspices. Bohémond de Tarente paraissait d’ailleurs singulièrement sûr de lui quand, au conseil suivant, il s’adressa en ces termes aux barons :
« Chevaliers très prudents, lui fait dire l’Anonyme, considérez dans quelle misère nous sommes tous, grands et petits, et nous ignorons à peu près de quel coté nos affaires s’améliorent. Si cela vous paraît bon et honorable, que l’un d’entre nous se désigne devant les autres, et si, d’une manière quelconque, ou par son industrie, il parvient à acquérir ou à emporter d’assaut la cité, (…), concédons en lui la possession d’une voix unanime.  » Les barons refusent sèchement :  » Nous avons supporté les même maux, disent-ils, nous recevrons tous le même honneur. A ces mots, rapporte toujours l’Anonyme, le prince normand sourit légèrement et se retira aussitôt.  »
Mais l’immense armée de Kerboga approchait jour après jour, et les plus folles rumeurs circulaient déjà dans le camp chrétien. Les barons décident alors d’envoyer un groupe de reconnaissance pour prendre l’exacte mesure des effectifs de l’armée Seldjoukide : Dreux de Nesle, Clairambaud de Vendeil et Yves de Toul, hommes de guerre expérimentés, partirent au devant de l’ennemi pour revenir le vendredi 28 mai.
Les informations qu’ils rapportèrent étaient encore pires que les rumeurs qui couraient. Ils n’en firent part qu’aux barons « de peur que le peuple déjà affligé par la longueur du siège et l’extrême pénurie qu’il éprouvait ne tombe dans le désespoir « .
L’ost ne pouvait se permettre d’affronter une si grande armée en rase campagne avec Antioche toujours ennemie en son dos, ni même de se scinder comme auparavant en deux corps, vu la faiblesse de ses effectifs par rapport à la nature du péril. Bohémond choisit ce moment pour annoncer brusquement à ses pairs qu’il était en relation depuis plusieurs semaines avec l’un des assiégés auquel on avait confié la garde d’une tour « mout fort pleine et mout bien garnie ». La tour en question n’est autre que celle des Deux-sœurs, gros ouvrage pentagonal situé au sud de la ville.  L’homme, quant à lui, un transfuge arménien passé à l’Islam, venant de surprendre sa femme dans les bras d’un des principaux capitaines turcs de la garnison…
Ce Firouz, car tel est son nom, était prêt à livrer la tour dès que Bohémond le demanderait.
« Se il vos plest en ceste manière, poez avoir la ville. Se ne vost plest et vost puissiez trouver autre manière, je suis prez à quitter toute la moie part à un de vous, se il nous puet la cité délivrer. »
L’atterrement des barons fut général, mais en cette nuit du 29 mai, la piste de ce renégat cocufié était la seule lueur d’espoir : passant outre la résistance obstinée du comte de Toulouse, les chefs de la croisade se désistèrent un à un de leur droits sur la cité en faveur de l’astucieux prince normand à qui tous les pouvoirs furent donnés pour conduire la prise de la ville.
L’ASSAUT FINAL

 

Conformément aux ordres de Bohémond, ce soir du 2 juin 1098, une partie de l’armée croisée – la plupart des chevaliers – fit mine de partir à la rencontre de Kerboga, l’infanterie restant dans ses positions habituelles et dans l’ignorance de ce qui se tramait. Le change étant ainsi donné aux assiégés, les chevaliers marchèrent une bonne partie de la nuit, pour se dissimuler au lever du jour dans les ravins non loin de la Porte du Pont.
Par chance, c’était une de ces nuits de grand vent où l’on entendait rien. Une corde fut lancée, un interprète monta et remit la bague de Bohémond pour se faire reconnaître. L’homme redescendit, puis on attacha à la corde une longue échelle en cuir de bœuf que Firouz remonta et fixa solidement à la tour.
Les hommes commencèrent alors à monter silencieusement. Dix, vingt, puis bientôt soixante. Toutes les tours du coté sud furent occupées à tâtons dans la pénombre.
L’Anonyme participait lui aussi à l’assaut :
« Ceux qui étaient déjà dans les tours, raconte-il, se mirent à crier d’une voix joyeuse  » Dieu le veut » ! Nous même poussions le même cri. Alors commença l’escalade merveilleuse. »
Les premiers arrivants ouvrirent à leurs compagnons les portes de la ville, à commencer par la porte du Pont, tandis que les Turcs, réveillés, sonnaient à peine l’appel aux armes.
De l’autre côté de la ville, le reste de l’armée, campé en dehors des murailles, crut en entendant les vociférations et le retentissement des cors à l’arrivée imminente de l’armée de Kerboga. Mais, bientôt informé et rassuré par les chefs restés au camp, le  » peuple de Dieu  » s’élança à son tour dans un vigoureux assaut. 
La ville est prise et ce fut un carnage. Dans la pénombre, nul ne distinguait l’ennemi de l’ami.

« Les rues de la cité étaient jonchées des corps des mourants. Nul ne résistait plus. Les nôtres parcouraient les rues, les toits des maisons, à la recherche de ceux qui se cachaient. Ils taillaient en pièce et mettaient à mort les enfants, les jeunes gens et les vieillards. Chose étonnante, spectacle merveilleux que de voir cette multitude se laisser tuer impunément sans faire résistance. »
Tandis que les chrétiens submergeaient la ville, Bohémond courut vers la citadelle, le point fort d’Antioche. Une flèche lui traversa la cuisse et il ordonna qu’on plante sa bannière le plus haut possible près du fort. L’émir Yâghî Siyân, voyant l’étendard écarlate de Bohémond flotter sur l’une des tours du Silpios, crut sa citadelle perdue et prit la fuite à travers les chemins inaccessibles de la montagne. Des Arméniens, qui travaillaient comme bûcherons non loin de là,  le reconnurent et lui tranchèrent la tête qu’ils apportèrent en trophée aux Francs…
La prise d’Antioche sauva littéralement les Croisés d’un désastre effrayant. En effet, le lendemain même, la grande armée seljukîde de secours paraissait sur l’Oronte…

 

Maxime GOEPP et Benjamin SAINTAMON
et la référence au site web source http://maxime.goepp.free.fr 

Publié dans:L'ordre des Templiers |on 28 janvier, 2007 |Pas de commentaires »
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